Plan Cosmos Arts Engin de recherches Plan du site

Samizdat

Lettre ouverte aux signataires de la Table de concertation protestante sur l'éducation en rapport avec le cours d'Éthique et de culture religieuse.







Mise à jour (2/4/08).
Le document émis par la Table de concertation protestante sur l'éducation laisse entendre que les leaders évangéliques et protestants dont les noms paraissent dans l'annexe ont été consultés touchant le cours d'ECR et ont donné leur appui au document de la Table de concertation protestante sur l'éducation et appuient aussi le programme d'ECR. Depuis peu, des informations qui me sont parvenus laissent entendre que certains leaders dont les noms figurent à l'annexe n'ont même pas été consultés, encore moins données leur appui...
à suivre

SUJET : Ce texte vise les leaders évangéliques et protestants ayant donné leur appui au document de la Table de concertation protestante sur l'éducation (TCPE) présenté par Roland Grimard le 10 octobre 2007, à la commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles de l'Assemblée nationale (Commission Bouchard Taylor). Le document intégral de la table est disponible sur ce site. Pour examiner la liste de leaders protestants et évangéliques ayant appuyé ce document, cliquez ici.


J'ai adressé la lettre qui suit (envoyé le 3 mars 2008) aux signataires du document émis par la TCPE pour une raison simple, l'appui que les signataires ont manifesté à l'égard du cours d'Éthique et de culture religieuse que le gouvernement du Québec se prêt à imposer sur l'ensemble du système éducatif me semble en contradition avec plusieurs principles bibliques que normalement ces responsables protestants seraient sensés défendre. Mais nous aborderons les arguments plus loin. Notons pour le moment que la question n'est pas du tout abstraite pour moi, car j'ai deux garçons dans le système scolaire qui seront directement affectés par cette prise de position en rapport avec le cours d'Éthique et de culture religieuse.

Par la suite je m'adresse directement aux signataires...



Le document déposé par la TCPE est curieux. À la lecture, on énumère plusieurs motifs valables pour s'opposer au programme d'Éthique et de culture religieuse (ECR) qui sera imposé par le Ministère de l'éducation des loisirs et des sports (MELS) sur l'ensemble du réseau scolaire québécois (c'est-à-dire primaire, secondaire, privée, publique et même le réseau école-maison [home-schooling]) dès septembre 2008. Une section discute, entre autres, de la non-neutralité du gouvernement. C'est un excellent motif pour s'opposer au cours ECR, mais le document proposé par la TCPE aboutit, malgré tout, à une conclusion tout à fait opposée à son développement.

Comment se fait-il que la Table de concertation protestante sur l'éducation appuie la position du MELS dans cette affaire? On reconnaît les conflits entre une perspective évangélique cohérente et pourtant... En somme, qui est représenté par la TCPE ? Est-ce possible que cet organisme est devenu, pour toutes sortes de raisons, au cours des années, trop proche du gouvernement du Québec? La question se pose...

Une version antérieure de cette lettre faisait état d'un lien entre le financement de Direction chrétienne et les prises de position de la TCPE. C'est un fait que DC[1] a reçu quelques subventions du gouvernement, mais c'est aussi un fait que les montants en question ne sont pas importants. À vrai dire, la question du financement des activités de Direction chrétienne (ou de la TCPE) n’est pas fondamentale ici. Supposons, par exemple, que dans le passé Direction chrétienne n’a jamais reçu même un seul cent de la part du gouvernement du Québec et s’engageait de manière solennelle pour l’avenir de refuser toute offre financière gouvernementale (directe ou indirecte). Malgré tout, le problème reste entier. C'est-à-dire au niveau des prises de positions publics et les initiatives qui caractérisent le comportement de la Table de concertation depuis bon nombre d’années.

Dans le passé (en particulier entre 1997-2001), lorsque le gouvernement péquiste menaçait l’existence des écoles franco-protestantes subventionnées, la TCPE a ignoré et abandonné le mouvement de mobilisation naissant chez les parents évangéliques (pour défendre les écoles évangéliques) à son sort. Ce mouvement aurait pu contrecarrer les vœux du gouvernement provincial. L’inaction de la TCPE a contribué à la destruction des écoles évangéliques. Et la mobilisation des parents évangéliques s’est désagrégée. Si, au contraire, les ressources de la TCPE avaient plutôt été mises au service de défendre les intérêts des évangéliques et les aider à se mobiliser, il est fort probable que la situation actuelle serait bien différente aujourd’hui.

Le document de la Table de concertation discute de laïcisation, et fait allusion au fait qu'il s'agit d'un système idéologico-religieux (p. 6), affirmation tout à fait exact, mais le document ne tire pas les conclusions qu'il faut de cette observation. Ayant une formation en anthropologie des religions, l'étude des systèmes idéologiques est ma spécialité. Un point que les sociologues notent parfois touchant la Révolution tranquille qui eut lieu au Québec dans les années 1960-1970 est que le vieux tandem État-Église, qui existait depuis la fondation de la Nouvelle-France (remanié quelque peu par les Anglais après la conquête en 1759) a été brisé par les nouvelles élites séculières. On considère généralement que l'essence de ce processus a donc été une révolution administrative, où la gestion des grandes institutions sociales (telles que l'éducation et les soins de santé) est passée de l'Église catholique à l'État. Mais il faut bien comprendre que cela ne constitue qu'un aspect de la chose et que dans ce processus, l'État (sinon le système politique dans son ensemble) a lentement remplacé l'Église catholique sur le plan idéologico-religieux aussi. Pour bien des protestants, la Révolution tranquille a été perçue comme bienvenue, un répit permettant aux protestants[5] de respirer un peu après tant d'années sous diverses mesures de marginalisation du pouvoir catholique.

Mais dans les faits la Révolution tranquille représente une conversion (au sens religieux) des grandes institutions sociales québécoises. Et ce système religieux ne s'intéresse pas à la conversion d'individus, mais au contrôle des grandes institutions publiques[6]. Sur le plan du contenu, cette conversion a remplacé l'adhésion aux dogmes catholiques par l'adhésion aux dogmes des philosophes et idéologues issus du Siècle des Lumières, philosophies que les évangéliques désignent parfois sous le vocable humanisme. On a rejeté la Bible et le pape et désormais la Science est la vérité et les experts scientifiques et techniques remplacent, dans leurs rôles idéologiques, les curés et les pasteurs d'autrefois. La pensée moderne s'appuie sur une cosmologie matérialiste, une cosmologie athée.

Et si malgré l'étendue de son pouvoir, l'Église catholique tolérait autrefois tout de même un réseau d'écoles protestantes, l'adversaire idéologique auquel les protestants font face aujourd'hui est bien plus puissant et bien plus déterminé à éliminer tout autre discours que le sien sur la place publique. La Révolution tranquille représente donc la pensée moderne/matérialiste, mais le cours d'ECR représente aussi la pensée postmoderne qui se dit plus ouverte à la religion. Mais ce n'est qu'un leurre, car la pensée postmoderne rejette toute vérité et place l'individu au centre de tout. Un indice de la perception qu'ont les élites postmodernes des religions traditionnelles se trouve dans un commentaire émis par le commissaire Charles Taylor après ma présentation le 30 octobre 2007 à la commission Bouchard-Taylor. Il a noté:

Le discours est poli. On fait mine de vouloir prévenir des conflits, des tensions, mais il y a lieu de se demander si le chrétien qui croit vraiment aux Écritures est aussi perçu comme un individu rempli de “ préjugés, de l'ignorance, des vues [absolument] avilissantes des autres ”? Dans la tête de nos élites, considèrent-ils que les chrétiens bourrent la tête de leurs enfants “ avec des conceptions très, des conceptions très négatives des autres ” ? Lorsqu'il est question d'homosexualité ou de sexualité en général on peut le penser. Les chrétiens qui osent s'opposer au discours dominant, qui croient que la Vérité existe vraiment, sont régulièrement affublés de l'épithète “ intolérants ”... Il suffit de noter de quelle manière nos élites médiatiques et intellectuelles parlent des chrétiens ou de moralité judéo-chrétienne pour se faire une idée sur leurs intentions. De manière générale, les Américains ont un discours moins nuancé et leurs élites disent tout fort des choses que les élites francophones n'oseraient jamais, mais dans leur intimité, admettent bien... Daniel Dennett, professeur de philosophie (athée) à l'université Tufts, dans son livre Darwin's Dangerous Idea expose au grand jour sa conception de la tolérance religieuse et de son peu de respect pour la responsabilité des parents (1995: 516, 519):

Un collège de Dennett, le zoologiste britannique et athée militant Richard Dawkins, partage ce point de vue. Lors d'un interview au poste de télé britannique Channel 4 portant le titre 'The Root of All Evil?' (janv. 2006) il note:

C’est une question qui préoccupe Peter Hitchens, le frère du célèbre athée britannique, Christopher Hitchens, délibérant sur les accusations des nouveaux athées il observe (2010 : 205)

But if we ourselves believe—and are asked by our own children what we believe—we will tell them, and they will instantly know if we mean it and also know how much it matters to us. They will learn from this that belief is a good thing. We will also try to find schools that will at the very least not undermine the morals and faith of the home. And for this, we are to be called abusers of children? This has the stench of totalitarian slander, paving the road to suppression and persecution.

On voit bien que pour ces élites, si l'on ne peut éliminer totalement la religion (judéo-chrétienne en particulier) de la vie sociale, il faut tout de même tenter limiter au maximum son influence et repousser lorsque possible, les gens religieux dans un ghetto, un zoo culturel où ils ne peuvent avoir aucune influence sur la société élargie, voir même sur leurs propres enfants... Dans ce zoo, ils pourront donc jouer à la religion tant qu'ils voudront, mais cela n'aura AUCUNE influence sur la vie sociale. Derrière la façade de la neutralité, un cours comme l'ECR est conçu pour immuniser la population contre les croyances religieuses véritables (et en particulier le christianisme). Dans le monde francophone, il faut nuancer. Nos élites peuvent bien être du même avis que Dennett et Dawkins, mais ils s'abstiennent d'exposer ce point de vue de manière aussi directe.Suite à ma présentation, le commissaire Gérard Bouchard m'a adressé le commentaire suivant :

On voit bien que le droit des parents de former les enfants n'a aucun intérêt pour lui. L'intention du gouvernement: on ne veut pas fournir de l'information sur les religions après que les enfants ont eu le temps de former et d'affermir leurs croyances dans le contexte du foyer, car le but du programme est donc de mettre la main sur les enfants avant que cela puisse survenir et d'endoctriner et modeler la vision du monde de nos enfants à l'image des grands penseurs universitaires postmodernes si sages et si éclairés! Mais le philosophe de la science Paul K. Feyerabend rejette le concept qu'il faut se prosterner devant les affirmations des technocrates scientifiques. En faisant preuve d'ironie, il les traite d'esclaves et note (1975/1979: 338)

Si les générations passées avaient droit au cours de catéchisme où tous devaient accepter le même enseignement et les mêmes croyances, le postmoderne adopte plutôt l'attitude du consommateur. C'est un peu comme lorsque vous allez au restaurant-buffet. Vous prenez un plateau, ensuite une assiette et vous vous dites : Hmm, ce soir, un peu de chinois serait bon, tiens un taco et du couscous, ça me tente aussi. Ah, une pointe de pizza et un souvlaki, pourquoi pas ! Bof... je ne sais pas pourquoi, mais j'ai une envie d'une poutine aussi...

Et bien le postmoderne approche la religion avec exactement la même attitude pour se faire une religion sur mesure. Il rejettera complètement l'idée qu'un autre, que ce soit une hiérarchie religieuse ou une tradition culturelle, puisse déterminer ce qu'est la vérité pour lui... Comme on le dit dans le langage courant : Chacun a sa vérité. ... Ça c'est la propagande, mais le postmoderne rejette toute vérité et en particulier la Parole de Dieu. Et pour ceux qui voudraient fouiller plus à fond la question, j'examine de manière détaillée la religion postmoderne dans mon livre Fuite de l'Absolu, volume I. Il existe de rares cas où des élites médiatiques francophones avouent (plus ou moins explicitement) le caractère idéologique de ce cours.. Mme Denise Bombardier, dans une interview avec Paul Arcand, admettait (98,5FM 26/02/08) :

Dans la même interview, Mme Bombardier poursuit en affirmant que si on permet aux catholiques (ou aux protestants) d'avoir un enseignement qui leur convienne, ce sera le bordel, car toutes les sectes vont aussi exiger un enseignement religieux qui leur convienne... Mais un peu de réflexion, la tête froide, nous montre qu'il n'en est rien. Jusque récemment dans son ensemble le système éducationnel (réseaux publics et privés) tolérait bien, et sans s'effondrer, des cours de religion catholiques, protestants, évangéliques, judaïques, musulmans et amérindiens. Mais les élites médiatiques et éducationnelles semblent affirmer que la pensée unique postmoderne sur la religion est la SEULE solution, sinon c'est la FIN DU MONDE! Pourquoi une telle affirmation? On dirait que la source véritable de crainte pour certains est de se retrouver dans une situation de CHOIX où nos élites perdraient le monopole idéologique absolu sur la génération en formation qu'ils sont sur le point d'acquérir... .C'est ça la source véritable de crainte pour nos élites. Mais si ces gens sont si zélés pour cette conception des choses qu'ils descendent sur le plancher des vaches pour faire du porte-à-porte pour se faire des convertis! Mais de grâce laissez le bon peuple tranquille et ne gaspillez plus l'argent de nos taxes sur des trucs pareils, tandis que le système de santé et le système routier exigent des investissements.

Le cours d'ECR n'est donc en aucun cas neutre, car il met toutes les religions sur le même plan. Dans les faits il présentera aux enfants une religion polythèiste! L'ECR constitue donc le petit catéchisme postmoderne[7]. L'ECR est tout à fait représentatif des courants de pensée postmodernes qui sont à la mode dans les milieux universitaires. Si les cours de religion dans nos écoles étaient monopolisés par les raëliens ou des bouddhistes cela provoquerait sans doute une réaction très forte chez les protestants, mais ce n'est pas parce que le cours d'ECR est rédigé par des profs d'université et promu par des fonctionnaires d'État qu'il est neutre...

Il faut bien s'entendre. Évidemment, ce cours comportera tout de même un certain nombre d'informations factuelles sur les religions en question. Là n'est pas le problème. Le problème est dans le contexte de la présentation. Dans ce cours, le christianisme sera présenté au même plan que les spiritualités autochtones, l'islam, le bouddhisme, l'hindouisme et l'athéisme. Dans ce contexte, le christianisme aura exactement le même statut que l'occultisme. Ceux qui ont conçu le cours d'ECR ne sont en aucun cas motivés par le désire de propager l'idée que les Écritures sont la VÉRITÉ. Ils ont déjà leur “ bonne nouvelle ” postmoderne à répandre...

Dans notre contexte, les protestants doivent tenir compte de quelques principes tirés de la Parole de Dieu qui s'appliquent à nos circonstances :


Cela implique donc que, pour le protestant, l'État séculier a une fonction légitime, mais limitée. Ces limites sont soulignées par l'affirmation de Christ : “ Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. ” (Mt 22 : 21) Cette affirmation souligne donc que César n'a pas tout pouvoir. Son pouvoir est nécessairement limité. Les chrétiens des premiers siècles ont souvent payer de leur vie pour s'opposer au pouvoir absolu de César. César, à l'époque, exigeait de se faire adorer comme un dieu. Jésus pouvait se placer à côté de César, mais pas le déplacer... Les choses ont-ils changées? A priori, l'État peut appuyer une moralité fondée par les Écritures, mais il ne peut en aucun cas usurper le rôle d'enseignement des parents et de l'Église. S'il ose le faire, il dépasse la limite que lui attribue les Écritures. Dans le cas qui nous concerne, l'État québécois cherche à jouer un rôle idéologique, il cherche à fonder une nouvelle religion d'État. Ce qu'offre actuellement l'État du Québec en rapport avec le cours d'ECR est inacceptable. Les parents protestants ne peuvent que l'opposer.

Pour les protestants, le système de croyances postmoderne constitue un adversaire idéologique bien plus puissant, plus déterminé et bien plus sournois que ne l'a jamais été l'Église catholique même au sommet de son pouvoir au 19e siècle. Même l'église catholique n'a jamais été aussi loin pour éliminer tout autre discours religieux sur la place publique. Dans le passé au moins il y avait un choix entre le cours de religion catholique ou protestant. Aujourd'hui, nos élites ont décidé que la pensée unique nous convient bien mieux... On est témoins d'un paradoxe pervers, un comportement qui suinte l'intolérance absolue véhiculée au moyen d'un discours de tolérance et de neutralité. Quelle hypocrisie! Sans doute, dans leur intimité, les auteurs d'ECR seraient du même avis que l'auteur suivant:

Mais il est possible que nos élites seraient un peu étonnés d'apprendre que l'auteur des lignes qui précèdent est Adolphe Hilter (extrait, tiré des Tischgespräche )! On constate, par leur comportement, que les élites postmodernes ne tolèrent aucune déviation idéologique sur la place publique. Ils exigent le pouvoir absolu sur la place publique. Les parents évangéliques du réseau écoles-maison échappent en partie à ce contrôle et dans certains cas, on voit les autorités chercher à tout prix fermer cette porte de sortie. Voici un exemple de harcèlement qu'a subi une famille protestante faisant de l'école-maison. Lorsque la situation s'est envenimée et que la commission scolaire a voulu imposer à tout prix son contrôle absolu sur le contenu enseigné, cela a abouti à une visite par une travailleuse sociale de la DPJ. Lors de cette rencontre, il a été question de :

Ce questionnement dévoile une intolérance nouveau genre. Pour les élites postmodernes, les chrétiens (cohérents) sont les nouveaux hérétiques... Une communauté qui a eu le courage de s'opposer à l'intolérance du MELS a été les mennonites de Roxton Falls dans la région de l'Estrie. Ces mennonites ont été pris dans un bras de fer avec les fonctionnaires du MELS qui exigent que l'école mennonite doive embaucher des enseignants certifiés par le Ministère, que leur programme doive se conformer à celui établi par le MELS. Les mennonites rejettent les conceptions de la sexualité ainsi que les conceptions évolutionnistes des origines qu'imposent les programmes du MELS tandis que mennonites exigent que les enseignants soient des chrétiens de confiance. De plus, le MELS a l'arrogance d'affirmer que leurs exigences “ ne constituent en rien une atteinte aux droits religieux ” ! Évidemment, lorsqu'on se met en position de définir ce qu'est un droit religieux, cela facilite les choses[11]... Les mennonites ont eu les couilles de résister à ces pressions totalitaires et plutôt que se soumettre, ils ont accepté la perte de leur école ainsi que leurs maisons et ont décidé de quitter la province! Quel exemple de courage! Manifestement ces mennonites n'ont pas bouffé de la théologie superficielle si courante dans nos milieux évangéliques qui affirme que “ j'ai le droit d'être heureux(se) ”... Combien d'entre nous sont prêts à sacrifier des acquis pour défendre la vérité? Pendant toute une génération, on a prêché un évangile sans repentance dans nos églises, un évangile qui n'exige aucun sacrifice, aucun changement de comportement réel, alors il ne faut pas trop s'étonner d'en être arrivé là...

Pour certains dont la mémoire peut faire défaut, il serait utile de rappeler qu'autrefois au Québec les Français et Anglais avaient le droit constitutionnel d'avoir des écoles confessionnelles supportées par l'État. En général, les francophones envoyaient leurs enfants dans les écoles catholiques et les anglophones dans les écoles protestantes. Mais vers la fin des années 70 les évangéliques francophones ont ouvert des écoles évangéliques francophones publiques dans le système protestant. En 2001, après 20 ans d'existence et de croissance continue, une collusion exceptionnelle entre le gouvernement fédéral et provincial ainsi que les instances juridiques à la Cour Suprême du Canada a abouti à l'élimination des écoles évangéliques francophones. Là encore, la TCPE a fait la promotion de la position gouvernementale et recommandait aux évangéliques d'accepter le fait accompli.

Il faut penser plus loin que des questions politiques immédiates et les pressions que peuvent exercer sur nous l'État ou les médias. À vous qui avez signé le document de la TCPE, il faut penser à votre responsabilité devant Dieu concernant les générations d'enfants issus de milieux évangéliques qui seront assujettis à la propagande du cours d'ECR dans les années à venir. Il faut penser à votre responsabilité devant Dieu de transmettre sa Parole qu'il nous a confié et votre responsabilité devant le Corps de Christ. Connaissant bien le milieu universitaire, il faut souligner que les auteurs de ce cours n'ont, dans aucun cas, le souci d'avancer la propagation de la Parole de Dieu. Lorsque les enfants de milieu évangélique auront passé 13 ans dans le système à la fin, ils vont possiblement se dire chrétiens, mais il est fort probable qu'ils vont penser comme des païens et se comporter comme des païens aussi....

Dieu vous a mis dans une position d'autorité dans son Église et vous aurez des comptes à rendre un jour devant Lui touchant vos prises de position. Les Écritures nous servent des avertissements sévères à ce sujet :

Si vous voulez éviter de faire des jeunes de famille évangéliques qui se diront plus tard "chrétiens", mais qui penseront (et se comporteront) exactement comme des païens, alors il faut faire face à ce conflit. Il FAUT prendre une distance critique face à l'idéologie gouvernementale. Pensez plus loin que la situation présente et pensez aux enfants. Ils ont déjà des pressions sociales et culturelles énormes qui les éloignent des principes la Parole et de la Vérité. Faut-il en ajouter?

Les parents évangéliques exigent donc du gouvernement qu'il offre des options qui respectent l'autorité des parents de gérer la formation des enfants. Ce que le gouvernement offre/impose actuellement n'est pas acceptable.

Pour ces raisons, je vous demanderais donc de vous dissocier publiquement du document émis par la Table de concertation protestante et de prendre publiquement la parole contre le cours d'ECR afin de contrer les effets que vont subir les enfants de famille évangélique. Cette prise de position peut être faite au nom de votre association d'églises si possible, sinon à titre personnel. Et si vous êtes d'accord pour contrer les effets du cours ECR, votre appui au mouvement CLE (Coalition pour la Liberté en Éducation) serait apprécié. Ce mouvement comporte aussi bien des parents catholiques que protestants et évangéliques.

Pour les évangéliques de notre génération, la grande tentation est de rester dans notre petit ghetto confortable et éviter à tout prix le conflit avec les grands pouvoirs. En somme, les élites de notre société nous disent : “ Confiez-nous vos enfants et l'on se chargera de les élever dans la voie que nous voulons qu'ils suivent...! ”

Il est temps pour les évangéliques de se réveiller de sommeil. Il est temps pour notre leadership évangélique de se réveiller et de cesser de se mettre la tête dans le sable sur les questions sociales. Il est temps pour nous de devenir le sel de la terre dans le Québec de 2008. Il est le temps d'abandonner les théologies superficielles du confort qui nourrissent notre passivité et notre égoïsme et de réfléchir un peu sur le rôle que nous pouvons jouer dans notre génération. Si nous affirmons que Dieu nous a confié la Vérité dans sa Parole et que nous croyons que cela soit important, il se peut bien que nos affirmations soient testées. À quel point au juste croyons-nous vraiment que les Écritures sont importantes? Quel prix sommes-nous prêts à payer pour nous assurer que cette Parole soit effectivement transmise à la prochaine génération? Sommes-nous prêts à le faire même si cela nous attire le mépris des grands de ce siècle? Je crains que la réponse ne soit le silence et que la majorité des évangéliques préfèrent de beaucoup leur confort (institutionnel ou personnel)...

Et si ce serait le cas, tout ce que je peux répliquer serait “ Que Dieu nous botte les fesses! ”





Paul Gosselin
Anthropologue, auteur et webmestre du site Samizdat
St-Augustin, le 3 mars 2008



Références supplémentaires


Paul Arcand interview Denise Bombardier. (2008) Coalition contre les cours d'éthique religieuse--Le scepticisme envers les politiciens. 98,5FM 26/02/08

Dennett, Daniel C. (1995) Darwin's Dangerous Idea: Evolution and the Meanings of Life, Penguin: London,

Duchesne, Christian (2007) Commission Bouchard-Taylor: Intégrisme laïcisant.
En directe Société Radio Canada lundi le 29 octobre 2007.

Gosselin, Paul (2001) Lettre ouverte à monsieur François Legault, Ministre de l'Éducation du Québec.

Gosselin, Paul (2007) Écoles laïques, écoles neutres: Légende urbaine ?

Gosselin, Paul (2007) La définition de la religion: un autre son de cloche. (mémoire présenté à la commission Bouchard-Taylor le 30 oct. 2007)

Gosselin, Paul (2006) L'absorption des croyances dans une culture postmoderne.

Gosselin, Paul (2005) La définition de la religion en anthropologie sociale.

Gosselin, Paul (2007) Le silence des agneaux.

Hitchens, Peter (2010) The Rage Against God: How atheism led me to faith. Zondervan Grand Rapids IL 224 p.

Hitler, Adolf (1952) Libres propos sur la guerre et la paix. (recueillis sur l'ordre de Martin Bormann 1941-1942, coll. Le Temps présent) Flammarion [Paris] 370 p.

Huxley, Aldous (1958/1990) Retour au meilleur des mondes. Plon [Paris] 155 p.

Lewis, C.S. (1943/1986) Abolition de l'homme. réflexions sur l'éducation. Criterion Limoges 201 p (version etext anglaise)

PaulHus, Christian (2007) Critique d'un enseignant du projet de cours d'éthique et de culture religieuse.


Notes

[1] - Voici le lien pertinent Registres des entreprises du Québec: Direction chrétienne :

[2] - Cliquez

[3] - Voici le lien pertinent :

[4] - Lien pertinent :

[5] - Cela ne concerne à vrai dire que les évangéliques œuvrant auprès de la population francophone. Les protestants anglophones n'ont jamais été la cible de ces restrictions.

[6] - Comme c'est le cas de l'Islam justement. Cette religion s'intéresse avant tout au contrôle du territoire et de l'État.

[7] - Pour un examen approfondi de ce système de croyances, voir mon dernier livre Fuite de l'Absolu, volume I.

[8] - Ou toute autre institution humaine.

[9] - L'église des premiers siècles s'est appuyé sur ces principes pour s'opposer au culte de César. Ils étaient intolérants de cette doctrine...

[10] - Voir l'épisode de Jean 6: 14-15 où l'on a voulu faire de Christ le roi. Offre qu'il a refusé (ce qui fait contraste avec l'attitude du prophète Mohamed qui a saisi le pouvoir politique et militaire à la première occasion).

[11] - Il y a lieu de penser que bientôt d'ailleurs ce terme ne signifiera plus rien du tout. Ceci aboutit à une situation qui ressemble à celle décrite (en 1958!) par Aldous Huxley à l'égard de l'institution sociale que l'on nomme démocratie. Dans le Retour au Meilleur des mondes, il note à ce sujet (Huxley 1958/1990: 144):