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Samizdat

J'ai vu Kill Bill !




Christian Bourgeois


Avertissement

Ce qui est écrit n'engage que son auteur (moi) et certainement pas les metteurs en scène qui ont fait les films. En effet, il ne faut pas prêter aux gens que l'on ne connaît pas personnellement des intentions qu'ils n'ont (peut-être) pas. De plus ces écrits ne constituent en aucun cas mon crédo, ou un fondement quelconque de ma foi. Ce ne sont que des réflexions qui n'ont qu'un but: essayer de voir autrement pour mieux comprendre, et donc mieux communiquer cet évangile qui, reconnaissons-le a eu aussi beaucoup de mal à nous parvenir. Ces réflexions sont néanmoins motivées par un constat douloureux que j'exprime au début de la deuxième section page neuf. J'ai pris volontairement parfois un ton un peu badin, le créneau de l'humour étant libre, je m'y suis garé. Je vous souhaite de passer un très bon moment.

Dans son ouvrage "Démission de la raison", Francis Schaeffer fait un douloureux constat: celui d'une "dichotomie" entre le monde et l'Eglise de Jésus-Christ. Je précise... de Jésus-Christ, car il y a d'autres églises. Semble-t-il. Cette dichotomie, chacun la décrira à sa manière, existe probablement parce qu'un jour nous avons cru que nous n'avions rien à faire avec l'esprit de ce siècle, ou du monde. Certes, et l'apôtre Paul nous y exhorte d'ailleurs. Mais, voyez-vous, "Dieu a tant aimé le monde qu'Il a donné son Fils Jésus-Christ afin que quiconque (du monde) croit en Lui ne périsse pas mais qu'il ait la vie éternelle" (Jean 3: 16 ) Et Paul, lui, nous enjoint de ne pas nous mettre à part du monde, d'être dans le monde sans être DE ce monde. Don Richardson dans un ouvrage déjà un peu ancien, "L'éternité dans leur cœur", nous explique que le Seigneur a déjà déposé des clés dans les cœurs des peuples/tribus/individus afin que l'évangile de Jésus-Christ puisse y pénétrer et faire son œuvre.

Si aujourd'hui nous voulions trouver certaines de ces clés, il faudrait les chercher dans les arts. La littérature (y compris la BD), la musique, le cinéma sans oublier la peinture, la sculpture, le théâtre, la danse et j'en oublie sûrement, pardonnez-moi, sont autant de moyens d'expressions, de cris poussés qui devraient ouvrir notre oreille...même si d'aucuns y voient, versets bibliques à l'appui, une certaine idôlatrie. Principalement en ces temps où le sexe est étalé à grands renforts de dessins, d'images, de sons etc... Sans oublier les démons, vampires et autres sorcières qui font trembler jeunes et vieux peu enclins à séparer le vrai du faux. Donc le monde est idolâtre, et Paul nous a dit de nous garder du monde, donc obéissons à Paul...quitte à désobéir (un peu quand même) à Jésus! D'où la dichotomie dont je vous parlais plus haut.

Or, les arts sont indubitablement le baromètre de l'évolution psychologique et spirituelle de notre société.

Donc, je vais vous parler cinéma et plus précisément de Kill Bill. Evidemment, il faut aimer un tant soit peu les arts martiaux, les bagarres au sabre et l'hémoglobine pour aller voir un tel film. Il faut aussi aimer voir son héros (ici l'héroïne) se faire maltraiter à tel point qu'on crierait volontiers: "Seigneur aide-la!" Or, s'il y a bien une chose que l'on supporte difficilement, c'est que notre héros souffre, pire, ne meurt. Pierre le disciple de Jésus le sait bien, lui qui refusait jusqu'à l'idée même que son Seigneur (ou...son idôle?) puisse subir une fin aussi infâmante que celle d'un meurtrier sur une croix.

Mais il faut aussi aimer la vengeance qui anime cette (future) épouse au point de la voir tuer une mère de famille sous les yeux de sa propre fille, arracher l'unique œil d'une rivale et découper d'un maître coup de sabre le cuir chevelu d'une pourtant redoutable chef de gang japonaise après avoir tranché bon nombre de bras et de jambes. On peut s'arrêter à cela, soit en jubilant animé d'un léger sadisme soit horrifié par tant de rancœur destructrice, mais on peut aussi aller, à mon avis, un peu plus loin à la recherche de certains sens cachés que renferme ce film.

Commençons par la fin. Béatrice est allongée dans sa salle de bain, partagée entre rires et larmes, enfin libérée du poids de la vengeance que lui avaient imposé ses anciens complices...remerciant Dieu qui l'a aidée, croit-elle, à accomplir sa vengeance. Finalement, elle rappelle à mon souvenir le Dieu de l'Ancien Testament, plus exactement l'image que l'on serait tenté d'en avoir d'après certaines lectures.

Avait-elle raison? Tueuse internationale, et donc sans loi mais avec une certaine foi, son instinct maternel s'éveille à la faveur d'un test de grossesse positif. Quelle foi n'est-ce pas? Surtout lorsqu'on sait qu'un test acheté en pharmacie n'est jamais sûr à cent pour cent. Mais voilà. Le test correspond à ce que Béa ressent. Plus exactement, le test "met des mots", via le mode d'emploi, sur le changement intérieur que Béatrice commençait à vivre sans forcément pouvoir l'expliquer. S'opère alors en elle une véritable conversion. Peut-être qu'en même temps elle se découvre femme et par là devient tout simplement...humaine. Ce qui se passe en elle est tellement profond, puissant, qu'elle n'hésite pas à braver ceux qu'elle connaît pour leur cruauté impitoyable: les membres de son ancien gang et leur chef, Bill dont elle est pourtant l'élue. A braver ai-je dit? En fait, je ne crois pas qu'elle ait voulu être plus forte qu'eux. Non. Elle s'est simplement trouvé séparée. Sanctifiée dirait le langage biblique. C'est une conversion (séparation) tellement radicale qu'elle le paye chèrement par quatre années de coma, plus la mort (croit-elle au début) du bébé qu'elle porte (qui est aussi celui de Bill), et celle de son futur époux ainsi que de ses quelques amies (et n'oublions pas non plus le pasteur, sa femme et le pianiste). Neuf personnes en tout. Cadeau de mariage.

La mort aussi de son avenir qu'elle désirait plus que tout consacrer entièrement à cet enfant qu'elle voulait à tout prix, et donc au prix de sa propre vie, éloigner du milieu du crime organisé. Alors, quand elle se réveille de ses quatre années de coma au cours desquelles elle découvre qu'elle fut régulièrement abusée sexuellement, la mère morte comme l'enfant qu'elle porta se réveille tigresse. Implacable, inexorable comme le temps qui a passé sur quatre années au bout desquelles elle s'est réveillée une plaque de tôle dans le crâne, souvenir de Bill. La vengeance et quelque part la justice – divine – se sont réveillées, et mises en marche. Mais, dira l'un de ses agresseurs, si lui-même mérite de mourir à cause de ce qu'il lui a fait, elle le mérite tout autant (à cause de ce que elle a fait) On le voit, rien n'est simple dans l'âme humaine, car la culpabilité (qui mène au châtiment) que ressent cet homme ne s'exprime qu'en réaction au traitement que toute la bande des "vipères assassines" a fait subir à Béatrice et non à l'ensemble de ses autres crimes. Rien n'est venu "à l'intérieur" propulser sa conscience vers de nobles desseins. Une conviction de péché dirait-on. Quelle différence avec la transformation de Béatrice qui se découvre mère et décide en un quart de seconde, le temps que la conscience s'éveille à la vie nouvelle, de faire table rase de son passé et de se tourner résolument vers une vie meilleure, paisible: ne veut-elle pas vendre de la musique et en écouter toute la journée, guérison de l'âme?

Ce qu'il y a de bien chez Béatrice, c'est qu'elle va jusqu'au bout des choses. En effet, lassée d'accomplir des œuvres de vengeance qui ne collent plus avec sa nouvelle personnalité et devenue consciente de l'horreur qu'inspirent de telles actes, elle aurait tout aussi bien pu s'arrêter en cours de route: laisser Bill en vie. Mais il ne faut pas s'y tromper. Laisser Bill en vie aurait été la pire des erreurs à commettre, et, instinctivement, elle le sait. D'abord, celui-ci l'aurait tôt ou tard retrouvée et aurait vengé la mort de son frère et des autre membres du gang. Cela aurait aussi fait d'elle une fugitive. A la limite, il aurait mieux valu pour elle, dans ce cas précis, rester dans la sécurité de son coma. Mais surtout, elle n'aurait jamais appris que sa fille était vivante! Sa fille a l'origine de toute cette aventure, de tous ses tourments, sa fille sans laquelle sa conscience ne se serait jamais éveillée à la vie! La puissance de l'innocence est à l'œuvre! L'intervention divine dans toute sa splendeur qui par la venue d'un être, encore à l'état embryonnaire, transforme déjà la destinée d'un et même de plusieurs dizaines d'humains et attire en plus sur la mère la sympathie d'une de ses ennemies venue spécialement pour la tuer! Comme il est écrit: "Lorsque les voies d'un humain plaisent à Dieu, Il tourne en sa faveur même le cœur de ses ennemis". (Proverbes 16: 7).

Fanatique Béatrice? Je ne crois pas. Terriblement déterminée, toute portée vers ce but ultime: tuer le tueur. Elle souffre mais endure. D'ailleurs, elle n'a pas le choix: si elle ne prend pas l'initiative de traquer, c'est elle qui le sera. Aucune souffrance, c'est vrai, ne lui est épargnée et pour les traverser, elle doit faire appel à toutes ses ressources mentales, physiques, spirituelles même. Car plus violente qu'une balle dans la tête est la souffrance du cœur lorsqu'elle se découvre trahie par Bill qui, croyait-elle, "comprendrait". Quoique d'un point de vue purement masculin, j'ai plutôt l'impression qu'elle a essayé de "le berner". Naïve Béatrice? Je préfère dire candide. Au début. Avant cette expédition punitive dont elle fut en premier l'objet. Elle devient ensuite lucide. Terriblement lucide et, nous l'avons déjà dit, impitoyable.

C'est un coeur trahi, blessé à mort qui s'exprime. Bien sûr, elle est, pourrait-on dire, un Dieu pour elle-même en ce qu'elle exerce sa propre justice au lieu de la remettre entre les mains du Père. Mais le connaît-elle seulement? D'une manière approximative nous l'avons supposé. Un question se pose à mon esprit: qui va-t-elle vraiment tuer en tuant Bill? Sûrement pas le père de sa fille. Sa décision était déjà prise alors qu'elle pensait BiBi morte. Plutôt l'assassin de sa fille. Cela deviendra tuer le père assassin, tuer l'amant (trompé lui-même par Béatrice sachons-le) qui prétendra que son cœur a souffert du cruel abandon de sa compagne. Le crime est impardonnable. Mais quels crimes sont impardonnables? Bill est trahi par Béatrice et trahit sa candeur à son tour. Trahi, il décide pour elle le châtiment suprême. Trahie, elle décide pour lui le même châtiment suprême. Le combat des dieux pourrait-on dire. Tuer son propre enfant éveille en Béatrice une réaction de colère indicible et l'image de Bill dans le cœur de Béatrice est à jamais détruite.

Toute-puissance de l'Amour blessé, la sentence irrévocable se confirme: Bill mourra. En fait, Bill est déjà mort. Bill mourra même dès lors que mère et fille seront réunies. Et d'ailleurs, comprenons bien que dans l'esprit de Bill tout au long du film, Béatrice doit mourir, malgré ce qu'il lui a déjà fait subir. Car Bill est un serpent. Il veut faire mourir Béatrice après qu'elle ait découverte sa fille vivante, et ainsi faire d'une pierre deux coups: tuer la mère devant l'enfant et endurcir par là-même le cœur de BiBi...pour en faire une tueuse à son tour. Afin d'assurer la descendance probablement. Béatrice connaissait bien Bill pour vouloir éloigner sa fille de ce monstre! Mais lui décidément, lui ne connaît rien aux femmes...ni aux mères. Nous avons à faire à deux vengeances bien distinctes l'une de l'autre. L'une est l'œuvre d'une bête à l'apparence humaine, qui plonge ses racines dans la haine gratuite. L'autre est profondément humaine. Son origine, elle la trouve dans la soif de justice. Non pas que je l'excuse, car j'avoue qu'elle me dépasse un peu. Mais je tente de l'expliquer croyant que pour la première il n'y a pas de possibilité de pardon alors que la seconde est le fruit même de la conversion vécue par Béatrice. Car sans cette conversion, Béatrice n'aurait pas exercée une vengeance autre que celle d'une bête. Mais ce n'est là qu'un point de vue.

Bill

Excessive Béatrice? J'ai parfois l'impression de retouver en Béatrice un peu de David que sa fougue pousse trop souvent dans les excès à tel point qu'à cause de tout le sang qu'il a versé, Dieu lui refusera la construction du temple pour la confier à sa descendance, Salomon. Il y a dans l'être humain quelque chose du divin, même s'il n'est pas converti et les enseignements que nous donne Béatrice m'interpellent. Cette détermination à aller "jusqu'au bout" de sa quête(fut-elle meurtrière) n'est elle pas étouffée chez le chrétien qui faute de mettre à mort (crucifier nous dit Paul) sa vieille nature se trouve trop souvent pris entre deux états: pas complètement né, pas complètement mort. D'où un repli sur soi, cet espèce de coma dont je parlais plus haut, espèce de refuge salvateur contre une souffrance dont il faudra bien un jour sortir, à moins de préférer en mourir. Les "tièdes" de l'Apocalypse? Mais, nous dit la Bible, c'est "le Nom de l'Eternel qui est un refuge pour le croyant" (Psaume 91), pas le coma.

Alors, lorsque Béatrice prétend qu'elle ne peut emprunter cette voie sans l'aide de Dieu, je me demande si elle n'a pas un peu raison. Non pas que Dieu approuve, lui qui a dit dans le Décalogue "Tu n'assassineras pas". Non. Et je n'encourage personne à suivre cette voie. Mais pouvait-elle raisonnablement traverser ces épreuves sans être divinement aidée? Même le cercueil dans lequel elle est enfermée à six pieds sous terre ne la garde pas, de même le serpent, un mamba ne l'attaque pas non plus lorsque son pied ne passe qu'à quelques centimètres de lui. Elle doit aller au bout. Jusqu'à l'ultime confrontation...La croix? Cela me fait penser, symboliquement parlant, à toutes ces épreuves que nous avons pu être amenés à traverser les uns et les autres avant de rencontrer Celui qui "de l'intérieur" ouvre notre conscience à une réalité nouvelle. Epreuves qui pour certaines nous auraient, selon les cas, attiré le châtiment suprême, celui dont Paul nous dit qu'il est retombé sur Lui, sur Jésus-Christ. Bien sûr, Kill Bill n'est qu'un film. Mais je sais que pour des millions de gens, leur réalité n'est pas si éloignée que cela de celle de Béatrice (cf: Apocalypse 6: 9-10 ).

Et que Dieu veille à ce qu'un jour, à Son heure à Lui, par le biais de la chose la plus faible, ou la plus folle de ce monde des milliers de Béatrice reçoivent la vie nouvelle qui d'une façon aussi radicale et déterminée les transformera, non pas en des bêtes avides de vengeance, ce que n'était plus Béatrice, mais en des êtres qui découvrent en eux une réalité nouvelle qui ne peut supporter le coma ou la vie médiocre d'un fugitif rempli de la peur que son passé ne le rattrape. Oui, Béatrice en sortant de son coma est bel et bien morte à son passé, et grâce à l'aide involontaire de Bill, elle va le lui montrer.

Si Kill Bill était un film (auto)biographique, qu'aurais-je de plus à dire? Que Béatrice a besoin maintenant de se retirer à l'écart, de se tourner vers le Seigneur, et tout simplement de pleurer...telle Marie de Béthanie et toutes (tous) les autres, sans oublier aussi de rire, en élevant sa fille selon les valeurs qu'elle est en train de découvrir, dont la principale est: la Paix. Dans ce déferlement de vengeance et de haine, un mot n'est jamais employé, une notion n'est jamais évoquée: celle du pardon. Mais nous sommes dans un univers de samouraïs dans lequel le sens de l'honneur (ou de l'Amour?) bafoué se paye par le sang et la mort. Tout comme l'Honneur bafoué du Dieu Eternel a été lavé par le sang. Mais celui du Fils. Cela, Béatrice doit encore l'apprendre...

Car si la Paix est une chose, le Repos en est une autre. Une dernière chose ami lecteur qui a eu la patience de terminer ce court compte-rendu. Car je devine que sur certains points vous vous êtes demandé si je ne cautionnais pas un peu la violence en rendant hommage à cette Béatrice si...pleine d'énergie. Que nenni! Mais une question se pose depuis un bon nombre d'années maintenant. N'a-t-on pas tendance à demander aux gens d'avoir des comportements chrétiens avant même d'être converti? Béatrice, je la prends comme elle est. Sans vouloir la changer, en observateur –attentif certes - mais pas en juge. Car à trop vouloir changer le monde avant qu'il ne soit converti, on a creusé un fossé qui me rappelle l'histoire, déjà abordée plus haut, de Marie de Béthanie dont le pharisien, Simon, pense le plus grand mal: une femme pêcheresse. C'est à dire, probablement une adultère ou une prostituée. Cela, si Jésus était le Messie, Il aurait dû le savoir! Dans son esprit du moins. Car Jésus la laisse tout simplement venir à Lui. Comme Béa?