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Samizdat

L'information et la vie :
deux livres en compte rendu.







John Sanford: Genetic Entropy
Sanford, John C. (2005/2008) Genetic Entropy & The Mystery of the Genome. FMSP 229 p.
Paul Gosselin

Le généticien John Sanford a été professeur à l'Université Cornell pendant plus de vingt-cinq ans, il est semi-retraité depuis 1998. Son doctorat a traité de la sélection végétale et de génétique végétale. Dans ses fonctions de professeur à l'université Cornell, Sanford a dirigé des thèses d'étudiants gradués et mené des recherches génétiques à la New York State Agricultural Experiment Station, à Genève, NY. Au cours de sa carrière, John développa de nouvelles variétés de cultures à l'aide de méthodes de sélection classiques et il est ensuite devenu très impliqué dans le domaine émergent du génie génétique des plantes. Sanford a publié plus de 80 publications scientifiques et s'est vu accorder plus de trente brevets. Ses contributions scientifiques les plus importantes concernent trois inventions, les processus biolistique ( “pistolet à gènes”/ ”gene gun”), la résistance dérivée de pathogènes et l'immunisation génétique. Une fraction importante des cultures transgéniques (en termes de nombre et de superficie cultivée) exploitées dans le monde d'aujourd'hui ont été modifiées génétiquement en utilisant la technologie “ pistolet à gènes ” développée par Sanford et ses collaborateurs. Sanford a aussi lancé deux entreprises de biotechnologie dérivées de ses recherches, Biolistics, Inc., et Sanford Scientific, Inc. Depuis sa retraite de l'Université Cornell Sanford a démarré une petite organisation sans but lucratif Feed My Sheep Foundation[1].

La question au cœur du livre de Sanford, Genetic Entropy and the Mystery of the Genome est celle de la dégradation du génome. Le génome est bien sûr l'ensemble du matériel génétique d'un individu ou d'une espèce[2]. Il s'agit donc de l'information encodée dans l'ADN de l'organisme. Dans Genetic Entropy, Sanford décrit au moins dix-huit observations, tirées de la génétique, contribuant à la dégradation du génome et qui sont en contradiction avec la théorie de l'évolution:

De l’avis de Sanford, l’accumulation de mutations dans une population aboutie au phénomène surnommé « catastrophe d'erreurs ». Ce processus peut être démontré facilement au moyen de toute simulation informatique honnête de l'évolution. Tout ce qu’il faut faire, avant de démarrer la simulation, est d’entrer un taux de mutations suffisamment élevé et/ou d’entrer un taux de reproduction suffisamment faible. Ce n'est pas un argument flou ou philosophique. C'est un phénomène facilement démontrable.

Au cours de la lecture de Genetic Entropy, il devient de plus en plus évident que le génome ne peut que se détériorer et que rien ne laisse croire que le génome ne puisse s'auto améliorer[5] dans des circonstances normales. On constate donc qu'il existe de nombreuses et divers types de preuves de la détérioration du génome tandis que les preuves de l'amélioration du génome sont très limitées dans leur portée et peu convaincantes. D'autre part, il faut prendre conscience que la dégradation du génome contraste violemment avec les prévisions de la théorie de l'évolution qui prédisent que les processus combinés de mutations et de sélection naturelle conduisent à une amélioration inévitable du génome. Mais c'est le contraire qui est observé...

Le livre de Sanford laisse donc en ruine l'axiome principal de l'évolution, c'est-à-dire que les organismes vivants sont le produit de mutations aléatoires et de la sélection naturelle. Si l'évolution était une fusée, il ne décollerait jamais du sol. Il ne saurait pas même lancer quelques flammes, il ne saurait rien faire d'autre que (lentement) se désagréger sur place.

Le livre de Sanford offre une matière à réflexion abondante sur un problème mal connu de l'évolution, mais aussi sur la question de l'état du génome humain. Cela dit, le lien entre le concept d'entropie[6] (évoqué dans le titre de ce livre) et le contenu du livre lui-même m'a semblé plutôt faible. Que Sanford ne lui accord pas plus d'attention sérieuse est décevant[7], car un lien entre l'argumentaire de Sanford et le concept d'entropie ou de bruit (tiré de la théorie de la communication) pourrait élargir les horizons et rendre ses thèses beaucoup plus fortes. Même si le concept d'information exploité par Claude Shannon en théorie de la communication (1948) ne s'applique que de manière très limitée aux systèmes biologiques[8], par contre les contraintes plus générales notés par Shannon touchant la communication s'appliquent tout à fait à la biologie et à la génétique en particulier. Voiici un diagram proposé par Shannon qui illustre les élments nécessaires pour obtenir une communication réussie:

En d'autres termes:

Tous ces éléments doivent donc être en place afin que la transmission d'un message ou la reproduction (communication d'informations génétiques) puisse se produire. Le message non seulement doit être transmis correctement, mais également exécuté correctement, sinon tout le processus sera en vain. Et dans la reproduction sexuée, ça se complique, car on combine des informations des deux parents pour faire un organisme fonctionnel!

Pour prendre une analogie, on pourrait comparer le génome à une page de texte imprimé dont on fait des copies à l'aide d'un photocopieur, mais avec cette particularité que l'on fasse à chaque fois des copies de copies et que l'on jette l'originale. Ainsi, on fera de la copie, une autre copie et ainsi de suite, pour un grand nombre de “ générations ”. Ce processus imite le processus de reproduction dans le monde biologique, où l'original (l'organisme) est “éliminé” (meurt). Inévitablement, le “bruit” dans le processus de photocopie aboutira finalement, après bien des “générations/copies”, à un document totalement embrouillé, inutilisable. Le résultat le plus probable, tenant compte des réglages du photocopieur, serait une page soit entièrement grise ou blanche ou noire. Et bien avant d'avoir atteindre ce stade, le message original serait d'abord corrompu ensuite perdu.

Évidemment les évolutionnistes répliqueront que cet exemple omet un processus clé - la sélection naturelle. Mais l'argument proposé par. Sanford et Walter Remine, est que même en tenant compte de la sélection, même si la sélection naturelle élimine impitoyablement les organismes porteurs de mutations, la catastrophe d'erreur est toujours susceptible de se produire (et c’est démontré par des simulations sur ordinateur). C'est donc une question qu’il faut lentement assimiler, c’est-à-dire que la sélection naturelle ne suffi même pas à maintenir les adaptations actuelles des espèces (sans parler d'évoluer de nouvelles adaptations ou fonctions). Même si nous faisons intervenir la sélection naturelle pour freiner l’accumulation de mutations dans une population, cela ne repoussera pas la catastrophe d'erreurs. Le moteur de l’évolution est donc incapable de faire avancer le véhicule…

Dans Genetic Entropy, Sanford discute effectivement de la façon dont le bruit génétique (lors de la reproduction) dégrade la transmission de l'information contenue l'ADN d'une génération à une autre. Dans le cas du lecteur doté une formation scientifique solide et générale, les concepts de la théorie de la communication de Shannon peuvent être chose connue, mais chez bon nombre de lecteurs ce ne serait pas le cas.

Pour un compte rendu satirique (un clip vidéo YouTube en anglais) du livre de Sanford et la question de l'entropie génétique, voir Rant #78 on Genetic Entropy par Ian Juby. Et quelques commentaires (en anglais) par le blogueur Tony Feiger Sustainability, The Human Genome and Immortality (Jan. 2011)

 


Werner Gitt: In the Beginning Was Information
Gitt, Werner W. (1994/2006) In the Beginning Was Information: A Scientist Explains the Incredible Design in Nature. Master Books 260 p.
Et c'est qui me conduit à examiner un autre livre qui est fort complémentaire à celui de Sanford, soit un livre par l'informaticien Allemand Werner Gitt, soit In the Beginning Was Information[10].

Werner Gitt est né en 1937 à Raineck, en Prusse orientale (Allemagne). En 1963, il s'inscrit à l'Université technique de Hanovre et en 1968 il a terminé ses études de Diplom-Ingenieur. Par la suite, il a travaillé comme assistant à l'Institut de contrôle de la technologie à l'Université Technique d'Aix-la-Chapelle/Aachen. Après deux années de recherches, il a reçu son doctorat en génie en 1971 au même moment qu'il a reçu la prestigieuse médaille Borchers de l'Université technique d'Aix-la-Chapelle. Gitt commence alors sa carrière à l'Institut fédéral de physique et de la technologie (Physikalisch-Technische Bundesanstalt Braunschweig, “PTB”), Brunswick. En 1978, il est promu au rang de directeur et professeur au l'PTB. De 1971 à 2002, il a été le directeur de la section “technologie de l'information”.

Gitt a rédigé de nombreux articles scientifiques dans le domaine des sciences de l'information, ainsi que beaucoup d'autres touchant les mathématiques et les technologies de contrôle. Il a présenté des conférences sur ces sujets à de nombreuses universités, au pays et à l'étranger. Depuis 1984, il a été conférencier invité de l'Université d'État indépendante de théologie de Bâle, en Suisse, sur le thème de “La Bible et la science”. Il a parlé sur le thème “Foi et Science” sur cinq continents et dans de nombreux pays.

Gitt, Werner W. (1994/2006) In the Beginning Was Information. CLV Bielefeld 256 p.
www.werner-gitt.de/down_eng.html

Le livre de Gitt est structuré en trois grandes sections, soit: I) Les lois de la nature; II) l'information et III) L'applicaiton du concept de l'information à la Bible. Gitt propose également trois appendices discutant les différentes perceptions de l'information en sciences, du langage comme code et comme média de stockage et sur l'énergie. Discutant du concept d'information proposé par Shannon, Gitt note (2001 : 170)

En anecdote, Gitt relate (2001 : 45) le commentaire ironique d'un chercheur allemand au sujet du concept d'information de Shannon : “ La théorie classique de l'information peut être comparée à l'affirmation qu'un kilo d'or a la même valeur qu'un kilo de sable! ”. Eh, bon . Effectivement, si on choisit de manière arbitraire un référent tout s'équivaut... La signification du message n'a pas de place dans l'analyse de Shannon. Gitt, pour sa part, explique la chose de la manière suivante (Gitt 2001 : 116) :

Ainsi, nous voyons que la question de la communication comporte plusieurs niveaux de complexité, niveaux qui posent tous problème pour le discours évolutionniste.

Évidemment, comme c'est toujours le cas dans le débat sur les origines, on trouvera des détracteurs évolutionnistes de Gitt qui affirmeront qu'il n'a “ rien compris ” à la théorie de l'information... On le constate rapidement, la définition de l'information de Shannon n'examine que le niveau statistique ou quantitatif de la transmission de l'information. La définition de l'information de Shannon plaît aux évolutionnistes, car elle leur permet d'ignorer la question de fond, que ce qui est transmis doit être significatif. Dans son exposé classique sur le théorie de la communication, Shannon dit lui-même (1948 : 379) :

Mais il faut comprendre, Shannon examine la communication du point de vue de l'ingénieur qui veut exploiter au maximum la capacité de transmission d'un canal. Cela vise donc la compression du signal comme dans un fichier traité par Winzip ou Stuffit. Shannon se préoccupe donc d'une question légitime et nécessaire, mais qui est loin d'épuiser la question de la communication, peu importe le contexte, que ce soit dans le monde humain ou dans le monde biologique. On peut noter que Shannon ne mentionne pas ci-dessus la biologie ici, mais il existe un lien entre son affirmation et la biologie, car lors de la reproduction des instructions spécifiques sont nécessaires afin d'obtenir des structures biologiques spécifiques, qu'il s'agisse d'ailes, du processus en cascade de la coagulation ou une plaque photosensible dans un organisme unicellulaire. Dans un contexte d'ingénierie, si un entrepreneur veut construire un pont et qu'on lui remet les plans pour une chiotte, il est plutôt probable que son projet n'ira pas très loin ...

Et sans pousser à fond l'analyse du livre de Gitt, voici un tableau qu'il propose exposant les cinq niveaux impliqués par la communication.

Gitt: Five layers of information

Manifestement, cela ne vide pas la question, mais le discours évolutionniste reste irrémédiablement bloqué sur cette question, car s'aventurer plus loin poserait immédiatement des problèmes très sérieux. Si l'ADN est un message, quelle (ou Qui) est la source de ce message?? Et si le monde biologique est rempli de programmes, qui est le grand Programmeur? Et c'est de ce blocage qu'est né le mythe évolutionniste de l'ordre à partir du bruit. En d'autres termes cela implique un message, mais sans auteur. Dans le monde francophone, on trouve évidemment chez les évolutionnistes plusieurs défenseurs de ce mythe. On rencontre par exemple les recherches scientifiques sur ces questions, telles que celles de Manfred Eigen , Henri Atlan et Ilya Prigogine. De l'avis du bioinformaticien américain, Hubert Yockey, ces expériences sont un cul-de-sac. Il note (Yockey 1977: 380) : “ Les tentatives de lier l'idée de l'ordre contenu dans un cristal à l'organisation ou la spécificité biologique doit êtres considérés comme un jeu de mots qui ne peut soutenir un examen sérieux. ” Voici un commentaire du mathématicien français Marcel-Paul Schützenberger sur l'intérêt de ces recherches sur l'ordre à partir du bruit, c'est-à-dire de l'information apparaissant miraculeusement sans auteur ni programmeur (1996 : 90) :

Voici un autre diagramme proposé par Gitt dans In the Beginning Was Information (2001: 98). Elle expose le caractère interdépendant des processus génétiques. L'ADN dépend des protéines, qui dépendent pour leur structure de l'ARN et l'ARN dépend pour sa structure de l'ADN.

Gitt: Le cercle de la vie: protéines, ADN, ARN

Sur le plan logique, c'est le probème classique de la poule et l'oeuf. Lequel est venu en premier?? Mais sur le plan de la génétique, c'est bien plus compliqué encore. Tous les morceaux du puzzle doivent être en place dès le début, sinon toutes ces structures seront en vain. De l'avis de Gitt, c'est un indice de plus que la main du Créateur a dû mettre ça en marche au début de toutes choses. Et si on ose poser la question de l'origine de toute l'information des génomes, alors là les choses deviennent bien plus intéressantes encore...

En terminant, je laisse le lecteur avec une pensée provenant d'un programmeur et ingénieur informatique fort compétent. Dans son livre The Road Ahead, Bill Gates affirme (1996 : 288) “ L'ADN est comme un logiciel, mais bien, bien plus avancé que tout type de logiciel que nous avons créé jusqu'ici. ”




Références



GATES, Bill (1996) The Road Ahead. (revised ed.) Blue Penguin Boulder CO

SHANNON, Claude E. (1948) A Mathematical Theory of Communication. The Bell System Technical Journal, Vol. 27, pp. 379–423, 623–656, July, October

SCHüTZENBERGER, Marcel-Paul (1996) Entretien: Les failles du darwinisme. (Propos recueillis par Olivier Postel-Vinay) pp. 87-90 La Recherche vol 96 no. 1

YOCKEY, Hubert (1977) A Calculation of the Probability of Spontaneous Biogenesis by Information pp. 377-398 Theory. Journal of Theoretical Biology no 67


Notes

[1] - Ou, "Fondation pais mes brebis".

[2] - Dans le cas d'une espèce, le terme pool génétique peut être évoqué également. Tandis que le genome comporte un sous-ensemble des traits et informations génétiques d'une espèce (car l'individu n'en contient qu'une fraction de l'ensemble), le pool-génétique correspond à l'ensemble des traits génétiques de l'espèce. Mais il faut admettre que le concept du pool génétique est un concept logique plutôt que pratique dans le contexte de la biologie moderne où il n'y a toujours pas d'entente sur le concept de l'espèce... Alors si on vous dit qu'on a découvert une nouvelle espèce...

[3] - Question explorée initialement par le généticien britannique JBS Haldane en 1957. Le problème insoluble du coût de la sélection naturelle sur les populations est un problème classique mais mal connu) sous le nom du dilemme de Haldane.

[4] - Un organisme avec la moitié d'un aile ou la moitié d'un œil, se retrouvera moins adapté à son environnement tant que cette condition dure. C'est le “ fitness valley ”.

[5] - C'est-à-dire sans l'Intervention d'un agent intelligent.

[6] - Une des premières publications créationnistes à aborder la chose a été un article par Duane T. Gish intitulé "Origin of Biological Order and the Second Law" qui est paru dans le recueil suivant:

Williams, Emmett (ed.) Thermodynamics and the Development of Order.
CRS Books Norcross GA 1981 141p.

[7] - Abordé presqu'uniquement dans les notes de bas de page (pp. 146-47)!

[8] - Ou à tout autre système où une information significative qui doit être communiqué.

[10] - La version originale allemande est “ Am Anfang war die Information. ” (1994)

[11] - Du point de vue de la thermodynamique, ces structures sont des culs-de-sac, car elles sont incapables d'aucun travail utile. Du frimas sur une fenêtre en hiver au Québec c'est joli, mais ça ne peut accomplir aucun travail utile. Ce sont des bibelots... Une structure fonctionnelle, comme la cellule, a la capacité de faire un travail utile et identifiable et de plus peut se reproduire. À ce titre, le cristal n'est pas une structure fonctionnelle, car bien qu'il comporte une forme de complexité (moléculaire), il ne peut accomplir un travail utile.