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Samizdat

Critique de la deuxième partie du livre
Paradigms on Pilgrimage de C.R. Smith
au sujet des jours de la création.






Paulin Bédard (2008)

Introduction
Je m'étonne de voir la confusion qui existe actuellement dans le monde chrétien à propos de la création du monde et de l'interprétation des premiers chapitres de la Genèse. Depuis les hypothèses évolutionnistes de Charles Lyell en géologie (1797-1875) et de Charles Darwin en biologie (1809-1882), de nombreux pasteurs et théologiens chrétiens n'ont cessé de proposer de nouvelles façons de comprendre le message pourtant simple et clair des premiers chapitres de la Bible, de manière à pouvoir “ajuster” ce message aux hypothèses scientifiques les plus répandues. L'une de ces nouvelles interprétations sur les jours de la création s'appelle “la théorie cadre” ou “l'interprétation littéraire” (“Framework Hypothesis”), popularisée surtout par le professeur Meredith Kline aux États-Unis et par le professeur Henri Blocher en France. Il y a quelques années, j'ai eu l'occasion de faire l'analyse critique de cette théorie, pour conclure que l'interprétation cadre était non seulement infidèle à la Parole de Dieu, mais qu'elle comportait également des dangers réels pour notre foi et pour l'Église de Jésus-Christ. [1]


Livre analysé:
C.R. Smith & S.J. Godfrey,
Paradigms on Pilgrimage: Creationism, Paleontology, and Biblical Interpretation.
Clements Pub., Toronto, 2005, 207 pages (2e partie)

Plus récemment, un frère m'a demandé de lire et d'évaluer un petit livre de C.R. Smith sur la création qui l'avait troublé. [2] Intrigué par ce livre, je me suis vite aperçu que son auteur était un ancien élève du professeur Kline et qu'il propageait les mêmes idées que son maître. C.R. Smith va toutefois beaucoup plus loin que le professeur Kline et semble prêt à beaucoup de compromis pour défendre ses opinions sur la création du monde. Le caractère insidieux des problèmes rattachés à la théorie cadre — que j'avais perçu lors de ma première analyse — fut tristement confirmé à la lecture du livre de Smith. Je me suis alors senti l'obligation de répondre en détail à ce livre afin de réaffirmer ma foi dans la création du monde en six jours et de mettre en garde ceux qui seraient tentés de suivre les voies séduisantes de la théorie cadre. L'analyse critique qui suit est l'aboutissement de ce travail. Ma prière est que cette étude soit à la gloire de notre Dieu Créateur et Rédempteur et qu'elle soit édifiante pour tous ceux qui s'intéressent à mieux comprendre ce que Dieu nous révèle au sujet de son oeuvre créatrice.


1. Quel est le genre littéraire du livre de Smith?
L'auteur a voulu présenter son point de vue au sujet de la création sous forme d'une auto-biographie en nous présentant son “pèlerinage personnel”. Une telle approche est attrayante au lecteur et plus “chaleureuse” qu'une simple exposition de la pensée de l'auteur. Mais le problème avec cette approche est qu'on peut se permettre de ne pas être aussi rigoureux dans son argumentation. Une auto-biographie n'exige pas que l'on présente ses arguments de façon précise et ordonnée. Il suffit de dire ce que l'on croyait à tel moment de notre vie et ce que l'on croit maintenant. C.R. Smith ne se limite pas à cela, heureusement, il présente quelques arguments à mesure qu'il nous fait avancer avec lui dans son parcours. Puis, à la suite de questions qui lui ont été posées, il a senti le besoin d'ajouter deux chapitres “théologiques” non biographiques, ce que j'ai trouvé très curieux de la part d'un homme qui a des compétences littéraires et qui prétend considérer sérieusement le genre littéraire des textes bibliques qu'il analyse. Le lecteur est alors amené à se demander: Mais quel est donc le genre littéraire du livre de Smith? Une auto-biographie ou un livre d'exégèse et de théologie? Son livre devient forcément très argumentatif et cherche à nous convaincre de la valeur de sa position, tout en s'accordant le loisir, au moins au début, de ne pas être rigoureux, mais de simplement suivre le fil de son expérience. Je trouve dommage que Smith joue ainsi sur deux tableaux. Si l'on critique ses arguments, sera-t-on accusé de ne pas avoir tenu compte du genre littéraire “auto-biographique”?


2. Smith suit aveuglément l'interprétation cadre
Ayant déjà fait l'étude détaillée de l'interprétation cadre des jours de la création, j'ai retrouvé ici à peu près les mêmes arguments que ceux avancés par les tenants classiques du “Framework Hypothesis” au sujet des jours de la création: deux triades parallèles entre les jours 1 à 3 et les jours 4 à 6 de Gen. 1 (“kingdoms & kings”, p. 111, 137, 160); ces deux triades répondraient aux deux “manques” ou “problèmes” de Gen. 1:2 (informe et vide, p. 126); comment la lumière peut-elle exister sans le soleil? (p. 100-101); contradictions entre Gen. 1 et Gen. 2 pris littéralement (p. 122, 127-128); style poétique de Gen. 1-2 (p. 110-111); d'après Gen. 2:5, le mode d'opération entre les différents actes créateurs serait uniquement la providence normale (p.101, 109-110), etc. Pour répondre à tout cela, il faut lire l'analyse et la réfutation détaillée de ces idées que j'ai déjà préparée dans un autre texte. Je ne peux pas répéter tout cela ici. J'ajouterai toutefois quelques éléments supplémentaires un peu plus loin.

Ce qui m'étonne chez Smith, c'est qu'il ne semble pas du tout connaître les nombreuses critiques de cette interprétation qui ont déjà été formulées depuis longtemps (voir la bibliographie dans ma première étude). Il ne cite aucun auteur qui a critiqué la théorie cadre et ne s'efforce nullement de répondre à ces critiques. Ou bien il ne les connaît pas, et alors sa crédibilité de théologien n'est pas très solide, ou bien il les connaît, mais ne prend pas la peine d'y répondre, estimant que cela ne vaut pas la peine ou que cela n'entre pas dans le cadre de son “auto-biographie”... Certains ont reproché la même chose à son modèle, Meredith Kline. À ma connaissance, le professeur Kline a écrit essentiellement deux articles sur le sujet, un en 1958 (à propos d'une nouvelle façon de comprendre Gen. 2:5) [3] et un autre en 1996 (à propos d'un nouvel argument en faveur de la théorie: une supposée “cosmologie à deux étages”, que Smith semble ignorer). [4] Entre 1958 et 1996, Kline ne s'est pas donné la peine, semble-t-il, de répondre aux nombreuses critiques émises contre son interprétation. Il a fallu attendre la publication d'un livre en 2001 présentant un débat entre trois interprétations différentes pour voir le nom de Kline associé à une “réponse aux objections”. En fait, la réponse vient plutôt de “Lee Irons with Meredith G. Kline”. [5] Quant à Smith, il présente la théorie cadre comme une nouveauté (pour lui) et suit bêtement son ancien professeur sans se donner la peine d'interagir avec les critiques. Il n'est même par certain d'où vient cette théorie, car il dit: “Dr. Kline proceeded to present his own view. (I am not sure whether it was original with him, but my generation of Gordon-Conwell alumni will always associate it with him.).” (p. 110). Pour un homme qui connaît autant de choses et qui, par son livre et son enseignement basés sur les idées de Kline, peut exercer une grande influence, je trouve cela quelque peu irresponsable, surtout lorsque l'on remet en question une façon de comprendre la Genèse deux fois millénaires.


3. Smith va bien au-delà de l'interprétation cadre
Smith ne se limite pas à répéter ce qu'ont déjà dit avant lui les tenants de la théorie cadre. Il prend la liberté d'aller bien au-delà. Il se sert en fait de la théorie cadre pour ouvrir la porte menant à tous les excès possibles. Il dit par exemple: “But my main response was that if they really wanted to know why this account could not be understood as descriptive of actual events, even in a poetic way, they should return the next week.” (p. 126). “The inescapable conclusion is that the early chapters of Genesis are not necessarily intended as ‘history,', that is, they are not always attempting to portray, even in stylized form, actual events as they took place in the past. The point of these stories is primarily a moral one instead.” (p. 128). Pour plusieurs tenants de la théorie cadre, seules la durée et la séquence des jours de la création ne sont pas “historiques”, mais figuratives. Les événements rapportés dans ces “jours-photographies” seraient réellement historiques (voir par exemple le rapport présenté à l'assemblée générale de l'Église Orthodox Presbyterian Church qui pose des “garde-fous” assez précis). J'ai fait valoir dans ma recherche sur la théorie cadre qu'il est nécessaire que certains événements relatés dans Gen. 1 ne soient pas historiques pour que la théorie cadre tienne toujours. Mais au moins, ceux qui favorisent cette interprétation tiennent encore à l'historicité des actes créateurs de Dieu, même s'ils ne se rendent pas toujours compte que certains de ces actes sont forcément “érodés” par leur théorie. Ce n'est plus le cas avec Smith. Il affirme candidement que le récit de la création ne peut pas être compris comme décrivant des événements réels. Cela ne me surprend pas de voir que la théorie cadre peut mener jusque là. Je savais qu'elle en avait tout le potentiel, mais maintenant j'en constate avec désarroi la réalité. Il me semble difficile d'aller beaucoup plus loin que Smith, à moins de dire carrément que la Genèse nous présente un mythe, ce que Smith évite de dire, peut-être pour ne pas choquer ses lecteurs “évangéliques fondamentalistes”, même s'il semble avoir envie d'en parler lorsqu'il cite un ancien collègue: “A third student responded cautiously, ‘That depends what you mean by ‘myth.'” (p. 121). Il faut savoir que les théologiens libéraux (bultmanniens, par exemple) ont utilisé de façon radicale une approche plus ou moins analogue pour l'interprétation des Évangiles. Les événements de la résurrection de Jésus ne sont pas des événements historiques réels, mais un reflet de la foi de la communauté chrétienne qui contient en fait un message moral... La tâche de l'exégète est de “démythologiser” le récit, c'est-à-dire d'enlever l'enveloppe “pré-scientifique” entourant le coeur du vrai message existentialiste des Évangiles. J'imagine que des exégètes habiles inspirés par la théorie cadre de la Genèse pourront faire valoir que les Évangiles contiennent suffisamment d'indices littéraires “poétiques” pour en arriver à évacuer toute historicité des récits évangéliques. Une fois la digue ouverte, où le déluge s'arrêtera-t-il?...


4. Le genre littéraire du livre de la Genèse est-il poétique ou historique?
À plusieurs reprises, Smith nous assure que le récit de la création de la Genèse est de nature poétique. À l'appui, il mentionne la séquence qui se répète sous des formes variables “Dieu dit... Dieu fit... Dieu appela... Dieu vit”, ponctuée par le refrain “...soir... et matin, le xième jour”. Le texte contient également des parallélismes, allitérations et assonances. C'est donc de la poésie, et non une narration historique (p. 110-111). Étant donné que Smith se présente comme un connaisseur en littérature et en genres littéraires, cela ajoute du poids à ses affirmations. Sauf que plusieurs ont déjà critiqué cette idée selon laquelle Gen. 1-2 serait poétique. Il ne suffit pas de se présenter comme expert, il faut en faire une démonstration rigoureuse, surtout quand le reste de l'interprétation est dans la balance... Je ne peux pas répéter ici toute l'exégèse de ceux qui ont critiqué l'idée que Gen. 1-2 est “poétique”. Je donnerai toutefois un ou deux exemples. Genèse 1 commence par le mot “beréshit” (au commencement), suivi du verbe “bara' au parfait, suivi d'une longue liste de phrases qui s'enchaînent et qui commencent toutes par des “waw” consécutifs introduisant des verbes à l'imparfait. “Et Dieu dit... Et Dieu vit... Et Dieu sépara...”, etc. Cela est typique des narrations historiques, mais pas des textes poétiques. Ce procédé littéraire se rencontre continuellement dans le reste de la Genèse, mais pas dans les Psaumes, par exemple. Par ailleurs, bien des narrations historiques dans la Bible contiennent des finesses littéraires que l'on pourrait très bien estimer “poétiques” selon les normes de Kline et de Smith. Par exemple, le récit du déluge est savamment construit pour mettre en valeur la montée dramatique (la montée de l'eau), avec pour point central Gen. 8:1, etc. L'histoire des plaies d'Égypte dans l'Exode présente également une structure littéraire fort habile. Plusieurs exégètes voient des “chiasmes” un peu partout dans la Bible, ou encore des parallélismes, des assonances, etc., qui ne nous amènent pas à conclure que tous ces textes sont de nature poétique pour autant, encore moins que ces récits ne présenteraient pas des événements historiques. Au contraire, c'est le génie de la langue hébraïque de pouvoir se servir de toutes sortes de constructions littéraires variées dans le but de faire ressortir les éléments forts des événements relatés.

Un point important que Smith ne semble nullement considérer, c'est de se demander: Quel est le genre littéraire du livre dans lequel se trouve les deux premiers chapitres de la Genèse? Smith se limite à parler du genre littéraire des deux premiers chapitres, mais c'est le livre dans son entier qu'il faut considérer si l'on veut discerner le genre littéraire d'une de ses parties. Par exemple, le livre de l'Apocalypse est hautement symbolique. Les nombres dans l'Apocalypse sont utilisés de manière symbolique. Cela nous permet de mieux saisir, par exemple, pourquoi il est question au premier chapitre des “sept esprits” qui sont devant le trône de Dieu. La Trinité ne s'est pas tout à coup multipliée, c'est plutôt l'Esprit de Dieu qui est en action en plénitude dans les sept Églises... Par contre, les nombres, dans la Genèse, en particulier lorsqu'ils se rapportent à des jours, à des mois et à des années, sont pris dans leur sens littéral et se rapportent à des journées, des mois et des années normales. La Genèse dans son ensemble se présente comme un livre historique, depuis la création du monde jusqu'à la mort de Joseph, en passant par Caïn et Abel, Noé, la tour de Babel, l'appel d'Abraham et toute l'histoire détaillée des patriarches. Smith ne dit rien de tout cela. À partir d'où le livre de la Genèse cesse-t-il d'être poétique et commence-t-il à être narratif historique? À partir de quel chapitre commence-t-on à nous rapporter des événements réels? Quand ne retrouve-t-on plus d'éléments “poétiques” dans le récit? Si on lit attentivement les derniers versets du chapitre 50, par exemple, on s'aperçoit que Moïse utilise des répétitions: l'âge de Joseph est mentionné deux fois, au début et à la fin du passage (v. 22,26) et ses paroles “Mais Dieu interviendra pour vous à coup sûr” sont répétées deux fois (v. 24,25). Cette forme A-B-B'-A' serait-elle un indice de parallélisme poétique nous permettant de conclure que le récit est non historique? La Genèse dans son ensemble devrait-elle alors être désormais classée parmi les livres poétiques de la Bible? C'est ridicule de penser ainsi. Je pourrais donner des centaines d'exemples de finesses littéraires dans la Genèse, mais lorsqu'il s'agit de la création du monde, on est prêt à croire bien des choses pour arriver à se conformer à “la science moderne”... Curieusement, Smith connaît la structure de la Genèse en onze sections débutant par “Voici les générations de...” ou “Voici la postérité de...” (p. 115). Cette structure aurait dû lui indiquer l'unité littéraire du livre et le mettre sur la piste pour déterminer la continuité historique de Gen. 1-2 avec les chapitres suivants. Le plan de la Genèse bâti autour de ces onze sections ne fait que renforcer la nature historique des premiers chapitres. En bref, Smith ne m'a pas convaincu qu'il est un expert en littérature et en genre littéraire ni que les premiers chapitres de la Genèse sont de nature poétique...


5. Y a-t-il vraiment des contradictions entre Genèse 1 et Genèse 2 pris littéralement?
Smith prétend qu'il existerait des contradictions entre Gen. 1 et Gen. 2 pris littéralement. Pour harmoniser ces “deux récits”, il faut alors les comprendre poétiquement. Il donne l'exemple de l'ordre dans lequel l'homme et les animaux sont créés. “My next step was to figure out how the Bible could claim, in adjacent accounts, that man was created both before and after the animals. I had to give the Genesis author or editor credit for knowging that if both accounts were taken as history, they were contradictory... The implications were profound. It was not necessary to struggle to match up the Genesis narratives with the events of natural and human history! Something else was going on in the pages of this inspired ancient book.” (p. 122, voir p . 127s).

Smith n'est pas le premier à voir des contradictions entre Gen. 1 et Gen. 2, et la réponse à cette objection a également déjà été présentée plusieurs fois... Encore une fois, je ne peux pas aller dans le détail ici. Je mentionnerai simplement que le verbe “forma” en Gen. 2:19 peut très bien se traduire au plus-que-parfait (temps de verbe qui n'existe pas en hébreu et qui doit forcément être rendu par un autre temps de verbe). Nous retrouvons d'autres exemples de ce phénomène dans le Pentateuque. Ma recherche sur la théorie cadre en présente quelques exemples et donne plus de détails sur ce “problème”. On peut donc tout simplement traduire: “L'Éternel Dieu avait formé du sol tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel”, ce qui signifie que les animaux ont été créés avant l'homme. Il est d'ailleurs intéressant que plusieurs tenants de la théorie cadre reconnaissent que l'homme a effectivement été créé après les animaux, et qu'ils ne voient pas de problème d'harmonisation avec Gen. 2 qu'ils estiment pourtant “historique”... Deux mille ans d'histoire de l'Église et de commentateurs chrétiens n'y ont pas vu non plus de problème...


6. Smith oublie que les généalogies de Genèse 5 et 11 forment une chaîne chronologique solide
Pour pouvoir insérer des millions d'années dans la Bible, il ne suffit pas de dire que le récit de la création de la Genèse est poétique et non événementiel... Il faut aussi étirer le temps entre Genèse 2 et Genèse 12. La seule façon de faire cela est d'étirer les généalogies présentées en Gen. 5 et Gen. 11, ce que Smith fait à la suite de Kline et de bien d'autres. “He (Kline) accommodated the vast ages of geologic time postulated by natural scientists by appeal to the possibility of ‘gaps' in the biblical genealogies.” (p. 112). “As I would later discover, all of the biblical genealogies have strong poetical aims and characteristics, obviating the need to read them literally and to postulate a young earth on biblical authority.” (p. 113). “Genealogy provides the canvas on which this portrait is painted, but what we have before us is clearly closer to art than history.” (p. 123). “The genre of genealogy in the Bible uses ‘history' only as a jumping-off point for theological statements that are made through astistic portrayals. Biblical genealogies are historical only secondarily, in other words. This being the case, it is not appropriate to use them, especially not cumulatively, in seeking to answer historical questions such as the duration of human civilization or the age of the earth.” (124-125). Pour établir son point, Smith donne quelques exemples en dehors de la Genèse (Matthieu 1 et 1 Chron., par exemple). Je n'ai pas le temps ici de traiter des exemples qu'il donne en dehors de la Genèse. Je mentionnerai seulement que les grandes affirmations qu'il fait au sujet des généalogies (de “toutes” les généalogies bibliques!) flottent un peu loin du texte de la Genèse. Par exemple, Smith n'explique pas la signification des âges des patriarches mentionnés dans Gen. 5 et Gen. 11. S'agit-il encore d'un procédé poétique? Cette lignée nous mène tout droit à Térah et à Abram. La Genèse continuera de nous donner l'âge des patriarches Abraham, Isaac, Jacob et Joseph à leur mort. Il est évident que la Genèse prétend nous donner des âges réels. Par ailleurs, pour insérer des millions d'années, il faudrait également ajouter des millions de patriarches, ce qui semble invraisemblable comme “gaps” et tout à fait hors de proportion par rapport aux exemples qu'il cite en dehors de la Genèse. Mais le principal problème avec la position de Smith sur les généalogies de la Genèse, c'est que Gen. 5 et Gen. 11 nous présente une chaîne solide fermée impossible à étirer. En Gen. 5, nous avons le “pattern” suivant: “x âgé de tant d'années engendra y; x vécut après la naissance de y tant d'années; la durée totale de sa vie fut de tant d'années.” Le “pattern” de Gen. 11 est un peu plus court: “x âgé de tant d'années engendra y; x vécut, après la naissance de y, tant d'années.” Dans la deuxième liste, l'auteur ne fait plus l'addition des années avant et après la naissance, il présume que nous avons compris comment faire pour déterminer la longévité totale du patriarche... Sauf qu'avec un tel “pattern”, il devient impossible d'étirer la chaîne. Même si l'on admettait qu'il manque quelques chaînons au milieu de la chaîne (disons qu'entre x et y il y aurait deux générations non mentionnées, entre y et z, il en manquerait une, etc.), il n'en demeure pas moins que l'ajout de ces nouveaux chaînons n'augmente en rien la longueur totale de la chaîne, car x avait bien toujours tel âge à la naissance de y et y avait bien toujours tel âge à la naissance de z, etc. Le nombre total d'années entre A et Z ne peut donc être augmenté sans faire violence au texte. Le nombre d'années entre la création d'Adam et la naissance d'Abraham est de 1948 ans (il peut y avoir un petit flottement de quelques années, selon l'interprétation que l'on donne à Gen. 5:32 et selon que les patriarches pouvaient avoir quelques mois de plus que l'âge indiqué, mais nous restons dans le même ordre de grandeur d'environ 1950 ans). Le seul choix qui nous reste, c'est de dire que x n'avait pas tel âge à la naissance de y et que y n'avait pas tel âge à la naissance de z, mais que ce serait un procédé littéraire destiné à nous enseigner une morale... Mais cela ne s'accorde nullement avec le genre littéraire de la Genèse et avec les informations supplémentaires que ce livre nous donne par la suite sur l'âge d'Abraham à la naissance d'Isaac (Gen. 21:5), sur l'âge d'Isaac à la naissance de Jacob (Gen. 25:26), etc. Il est d'ailleurs intéressant que Jude atteste qu'Hénoc est “le septième depuis Adam” (Jude 14), tout comme Lémek était le septième dans la lignée de Caïn (deux symboles des deux lignées opposées fondés sur deux faits réels). Bref, pour pouvoir accepter une chronologie de millions d'années, il faut purement et simplement contredire la Bible. Smith n'évoque nullement cette difficulté insurmontable relative à son interprétation.


7. Smith rejette le déluge universel pourtant clairement révélé
Comme bien d'autres “non créationnistes”, Smith ne croit pas que le déluge ait été universel.

L'exégèse du texte est bien “courte” pour rejeter le déluge 'universel. C'est davantage le “poids” de la “science” qui nécessite que nous refusions de croire que les eaux du déluge aient recouvertes la terre entière. Car autrement, si la majorité des fossiles sur la terre provenaient du déluge, il est évident que toute la théorie de l'évolution s'écroulerait comme un château de cartes. Une note en passant: Il me semble très étrange que plusieurs astronomes modernes croient que la planète Mars a déjà été entièrement recouverte d'eau, alors que nous n'avons pas encore trouvé d'eau sur Mars, tandis que sur la Terre, notre planète est actuellement recouverte d'eau à environ 70%, et l'on se refuse absolument de croire qu'elle ait pu avoir été un jour entièrement recouverte d'eau... Pour ce qui est de l'exégèse même de Gen. 6 à 9, je ne peux pas aller dans le détail ici. Je peux quand même donner les indications suivantes: D'abord, il est vrai que “erets” veut souvent dire “pays” (“land”) au sens de région délimitée (ex.: pays de Canaan), mais cela ne prouve pas que ce mot veuille toujours dire cela, étant donné la nature “élastique” de cette délimitation. La terre entière est également une région délimitée par rapport à l'ensemble de l'univers. De même pour “shamayim”, il est bien sûr que ce mot signifie le “ciel” au-dessus de nos têtes, mais où s'arrête ce “ciel”? La question est de savoir quelle est l'étendue maximum de cette “terre” et de ce “ciel”. S'agit-il seulement du sol sous les pieds de l'auteur et du ciel au-dessus de sa tête, ou d'un sol et d'un ciel plus étendus? Si vraiment “erets” doit se limiter à une région du Moyen Orient, il est plutôt curieux de penser, comme Smith, que l'un des messages moraux de Gen. 1 serait de nous dire que nous sommes vice-régents de Dieu et surintendants de sa création (p. 111, 126). Car Dieu dit à l'homme en Gen. 1:28-29: “Remplissez la ‘erets' et soumettez-la... Voici que je vous donne toute herbe porteuse de semence et qui est à la surface de toute la ‘erets'.” Le message de Gen. 1 ne serait-il donc pas plutôt que Dieu a donné aux habitants du Moyen Orient le mandat de peupler et de dominer seulement le Moyen Orient et de se nourrir des productions du Moyen Orient exclusivement? Nous voyons tout de suite que cela est tout à fait ridicule.

Pourtant Gen. 6 à 9 nous présente le même sens “englobant” que Gen. 1. Le mot “tout” est répété un grand nombre de fois, à propos de “toute la terre”, “tous les êtres vivants”, “toute chair sous le ciel”, “tout ce qui est sur la terre”, “tous les êtres que j'ai fait”, “tous les animaux”, “tous les reptiles”, “toutes les hautes montagnes”, etc. Il suffit de relire le texte pour être étonné de rencontrer aussi souvent le mot “tout”. Nulle part des frontières délimitées ne sont évoquées. Il est d'ailleurs évident qu'une quantité d'eau nécessaire pour recouvrir les plus hautes montagnes du Moyen Orient et pour monter encore quinze coudées au-delà de leurs plus hauts sommets va nécessairement devoir déborder un peu à gauche et à droite, hydrologie impose... Smith ne semble pas réaliser la quantité d'eau que cela peut représenter... Une pluie continuelle pendant 40 jours à laquelle s'ajoutent les eaux jaillissant des “sources du grand abîme”, cela fait beaucoup d'eau. Par ailleurs, il est clairement affirmé que le déluge a été envoyé pour punir “l'homme”, pas seulement une population d'une région ou les habitants de la Chaldée, de Ninive ou du royaume hittite: “L'Éternel vit que la méchanceté de l'homme était grande sur la terre, et que chaque jour son coeur ne concevait que des pensées mauvaises. L'Éternel regretta d'avoir fait l'homme sur la terre, et son coeur fut affligé. L'Éternel dit: J'effacerai de la surface du sol l'homme que j'ai créé, depuis l'homme jusqu'au bétail, aux reptiles et aux oiseaux du ciel; car je regrette de les avoir faits.”(Gen. 6:5-8). Lorsque Dieu envoie des jugements délimités sur la tour de Babel, sur Sodome et Gomorrhe, sur l'Égypte ou sur Ninive, par exemple, le texte prend soin de nous l'indiquer, ce qui n'est pas le cas ici. L'humanité entière de cette époque devait périr, à moins que ce soit seulement la population du Moyen Orient qui était devenue méchante, affligée du péché originel? Il est très difficile de concevoir qu'environ 2400 avant Jésus-Christ l'humanité n'ait peuplé que le Moyen-Orient. La raison d'être du déluge était donc de nettoyer la terre, le sol, la surface habitée du péché qui s'est multiplié dans le monde. Mais puisque Dieu avait donné à l'homme le mandat de régner sur cette terre et de dominer sur les animaux, le péché de l'homme a des conséquences pour les animaux créés. Le texte dit explicitement que les animaux qui ont souffle de vie doivent tous périr eux aussi (Gen. 6:17). Les animaux aussi ont dû se disperser et se multiplier sur la terre. Il est inconcevable de penser que leur habitat se soit limité au Moyen Orient. Et s'il s'agit uniquement des animaux d'une région limitée, on se demande alors quel est le sens d'une telle mesure divine. Pourquoi détruire seulement ces animaux? Et pourquoi demander à Noé de construire une arche d'une telle ampleur pour sauver des espèces qui, de toute manière, ont certainement pu se répandre ailleurs sur la terre? Et pourquoi pas plutôt demander à Noé de déménager en Afrique, en Europe ou en Asie? Les voyages entre l'Égypte et la Mésopotamie étaient fréquents dans l'antiquité. L'Inde n'est pas si loin non plus... Cela aurait été bien plus simple. Pourquoi ensuite, après le déluge, reprendre les paroles déjà prononcées à Adam et Ève et demander à la famille de Noé de repeupler la terre: “Soyez féconds, multipliez-vous et remplissez la terre.” (Gen. 9:1). Que signifie “mon alliance avec vous et avec votre descendance après vous” (9:9) et “l'alliance perpétuelle entre Dieu et tous les êtres vivants qui sont sur la terre” (9:16) si une partie de l'humanité ne descend pas de Noé et si une partie des animaux sur la terre ne descend pas des animaux qui étaient dans l'arche? Il y a encore d'autres arguments dans le texte, mais celui qui me semble le plus décisif est le suivant: Si le déluge est seulement local ou régional, quel est le sens de la promesse de Dieu? “Il n'y aura plus de déluge pour détruire la terre.” (9:11). “Et je me souviendrai de mon alliance entre moi et vous, ainsi que tous les êtres vivants, et les eaux ne se transformeront plus en déluge pour détruire toute chair.” (9:15). Nous savons qu'il y a eu et qu'il y a encore des inondations sur des “terres” et sous des “cieux” dans le monde. Dieu n'aurait pas été fidèle à sa promesse? Ou bien Dieu aurait-il seulement promis de ne plus inonder le Moyen Orient? Encore là, Dieu n'aurait pas été fidèle, car il est souvent arrivé que le Tigre et l'Euphrate ou d'autres rivières de la région aient débordé... “Tant que la terre subsistera, les semailles et la moisson, le froid et la chaleur, l'été et l'hiver, le jour et la nuit ne cesseront pas.” (8:22). Cela veut-il vraiment dire “Tant que le pays du Moyen Orient subsistera”? Il y a aussi des textes du Nouveau Testament qui mettent en parallèle le jugement de Dieu au déluge et le jugement dernier, etc. Bref, je ne vois pas comment nous pourrions justifier bibliquement que le déluge n'ait pas recouvert d'eau la terre entière. Cette idée ne sert qu'à “laisser un espace viable” à la théorie de l'évolution, rien d'autre. Elle n'ajoute absolument rien à une meilleure compréhension du message biblique, au contraire.


8. Smith ne laisse pas la Bible s'interpréter elle-même
Pour traiter de la question de la création et de l'évolution, Smith se limite presque exclusivement à considérer les deux premiers chapitres de la Genèse. Une fois qu'il a postulé que ces deux chapitres sont essentiellement de nature “poétique” et qu'ils ne nous rapportent pas d'événements réels, mais des enseignements moraux, Smith est libre de croire ce qu'il veut au sujet du “quand” et du “comment” de la création. Il est très malheureux qu'il n'ait pas pris la peine de “tester” ses idées sur la Genèse à la lumière d'autres passages de la Bible. Que disent le reste des Écritures Saintes? Il est remarquable qu'à chaque fois que des extraits de Gen. 1 à 3 sont cités dans le Nouveau Testament ou qu'on y fait référence, ceux qui les citent (Jésus et les apôtres) prennent ces textes comme nous relatant des événements réels. Héb. 11:3: la création du monde par la parole de Dieu; 2 Cor. 4:6: la création de la lumière par la seule parole de Dieu; 2 Pi. 3:5: une terre qui, du milieu de l'eau et formée par l'eau, surgit à la parole de Dieu; 1 Cor. 15:39: la chair des hommes et celle des animaux et des poissons est différente (ce qui semble aller à l'encontre d'un processus en “continuum”); Jac. 3:9: les hommes ont été faits à l'image de Dieu (voir Éph. 4:24 et Col. 3:10); 1 Cor. 11:7: la création de l'homme à l'image de Dieu; 1 Cor. 15:45,47: le premier homme a été tiré de la terre, il s'appelle Adam et “il devint un être vivant” (citation de Gen. 2:7); Jean 20:22: Jésus souffle le Saint-Esprit sur ses disciples (un geste de puissance et d'autorité qui rappelle l'acte créateur de Dieu); Matt. 19:4-5 et Marc 10:6-7: la création de l'homme et de la femme “au commencement” et “au commencement de la création” (et non après des millions d'années — un texte très court, mais très puissant!) ainsi que l'institution originelle du mariage; Éph. 5:31: cette institution du mariage fonde les devoirs actuels des époux; 1 Cor. 11:8: l'homme n'a pas été tiré de la femme, mais la femme a été tirée de l'homme; 1 Cor. 11:9: l'homme n'a pas été créé à cause de la femme, mais la femme à cause de l'homme (qui découle à la fois de la séquence chronologique mentionnée juste avant et du fait que Dieu fit “une aide” pour l'homme); 1 Tim. 2:13: Adam a été formé le premier, Ève ensuite (historicité d'Adam et Ève et de l'ordre dans lequel ils ont été créés); 1 Tim. 4:4: tout ce que Dieu a créé est bon; Héb. 4:3-4: les oeuvres de Dieu étaient faites depuis la fondation du monde, avec pour preuve que Dieu se reposa de toutes ses oeuvres le septième jour (argument pour dire que Dieu a d'autres oeuvres en réserve — la rédemption — et un autre repos promis); Ac. 17:26: toutes les nations humaines sont issues d'un seul homme; Luc 3:38: Adam se trouve dans la généalogie de Jésus, au même titre que les autres personnages historiques de toute cette lignée; il débute cette généalogie à titre de “fils de Dieu”; Apoc. 12:9: le diable et Satan qui séduit actuellement toute la terre habitée s'appelle “le serpent ancien” (allusion au serpent dans le jardin); 1 Cor. 11:3: le serpent qui séduisit Ève par sa ruse était aussi réel que le danger qui guette les Corinthiens; 1 Tim. 2:14: ce n'est pas Adam qui a été séduit, mais la femme (historicité de la tentation du diable et de la première désobéissance d'Ève); Rom. 5:12: par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort (historicité d'Adam, de la chute et de la mort qui est la conséquence directe de son péché; tout cela pour Paul est aussi historiquement réel que l'obéissance de Jésus-Christ mise en parallèle ensuite avec Adam, “la figure de celui qui devait venir”, v. 14); 1 Cor. 15:21: la mort est venue par un homme, tout comme la résurrection vient par un homme (Adam est aussi réel que Jésus et les effets mortels de son péché sont aussi dévastateurs que les effets de la rédemption par Jésus-Christ sont restaurateurs); Jean 8:44: le diable a été meurtrier dès le commencement (les conséquences de sa tentation et du péché qui a suivi se sont faits sentir “dès le commencement”); Rom. 8:20: la création a été soumise à la vanité — non de son gré, mais à cause de celui qui l'y a soumise (un événement historique réel a modifié pour de bon l'état général de la création désormais soumise à la “vanité” de la corruption, des souffrances et de la mort; par opposition, nous avons en Jésus-Christ une espérance réelle pour nous-mêmes et pour toute la création); Héb. 11:4ss: après la formation du monde par la parole de Dieu, le premier témoin de la foi à être mentionné s'appelle Abel, suivi d'Hénoc, de Noé, d'Abraham, etc.; tout cela fait partie de la même histoire; 1 Jean 3:2: Caïn qui était du Malin égorgea son frère; Matt. 23:35; Luc 11:51: le sang innocent est répandu sur la terre depuis le sang d'Abel; etc. Pour ce qui est des mentions de la Genèse dans le reste de l'Ancien Testament, nous avons par exemple le témoignage de Moïse lui-même qui confirme que Dieu créa en six jours le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s'y trouve et qu'il s'est reposé le septième jour, afin de nous donner un modèle à suivre pour notre travail et notre repos (Ex. 20:11). Ps. 33:6,9 nous confirme également que les cieux ont été faits par la parole de l'Éternel, et toute leur armée par le souffle de sa bouche, car il dit et la chose arrive, il ordonne, et elle existe, référence directe aux actes créateurs par la puissance directe de sa parole. Bref, devant ce témoignage massif et impressionnant du reste des Écritures, des conclusions s'imposent à propos de Gen. 1-2.

Mais à quoi bon citer tous ces textes? Smith lui-même l'admet: “As we have seen, the rest of the Bible follows this same observational cosmology. Nowhere in the Bible is it ‘corrected.'” (p. 196). Au lieu de l'ébranler dans ses opinions, ce témoignage cohérent et unifié des Écritures ne fait que conforter Smith dans ses idées que la Bible ne nous donnerait pas un témoignage véridique au sujet des origines. Il faut beaucoup de force intérieure et d'assurance en soi-même, me semble-t-il, pour arriver à ne pas trembler devant la Parole de Dieu... L'une des grandes et profondes conséquences que Smith ne semble pas voir, c'est que plusieurs de ces autres textes bibliques qui confirment le récit de la Genèse unissent étroitement leur conception cosmologique à l'oeuvre de rédemption en Jésus-Christ. Les oeuvres de Dieu sont unifiées et cohérentes, de la création à la nouvelle création, du premier Adam au dernier Adam, du mariage entre Adam et Ève aux noces de l'Époux avec son Église, des cieux et de la terre originels aux nouveaux cieux et à la nouvelle terre à venir, etc. Si le “nouvel éclairage scientifique” moderne nous permet de “corriger” ce que le reste de la Bible n'a pas pu “corriger” de la Genèse, alors qu'est-ce qui empêchera le naturalisme scientifique de corriger d'autres affirmations bibliques contraires aux observations scientifiques naturalistes modernes, telle que la résurrection de Jésus-Christ, son ascension et tous ses miracles? Où la “correction” s'arrêtera-t-elle?


9. Le message de Genèse 1 et 2 porte autant sur le “comment” que sur le “pourquoi”
À plusieurs reprises, Smith affirme catégoriquement ce que le récit de la création n'a pas pour but de communiquer, en opposition à ce qu'il a vraiment pour but de communiquer. Par exemple, en parlant des humains qui sont les vice-régents de la terre et en parlant du sabbat qui nous enseigne à reconnaître la prérogative de Dieu devant qui toute la création doit s'arrêter pour reconnaître son Créateur, il dit: “Here was an amazing depth of meaning I had never appreciated before in the account of the days of creation. This passage was not so much a description of how we got here as an explanation of why we were here. It had a moral purpose, challenging humans to acknowledge God's supreme lordship, despite their pretentions to self-determination and self-sufficiency.” (p. 111). Dans une même ligne d'idées: “I had learned from Dr. Kline, that the most important thing, whether we took the chapter literally or not, was to appreciate its moral message. We needed to witness and participate in the ‘Sabbath enthronement of God' as the culmination of creation. This account does not ‘cater to our curiosity' about origins, I insisted.” (p. 115). Plus loin il ajoute: “I entitled my course, ‘Genesis and the Human Condition,' convinced by now that the purpose especially of these early chapters was to explain the brokenness of human existence as the cumulative result of alienation from God. My class, however, wanted to talk about ‘Genesis and Human Origins,' since they were equally convinced that the purpose of the book was to tell us where we came from and how we got here.” (p. 125). Et encore plus loin: “The point of the passage, I stressed, was for us to recognize our paradoxical status within creation, our simultaneous exaltation and subordination. We are God's stewards and vice-regents, meant to superintend creation, but specifically meant to do this in service to God, in whose sabbath enthronement we must participate.” (p. 126). Et enfin: “The inescapable conclusion is that the early chapters of Genesis are not necessarily intended as ‘history,', that is, they are not always attempting to portray, even in stylized form, actual events as they took place in the past. The point of these stories is primarily a moral one instead: in Genesis 1, the need to defer to God's supremacy; in Genesis 2, the priority of marriage ties over kinship; and so forth.” (p. 128).

Toutes ces citations ont un point commun: Le récit de la création ne nous explique pas le “quoi”, le “quand” et le “comment c'est arrivé”, mais nous explique le “pourquoi des choses”. Smith a subitement été illuminé et il a enfin compris le véritable message de la Genèse! Je répondrai à cela par les sept remarques suivantes:


10. Smith confond la science opérationelle et la science historique
Si la Genèse ne nous révèle pas le “comment” des actes créateurs, c'est la science qui nous le fera découvrir, soutient notre auteur. “Science, in seeking to explain origins, answers questions of what, when, and how, but responsibly remains silent on questions of who and why, which are instead the purview of religion and philosophy.” (p. 131). Smith appelle cela la “séparation des compétences”. Chacun son champ de compétence! Dans le paragraphe précédent, j'ai déjà soutenu que le “quoi”, le “quand” et le “comment” de la création sont de compétence biblique. Je soutiens maintenant que le “quoi”, le “quand” et le “comment” de la création ne sont pas et ne peuvent pas être de compétence scientifique. Par définition, la science observe, mesure, quantifie, analyse des phénomènes observables. La science ne peut rien nous dire sur la création des anges qui sont invisibles. Mais elle ne peut rien nous dire non plus sur les actes créateurs de Dieu qui n'ont pas pu être observés par des hommes lorsque les événements se sont produits et qui ne peuvent pas plus être observés aujourd'hui par des hommes, car ces événements sont achevés depuis longtemps. Les créationnistes ont raison, à mon sens, de faire la distinction entre “la science opérationnelle”, d'une part, qui s'occupe de développer des nouveaux médicaments, de perfectionner les ordinateurs et d'envoyer des fusées dans l'espace, et “la science historique”, d'autre part, qui spécule sur les origines de l'univers. Ces spéculations sont forcément vouées à l'échec, car tout ce que nous pouvons observer aujourd'hui, c'est le résultat des actes créateurs de Dieu. Il est possible d'approfondir nos connaissances et notre compréhension de la cosmologie actuelle de l'univers, mais il n'est pas possible de refaire jouer la cassette du film des événements créateurs pour découvrir la véritable cosmogonie de l'univers. Prétendre découvrir et décrire scientifiquement le “quoi”, le “quand” et le “comment” des oeuvres créatrices de Dieu, c'est se gonfler d'orgueil et se mettre à la place de Dieu lui-même!


11. Smith ne semble pas toujours bien comprendre le créationnisme
Je ne doute pas que Smith en connaisse beaucoup sur les créationnistes. Il a été enseigné dans ce sens et c'est la position qu'il a tenue pendant assez longtemps. J'ai toutefois été étonné qu'il dise ceci: “The biological diversity which results from a process even the strictest creationists would consider ‘natural' rather than ‘supernatural' (‘variation within ‘Genesis kinds'') is quantitatively and qualitatively equal to, if not greater than, the diversity that results from what is understood to be divine activity (‘special creation').” (p. 139-140). Il y a au moins une chose que Smith ne semble pas saisir au sujet des créationnistes: c'est que, pour eux, la diversité ou la “variation” qui existe à l'intérieur d'un même genre ou espèce (“kind” ou “min” en hébreu) est strictement limitée par le code génétique de l'espèce. Par exemple, la possibilité que le lion, le tigre et le léopard proviennent de la même espèce vient du fait que le félin créé à l'origine (ainsi que le couple de félins qui sont montés dans l'arche) possédaient dans leur bagage génétique toutes les informations permettant ces variations ou “spéciations”. Le lion, le tigre et le léopard demeurent toujours à l'intérieur de la catégorie “félin” telle que créée à l'origine. Les variations “naturelles” possibles après l'acte créateur sont strictement limitées par une frontière précise qui s'appelle “le code génétique”. Par contre, la diversité produite par l'activité divine de “création spéciale” est immensément plus grande, en qualité aussi bien qu'en quantité: elle va des félins aux canins, des mammifères aux arthropodes, des reptiles aux unicellulaires, des plantes herbacées aux arbres, des animaux aux végétaux. Cette diversité n'a de frontière que la parole créatrice de Dieu qui a dit... et la chose fut! Cette diversité s'exprime encore aujourd'hui sous nos yeux par le fait que chaque genre ou chaque espèce créée à l'origine possède un code génétique propre, très différent des autres genres. Ainsi donc, l'affirmation selon laquelle la diversité produite par les variations “naturelles” serait aussi grande ou même plus grande que la diversité produite par la création spéciale de Dieu est tout simplement sans aucun fondement. Smith ne semble pas connaître la position créationniste sur ce point et ne semble pas non plus connaître sa biologie.


12. La théorie de l'évolution serait-elle vraiment l'explication la plus raisonnable?
Je ne veux pas en dire trop long sur ce point, car cela dépasse le cadre de la révélation biblique. Je ferai quand même un commentaire sur les “compétences” scientifiques de notre auteur. Il dit ceci: “There was nothing disloyal to God about looking for the most reasonable explanation of the observations biologists had made to date, or even about concluding that the most reasonable explanation was that later, more complex life forms had developed from earlier, simpler ones in a process extendind over time.” (p. 131). “The teacher need only stress consistently, and keep inviting the student to consider, that an evolutionary paradigm is being used because it offers the most reasonable explanation for the accumulation of observations biologists have been making.” (p. 132). Ce sont là des affirmations, sans plus. Pourquoi l'évolution serait-elle l'explication la plus raisonnable? Le lecteur est laissé à lui-même pour le deviner. Ou bien cela serait-il tellement évident pour toute personne raisonnable que j'ai manqué quelque chose? Je donnerai trois exemples qui tendent à montrer qu'au contraire l'évolution n'est pas très raisonnable.

(1) Il y a tout d'abord ce qu'on appelle “la complexité irréductible”. Michael Behe (un non-chrétien) et d'autres après lui ont fait valoir ce phénomène. [6] Tel organe, par exemple, pour pouvoir fonctionner, a besoin de 20 protéines chimiquement complexes, de 40 sortes de réactions chimiques complexes et de 10 autres structures tout aussi complexes autour de lui. S'il manque une seule protéine, ou si une seule réaction chimique ne se produit pas, ou si une seule autre structure est absente, rien ne fonctionne. L'organe en question ne peut pas passer (par mutations successives) d'un stade “moins perfectionné” à “plus perfectionné”. Il est simplement une totale nuisance ou bien un organe parfaitement fonctionnel. Comment un processus évolutif lent et progressif peut-il alors servir d'explication raisonnable à l'origine de cet organe?

(2) Il y a ensuite ce qu'on appelle “les lois de la génétique”. On avait posé la question suivante au fameux biologiste évolutionniste Richard Dawkins (qui est très agressivement contre les “créationnistes” et le christianisme): “Pouvez-vous donner un exemple de mutation génétique ou de processus évolutif qui a produit une augmentation d'information génétique dans le génome?” Dawkins est resté silencieux devant la caméra pendant onze secondes, avant de finalement demander au caméraman d'arrêter le tournage. On a par la suite continué l'entrevue, mais Dawkins n'a jamais répondu au moyen d'un exemple. [7] Le fait est que nous n'avons aucun exemple connu d'un tel genre de mutation. Les seules mutations que nous ayons observées à date causent toutes des pertes ou des “mutilations” d'information (des pages du livre sont arrachés ou des phrases sont déformées et des lettres inversées, mais aucun nouveau paragraphe ou nouvelle phrase ne sont jamais ajoutés). Comment alors les êtres vivants peuvent-ils se développer en dehors des limites du code génétique qu'ils ont hérité de leurs parents afin de produire des descendants plus complexes avec un code génétique contenant plus d'informations? Nous n'avons en ce moment aucune observation scientifique permettant de répondre à cette question, pourtant fondamentale pour soutenir la théorie de l'évolution.

(3) Je mentionnerai enfin la science de la “taxinomie” ou règles de classification des êtres vivants. Je viens de lire un article intéressant de la botaniste Margaret Helder [8] qui montre que, de plus en plus, les évolutionnistes cherchent à modifier en profondeur le système de classification établi par Carl Linné, le fameux naturaliste suédois chrétien “créationniste” (1707-1778). Son système très pratique adopté universellement était basé sur le présupposé selon lequel Dieu a créé tous les organismes vivants selon un plan logique que l'homme pouvait discerner. Mais avec la théorie de l'évolution, ce présupposé est évacué au profit d'une autre “logique” qu'on cherche à imposer au système de classification, celle de la “phylogenèse” (théorie des relations ancestrales selon l'arbre évolutif). Avec nos nouvelles connaissances de la séquence de l'ADN, on essaie de reconstituer l'arbre évolutif à partir des similarités génétiques entre les êtres vivants. Cela produit des aberrations au niveau de la classification. M. Helder mentionne par exemple les nématodes (de minuscules vers parasites) que certains classent maintenant avec les arthropodes (araignées, crabes, etc.) dans l'étrange catégorie des “ecdysozoaires”. On assiste en ce moment à une révolution en taxinomie du fait que l'on s'efforce de transformer le système simple et pratique de Linné en un système instable, constamment en changement, illogique et impossible à utiliser dans la pratique, tout cela grâce aux présupposés évolutionnistes que l'on veut appliquer jusqu'au bout. Avec les connaissances génétiques qui s'accumulent à grande vitesse, les biologistes sont en mesure de constater de plus en plus que la phylogenèse imaginée ne tient pas la route. Il faudra cependant du courage pour l'avouer. Voilà simplement trois exemples parmi bien d'autres d'observations scientifiques. Je ne comprends donc pas en quoi la théorie de l'évolution serait l'explication la plus raisonnable des observations faites par les biologistes... J'aurais besoin qu'on m'éclaire.


13. Smith confond les actes créateurs et la providence de Dieu
À la page 139, Smith cite trois textes: Job 5:10 (à propos de la pluie envoyée par Dieu dans sa providence), Ac. 14:15 (à propos de la création du monde) et 2 Tim. 3:16 (à propos de l'inspiration des Écritures) et il ajoute ceci: “They all attribute to a supernatural cause (the action of God) results which, the more closely one studies them, appear more and more to have come about through a natural process. That is, these results look just like other results of their respective processes which are not said to have come about throught the action of God. This does not mean that God is not the actor; it simply means that God has not chosen to use a radically different process to bring about what is nevertheless a divine product.” (p. 139). Ce point est capital pour Smith et pour ceux, comme lui, qui croient que Dieu aurait créé au moyen d'un processus évolutif. Dieu aurait créé au moyen de processus naturels, tout comme il soutient et gouverne le monde par des processus naturels. Pourtant, de tout temps, l'Église chrétienne a reconnu qu'il existe une différence fondamentale entre les actes créateurs de Dieu et ses actes de providence par lesquels il conserve et gouverne sa création. Smith est en profonde rupture avec nos pères dans la foi sur ce point. Pour que la théorie de l'évolution biologique puisse être acceptée par les chrétiens, il faut forcément abandonner cette distinction fondamentale entre “acte créateur” et “providence”. Les deux seraient au fond à peu près la même chose ou opéreraient de la même manière, au moyen de processus naturels. Le processus évolutif serait conduit par la providence de Dieu tout au long de l'histoire jusqu'à aujourd'hui, et cela permettrait la “création” ou plutôt l'apparition de nouvelles espèces sur une longue période de temps. Il n'aurait forcément pas pu y avoir, pour Smith, une période d'activité créatrice qui aurait pris fin dans le temps et qui aurait été suivie par une période d'activité providentielle. Cette position affiche toutefois de graves problèmes. Tout d'abord, elle redéfinit le sens du mot “créer”. Ensuite, elle ne tient pas compte du fait que la Bible parle des actes créateurs de Dieu au passé. Par exemple, le texte cité d'Ac. 14:15 dit: “le Dieu vivant qui a fait (aoriste) le ciel, la terre, la mer, et tout ce qui s'y trouve”. Ex. 20:11 dit: “Car en six jours l'Éternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s'y trouve, et il s'est reposé le septième jour.” (voir aussi le beau texte de Néh. 9:6). Ces textes résument très bien Gen. 1 et donnent un sens d'accomplissement de l'oeuvre de création achevée. Le texte même de Gen. 1-2 communique très fortement ce sens d'achèvement: “Dieu vit alors tout ce qu'il avait fait, et voici: c'était très bon... Ainsi furent achevées le ciel, la terre et toute leur armée. Le septième jour toute l'oeuvre que Dieu avait faite était achevée et il se reposa au septième jour de toute l'oeuvre qu'il avait faite.” Mais pour Smith, cette oeuvre n'est jamais achevée, elle est forcément en cours de réalisation sur une longue période de l'histoire et encore aujourd'hui. Sinon, à quel moment se serait-elle arrêtée et qu'est-ce qui distinguerait la nature des actes de Dieu avant et après cette fin de ses oeuvres créatrices? Enfin, cette position ne prend pas au sérieux ce que la Bible dit au sujet du moyen pris par Dieu pour créer. Ps. 33:6 dit: “Les cieux ont été faits par la parole de l'Éternel, et toute leur armée par le souffle de sa bouche.” Héb. 11:3 est encore plus affirmatif: “C'est par la foi que nous comprenons que le monde a été formé par la parole de Dieu, de sorte que ce qu'on voit ne provient pas de ce qui est visible.” Je trouve très malheureux et très mal avisé que Smith insiste pour dire (dans d'autres mots) que ce qu'on voit provient finalement de ce qui est visible... Tout cela pour dire que la confusion entre création et providence m'apparaît une erreur doctrinale fondamentale qui embrouille la révélation biblique et ternit la gloire de Dieu.


14. Smith remet en cause la doctrine de la création ex nihilo
Dans le même ordre d'idée que le paragraphe précédent, Smith laisse entendre qu'il ne croit pas à la création dite “ex nihilo”, c'est-à-dire une création qui n'utilise pas de matériaux préexistants. Il dit par exemple: “The Genesis creation account itself is one of God shaping and ordering an already-existing chaotic mass, rather than one of strictly ex nihilo creation (creation out of nothing). So it is not inconsistent with the biblical understanding of God to believe that He created a diversity of life through a process of modification and adaptation.” (p. 159). Pour pouvoir dire cela, Smith se fonde évidemment sur sa propre exégèse de Gen. 1:1-2. Mais ce n'est pas parce que le verset 1 servirait de “résumé” de tout le chapitre (comme le dit Smith) qu'il faudrait voir le verset 2 comme le début de l'action créatrice à partir d'une masse chaotique préexistante (la grosse masse d'eau). Le verset 1 souligne de façon très forte un commencement absolu: “Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre”. La masse d'eau du verset 2 a été créée par Dieu comme le reste. Smith, comme plusieurs autres “modernes”, prétend que le récit biblique de la création présente une oeuvre créatrice à partir de matériaux préexistants. Plusieurs l'ont prétendu, non pas sur des bases grammaticales, mais parce qu'ils pensaient que la Genèse s'inspirait de récits de “création” babyloniens qui ne postulent aucun commencement absolu (les dieux façonnent toujours leurs oeuvres à partir de matériaux préexistants). Smith ne dit pas directement que la Genèse s'inspire de mythes babyloniens, mais il est significatif qu'il voit dans Gen. 1 une création à partir de matériaux préexistants. Évidemment, pour Smith, Gen. 1 n'est pas à prendre à la lettre, mais “poétiquement”. Sauf que, dans ce cas-ci, il semble prendre au sérieux ce qu'il estime être la signification de Gen. 1:2 et l'applique à ce qu'il croit être arrivé, c'est-à-dire que Dieu aurait créé une diversité de vies par un processus de modification et d'adaptation... Et cela, dit-il, touche directement à la compréhension biblique de Dieu! Il a bien raison! Smith croit-il alors à l'éternité de la matière? Les chrétiens qui croient en l'évolution ont essentiellement le choix entre deux options: (a) ou bien Dieu, d'une manière générale, dirige le processus évolutif au moyen de forces naturelles et, de temps à autres, il fait des entorses à la règle et opère des interventions miraculeuses directes (exemple: pour le commencement absolu, pour le commencement de la vie et pour le commencement de l'existence de l'homme); (b) ou alors Dieu dirige le processus évolutif uniquement par des moyens naturels, sans jamais faire d'intervention directe. Dans le premier cas, il est encore possible de croire en une création “ex nihilo”, qui cause toutefois des “entorses” majeures à la théorie de l'évolution. Dans le deuxième cas, on doit nécessairement en venir à croire à l'éternité de la matière. Smith ne tranche pas directement la question, mais à ma connaissance il ne parle jamais d'une intervention directe pour le commencement absolu, le commencement de la vie ou le commencement de l'existence de l'homme. Il ne mentionne rien d'autre que des changements graduels progressifs produits par un processus naturel, derrière lequel Dieu serait en action.

Il est alors significatif qu'à plusieurs reprises il affirme que la Genèse ne nous dit rien au sujet du “comment” de la création, car elle nous parle seulement du “pourquoi”. Aux pages 130-133, il reprend la distinction de Alters entre “naturalisme méthodologique”, qu'il approuve joyeusement, et “naturalisme métaphysique”, qu'il réprouve. Il est clair que, pour lui, la seule façon de connaître quelque chose sur le “quand” et le “comment” des oeuvres créatrices nous est fournie par les observations scientifiques des phénomènes naturels... Par définition (“naturalisme méthodologique”), ces observations ne peuvent pas inclure d'intervention divine directe (ce que Smith désigne parfois par le terme méprisant de “magie”), car “science, as a discipline, makes observations and seeks to offer the most reasonable naturalistic explatation for those observations” (p. 132). En d'autres mots, aucun scientifique ne pourra jamais observer ni décrire une quelconque création “ex nihilo”, qui ne pourrait se situer que sur le plan “surnaturel”. C'est pourtant seulement la science, dit-il, qui pourrait nous fournir des réponses au “quand” et au “comment”. L'éternité de la matière est donc nécessairement postulée par cette approche... En ce sens, Smith va encore plus loin que bien des “évolutionnistes théistes” qui croient quand même en des “entorses” permettant une “création ex nihilo”... Si la doctrine de la création absolue sans aucune matière préexistante est mise à la poubelle, alors je suis obligé de dire que nous ne parlons plus de la foi chrétienne, mais d'une notion païenne de la matière, mise au même rang que le Dieu éternel lui-même. Nous sommes donc en présence d'une notion païenne de Dieu lui-même!

Il est vrai que Dieu, à partir du moment où il a créé la matière, s'est plusieurs fois servi de cette matière pour créer autre chose (ex.: “l'Éternel Dieu forma l'homme de la poussière du sol...”), mais la Bible enseigne tout de même clairement une création absolue, sans aucune matière préexistante, qui dépend entièrement de Dieu et de son acte de création. Par exemple, le Ps. 33:6 dit: “Les cieux ont été faits par la parole de l'Éternel, et toute leur armée par le souffle de sa bouche.” Jean 1:3: “Tout a été fait par elle (la parole), et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle.” Col. 1:16: En lui tout a été créé dans les cieux et sur la terre, ce qui est visible et ce qui est invisible.” 1 Cor. 8:6: “Il n'y a qu'un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses.” Je rappelle encore Ps. 33:6,9 et Héb. 11:3 déjà cités.

15. La doctrine de l'inspiration de Smith a besoin d'être scrutée de plus près
Je dois avouer que le chapitre 9, que je n'ai pas encore critiqué (sauf le début), a été plutôt pénible à lire et à suivre. Les arguments allaient dans toutes les directions et se succédaient à grande cadence. Je n'avais pas le temps d'absorber un élément qu'un nouveau surgissait sans vraiment saisir la cohérence. Il y a définitivement trop de matière tout azimut dans ce chapitre pour pouvoir le traiter convenablement ici. Je ferai simplement les observations suivantes: J'avais l'impression que l'auteur cherchait davantage à déstabiliser le lecteur ou à être “provoquant”, plus qu'à être véritablement sobre, clair et cohérent dans son approche. Ce chapitre touche en particulier à la doctrine de l'inspiration, qui doit être maniée avec prudence, surtout lorsqu'on semble avancer des “nouveautés” dans ce domaine (ex.: le “triangle d'autorité”, p.149). Je n'ai pas la possibilité de traiter ici cette question de l'inspiration des Écritures, qui dépasse le cadre de mes propos sur la création, mais je dirais simplement que les idées de Smith à ce sujet auraient besoin d'être scrutées de plus près. Je citerai simplement sa conclusion: “We do not, therefore, need to believe that the biblical authors were given natural-scientific insights far beyond the capabities of their cultures in order to maintain our faith in the Bible as the inspired word of God and our supreme authority in matters of doctrine and morals.” (p. 151). Une telle conclusion me laisse songeur... Comment déterminer les capacités de connaissance scientifique d'une culture? Pourquoi les auteurs bibliques n'auraient-ils pas pu, par révélation, aller “au-delà” de ces capacités culturelles? Pourquoi vouloir à tout prix compartimenter la perception “scientifique naturelle” d'un côté, séparée de la “doctrine” et de la “morale” de l'autre côté? Est-ce que vraiment l'autorité de la Parole de Dieu ne serait pas ébranlée si la Bible affirmait des choses en contradiction avec des “vérités historiques” ou “scientifiques”? La Bible dit vrai dans tout ce qu'elle affirme, c'est la position classique. “Le témoignage de l'Éternel est véridique, il rend sage le simple.” (Ps. 19:8). Pourquoi pas aussi rendre sage le simple dans ses investigations scientifiques? “La crainte de l'Éternel est le commencement de la connaissance.” (Prov. 1:7). Pourquoi pas aussi produire la crainte afin d'être le commencement de la connaissance scientifique? Autrefois, on disait que la théologie était la reine des sciences. On est rendu loin de cela avec les affirmations de Smith... Il faudrait certainement creuser davantage cette piste, car la doctrine de l'inspiration est capitale. Je dirai toutefois que l'infaillibilité de la Bible dans tout ce qu'elle affirme est durement malmenée par ses autres propos dans d'autres chapitres de son livre.


16. Smith confond connaissance véritable et omniscience
Dans sa conclusion, Smith essaie de rassurer le lecteur qui prend au sérieux l'inspiration des Écritures, mais qui serait troublé par le “fait” que la Bible n'est pas exacte scientifiquement dans des domaines comme la cosmologie et la cosmogonie. Il nous répond que nous ne devrions pas nous attendre à ce que la “parole de Dieu” (c'est lui qui met entre guillemets, p. 194) reflète l'omniscience divine de son Auteur ultime. Il souligne que les auteurs bibliques n'étaient pas omniscients et qu'au moins certains d'entre eux étaient conscients des limites de leurs connaissances (ex.: Paul en 1 Cor. 13:9-12). Il ajoute: “We should therefore not conclude that if the Bible is the word of God, it will demonstrate omniscience — among other ways, by transcending phenomenological description of the natural world — and that if it does not, it cannot be the word of God.” (p. 195). Un peu plus loin, il ajoute: “To expect the biblical authors to have had this perspective of later generations is once again expecting them to have been uncannily prescient. If you know everything, you're omniscient; and if you know exactly what you do know and exactly what you don't know, that's also being omniscient, in another sense. But as we have already noted, the Bible itself does not ascribe omniscience to its authors, and this would be true in either sense. They were rather people who were ‘moved by the Spirit,' who received wisdom and insight from God. So not only didn't they know everything, they didn't know what they didn't know. There were some things they thought to be correct that weren't. This conclusion is consistent with the Bible's own description of its composition process.” (p. 197). Avec un tel raisonnement, Smith nous place devant l'option suivante: Ou bien la description que la Bible nous donne du monde naturel est phénoménologique (et donc limitée aux connaissances inexactes de l'époque dans laquelle elle a été écrite), ou bien les auteurs humains de la Bible étaient omniscients (et nous savons que ce n'est pas le cas). En d'autres mots, ou bien nous sommes omniscients, ou bien nous sommes forcément sujets aux erreurs de notre temps et de notre culture (du moins en ce qui a trait à notre connaissance du monde naturel). Mais pourquoi faudrait-il limiter notre choix entre ces deux options seulement? Ne serait-il pas possible de connaître de manière véritable sans tout savoir? Ne serait-il pas possible que Dieu nous ait révélé en vérité tout ce dont nous avons besoin pour notre salut et notre vie sans devoir tout nous révéler? “Les choses cachées sont à l'Éternel, notre Dieu; les choses révélées sont à nous et à nos fils, à perpétuité, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de cette loi.” (Deut. 29:28). Cette distinction entre connaissance véritable et connaissance totale est fondamentale en théologie, mais Smith semble totalement l'ignorer!

Cela est vrai pour la connaissance que nous pouvons avoir de Dieu lui-même. Nous pouvons le connaître en vérité sans jamais le connaître de manière exhaustive. Il en est de même pour la connaissance de nous-mêmes et du monde dans lequel nous vivons. En 1 Cor. 13:12, Paul dit: “Je connais partiellement” et plus tôt dans la même épître, il dit: “Personne ne connaît ce qui concerne Dieu, si ce n'est l'Esprit de Dieu. Or nous, nous n'avons pas reçu l'esprit du monde, mais l'Esprit qui vient de Dieu, afin de savoir ce que Dieu nous a donné par grâce.” (1 Cor. 2:11-12). Oui, “nous avons la pensée du Christ” (1 Cor. 2:16) sans nécessairement avoir toutes les pensées du Christ. En Jésus-Christ, “les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité” (Jean 4:23), ce qui n'enlève rien au fait que Dieu demeure un mystère pour nous et que l'amour du Christ est large, long, profond et haut et “surpasse toute connaissance” (Éph. 3:19). Smith pourra citer autant d'exemples qu'il voudra de la Bible pour prouver que ses auteurs humains n'étaient pas omniscients, cela n'implique nullement qu'ils étaient limités par leur culture et leur époque dans leur conception du monde et leurs affirmations sur les origines de l'univers. Moïse ne nous a pas tout dit sur les oeuvres créatrices de Dieu, mais cela n'implique nullement que ce qu'il a écrit soit faux ou douteux sur le plan scientifique. Seul Dieu est omniscient, mais il est également omnipotent. Par conséquent, il est parfaitement capable de nous révéler infailliblement un certain nombre de vérités au sujet de l'origine de l'univers à travers les écrits des hommes qu'il a inspirés par son Esprit. “Sanctifie-les par la vérité: ta parole est la vérité.” (Jean 17:17).


17. Smith affirme que la raison humaine est au-dessus de l'autorité de la Parole de Dieu
Dans sa conclusion, Smith pose la question suivante: “Even if we can believe in a Bible that is the word of God even if some of its observations are not accurate by modern standards, how can we tell what parts of the Bible reflect accurate knowledge, and what parts don't?” (p. 197). Pour y répondre, Smith maintient que les écrivains bibliques ont travaillé à l'intérieur des mêmes limitations que nous tous et que, par conséquent, la Bible ne peut pas nous fournir de critères “by which we can determine which things in it reflect accurate knowledge and which things don't” (p. 197). Quel espoir reste-t-il alors à celui qui lit fidèlement sa Bible à chaque matin? La réponse de Smith est la suivante: “While the Bible is the supreme authority for the Christian, all Christians (whether explicitly or only tacitly) rely on other authorities to support the Bible, specifically tradition (church teaching), reason and experience. We can and must use these external authorities to assess biblical statements.” (p. 197). J'ai vérifié dans mon dictionnaire Robert & Collins pour m'assurer de la signification du mot “assess”. Ce mot signifie: “estimer, évaluer, fixer ou déterminer le montant de; calculer la valeur imposable de; fixer; juger (la valeur de)”. Si je comprends bien Smith, il est en train de dire que la raison humaine estime, évalue et juge de façon autonome de la véracité et de l'exactitude de la Bible. La Bible n'est pas capable de faire le tri entre ce qu'elle dit d'exact et d'inexact, mais la raison humaine, elle, en serait capable! Serions-nous devenus omniscients? Tout de suite après, il donne évidemment l'exemple de l'entreprise scientifique. Tout son livre n'est-il pas d'ailleurs une belle démonstration de cette attitude et de cette approche? La raison de l'homme pourrait se poser en juge au-dessus de la Bible pour nous permettre de faire le tri entre ce qui est vrai et ce qui est faux dans la Bible. Il est difficile, me semble-t-il, de l'affirmer avec plus de force que ce qu'il nous dit dans son livre. Quelle désolation! Malgré sa confession de foi maquillée, Smith a définitivement rejeté l'autorité suprême de la Bible en faveur de l'autorité suprême de la raison humaine. J'aimerais pouvoir dire autre chose, mais je suis tristement obligé de le reconnaître. C'est lamentable!


18. La Parole de Dieu pourrait-t-elle nous tromper?
Smith soutient que l'auteur de la Genèse aurait écrit au sujet de la création du monde à partir du “point de vue de l'observateur”. Il dit que la Bible nous présente une “observational cosmology” (p. 141). Cet observateur n'aurait pas reçu une révélation spéciale qui aurait pu lui fournir des informations au-delà des capacités d'observation naturelle-scientifique de leur culture (p. 151). Il présenterait plutôt un récit phénoménologique qui décrit comment les choses apparaissent et comment elles semblent avoir été faites. Je citerai quelques extraits: “Could we not see Genesis 1 as a lyric meditation on the ‘finished product' of creation, a product that looked compellingly like ‘six days' work' to the observer? Three divisions: day and night, sky and sea, then the land. Three populations: of day and night, of sky and sea, then the land. And a seventh day of rest and worship, showing that this observer saw meaning and purpose in this ordered creation. Just like the descriptions throughout the Bible of a moving sun and a flat earth, this could have been intended literally by the original writer, and we could understand it as true from within an observational perspective: yes, this is how it looks as if all of this was put together.” (p. 137). “We do not, therefore, need to believe that the biblical authors were given natural-scientific insights far beyond the capabilities of their cultures in order to maintain our faith in the Bible as the inspired word of God and our supreme authority in matters of doctrine and morals.” (p. 151). “By now we should realize that Genesis, when understood as originally intended, does not present an objective scientific account of the origins of the universe. It rather presents a phenomenological account — that is, it describes how things appear and how they appear to have been made.” (p. 190). Smith donne un certain nombre d'exemples qu'il voit dans Gen. 1: la lumière du premier jour signifierait la lumière du jour qui apparaît avant le levée du soleil et qui se voit encore après le coucher du soleil (p. 182). L'étendue du deuxième jour serait un dôme solide, tel que les Hébreux comprenaient comment Dieu avait fait le ciel (p. 183). L'eau au-dessus de ce dôme serait la pluie tombant du ciel que l'on concevrait comme traversant une ouverture du dôme (p. 185), etc. Je n'ai pas le temps de répondre à tout cela, mais je considérerai l'idée générale ainsi qu'un exemple particulier.

La Bible présente-t-elle vraiment une cosmologie “du point de vue de l'observateur”? Il est bien normal que les actions créatrices originelles aient produit des oeuvres que nous pouvons encore observer aujourd'hui. Nous voyons aujourd'hui des oiseaux voler et des animaux marcher parce que Dieu, aux 5e et 6e jours a créé des oiseaux et des animaux. Nous voyons des arbres et des plantes parce que Dieu les a créés au 3e jour, etc. Mais dire que la description de la Genèse est simplement un reflet de l'observation du monde actuel (avec des connaissances limitées et très peu scientifiques) est une toute autre chose. J'ai de la difficulté à saisir, par exemple, à quoi la masse d'eau et l'Esprit de Dieu qui planait au-dessus des eaux pourraient bien correspondre par rapport à ce que Moïse pouvait observer dans la nature à son époque (à moins de dire que ce sont des emprunts à des conceptions mythologiques babyloniennes...). Je n'arrive pas non plus à voir de correspondance entre la création d'Adam à partir de la poussière du sol et du souffle de Dieu et une quelconque observation faite par l'auteur de la Genèse. Il en est de même de l'état moral et spirituel d'Adam et Ève saints, justes et pleinement harmonieux. Il est intéressant que, lorsque Jésus parle du divorce, il dit que c'est à cause de la dureté du coeur humain que Moïse leur avait permis de répudier leur femme, et il ajoute: “Au commencement, il n'en était pas ainsi.” (Matt. 19:8). Jésus prend la description de la Genèse (aucun péché, aucun coeur dur, aucun divorce en perspective) comme étant simplement la réalité au commencement, qui, de toute évidence, différait beaucoup de l'état de la situation au temps de Moïse. Il a bien fallu que Moïse, pour parler de ce “commencement”, ait reçu une révélation spéciale profondément différente de ses connaissances “naturelles” qu'il pouvait obtenir par simple observation “scientifique” anthropologique.

Lorsque nous lisons le livre de l'Exode et en particulier les événements qui ont eu lieu au Sinaï, nous nous apercevons que Moïse disposait de beaucoup plus que des conceptions cosmologiques de sa culture. Dieu s'est révélé à lui face à face sur la montagne! Dieu a même écrit directement avec son doigt les dix commandements sur la pierre (Ex. 31:18). Et parmi les dix commandements qu'il a lui-même écrits de son doigt, le quatrième nous dit que “en six jours l'Éternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s'y trouve, et il s'est reposé le septième jour...” (Ex. 20:11). On peut certainement dire, dans ce cas-ci, que nous avons là une description cosmogonique “du point de vue de l'observateur”, qui se trouve à être le Créateur en personne! Nous ne pouvons pas douter que les connaissances scientifiques du Créateur soient infinies et objectivement parfaitement exactes! Il faut comprendre que Dieu a employé différents moyens de révélation pour s'assurer que nous ayons un texte inspiré infaillible. Nous ne pouvons pas exclure d'emblée qu'il ait pu révéler à Moïse, sur la montagne, tout ce qui nous était nécessaire de savoir quand à la véritable manière dont Dieu s'y est pris pour créer le monde. Il ne nous a certainement pas tout dit et nous n'avons pas encore tout compris de ce qu'il nous a révélé, mais nous ne devrions jamais penser ou suggérer que les affirmations même de la Bible puissent nous tromper ou nous induire en erreur. C'est malheureusement sur ce terrain que Smith voudrait nous amener.

Il est vrai que la Bible ne parle pas toujours de manière strictement “scientifique”, et heureusement! Ce serait desséchant! Par exemple, elle ne dit pas que la terre tourne sur elle-même à une certaine distance du soleil, mais plutôt que le soleil se lève et se couche (Eccl. 1:5). Smith a bien raison sur ce point! Sauf que lorsque la Bible parle ainsi, elle ne trompe personne. Quand nous parlons encore ainsi au 21e siècle, nous ne trompons personne non plus. Même les grands scientifiques modernes diront à leurs épouses, à leurs enfants et à d'autres collègues scientifiques que le soleil se lève et se couche, et ils seront parfaitement compris, et cela n'enlèvera rien à leurs compétences scientifiques. Les météorologistes nous annoncent à quelle heure le soleil se lève et se couche, et leurs informations sont exactes et précises (en fait, elles sont bien plus exactes que les cosmologies hypothétiques modernes parfois farfelues ou incompréhensibles qui ont toujours besoin d'être “revues et corrigées”). Lorsque je dis à mon épouse que j'irai prendre une marche dehors “après le coucher du soleil”, je ne l'induis pas en erreur en disant cela. Je n'ai pas besoin de sortir la cosmologie de Copernic ou les formules mathématiques des mouvements planétaires de Kepler pour lui dire la vérité. La vérité n'est pas simplement “objective scientifique”, elle est avant tout personnelle et relationnelle. Le neuvième commandement ne nous demande pas d'éviter de prononcer toute parole qui ne serait pas “objectivement scientifique” (nous ne serions pas au bout de nos peines!), il nous demande de ne pas porter de faux témoignage contre notre prochain (Ex. 20:16). Or, lorsque la Bible nous présente le récit de la création, c'est le récit des oeuvres créatrices originelles de Dieu qu'elle prétend nous présenter. L'auteur humain de Genèse 1 et 2 ne nous dit pas: “Voici ma description de la manière dont les choses m'apparaissent de mon point de vue limité et de la manière dont elles apparaissent avoir été faites”. Il nous dit: “Au commencement Dieu créa le ciel et la terre... L'Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux... Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut...” Tout le premier chapitre de la Genèse ne fait que nous dire ce que Dieu dit, ce qu'il sépara, ce qu'il fit, ce qu'il appela et ce qu'il considéra bon. L'auteur humain guidé par l'Esprit est parfaitement conscient qu'il nous présente le récit des actes créateurs de Dieu et il est parfaitement conscient de communiquer au lecteur l'idée qu'il n'était pas là lorsque l'Esprit planait au-dessus des eaux ou lorsque Dieu créa la lumière, etc. Smith le reconnaît d'ailleurs tout à fait. Il nous dit sans honte dans sa conclusion: “Unlike Paul, the Genesis author does not seem to be aware of the limitations on his own knowledge. In other words, not only does he not know; he does not know that he does not know. While his description of creation and cosmology is phenomenological, he believes it to be objectively accurate. Moreover, his readers would have understood it as such, and his fellow biblical authors certainly did: as we have seen, the rest of the Bible follows this same observational cosmology. Nowhere in the Bible is it ‘corrected.'” (p. 196).

Il apparaît donc clairement pour Smith que le texte biblique pris en lui-même nous induit en erreur. Au fond, la Bible n'est pas vraie dans tout ce qu'elle affirme. Moïse, guidé par le Saint-Esprit, nous tromperait (non intentionnellement) lorsqu'il nous rapporte que Dieu a créé une étendue entre les eaux pour séparer les eaux qui sont au-dessous de l'étendue d'avec les eaux qui sont au-dessus, par exemple. “Which cosmology would you prefer to use as a springboard for your quest to understand the origin and nature of the universe and the origin and diversity of life on this planet? The naïve observational cosmology of Genesis, with its solid sky, ‘waters above,' pushed-back seas and light without the sun? The geocentric Aristotelian cosmology? That of Copernicus... Some other cosmology? Or our present understanding of the nature and structure of the universe, which, while admittedly still subject to refinement, nevertheless incorporates all of the objective observations and measurements made over the centuries into a reasonable working model?” Devant la question ainsi posée, le lecteur, intimidé par une sorte de chantage intellectuel, n'a pas beaucoup de choix de réponse. Sauf que c'est le témoignage de Moïse au sujet de Dieu qui est en cause! Moïse a-t-il porté un vrai témoignage ou un faux témoignage contre Dieu? Dieu a-t-il réellement dit? Dieu a-t-il réellement fait? Dieu a-t-il réellement séparé? Dieu a-t-il réellement vu tel que Moïse nous le dit? Non! Bien sûr que non! La science-idole nous le dit! Sans en avoir l'intention, Moïse nous trompe. Dieu lui-même en personne — qui a écrit les dix commandements sur la pierre avec son doigt — nous tromperait en disant à son peuple qu'il a créé le monde en six jours et qu'il s'est reposé le septième jour! La Parole inspirée de Dieu a trompé tous les lecteurs de la Bible jusqu'aux observations scientifiques récentes, qui, celles-là, sont non “naïves”, plus “objectives”. Et comme le faux témoignage de Moïse a été repris par David, par Jésus et par les apôtres, Jésus lui-même aurait rendu un faux témoignage contre son Père. Jésus a dit: “Au commencement de la création, Dieu fit l'homme et la femme.” (Marc 10:6). Mais nous savons aujourd'hui que Jésus s'est trompé et qu'il a trompé (sans le savoir?) ses auditeurs et toute son Église pendant 20 siècles. Était-il limité, lui aussi, par la culture et les conceptions pré-scientifiques de son temps? Ce faux témoignage, rappelons-nous, n'est pas seulement porté contre “notre prochain”, ce qui est déjà hautement condamnable. Il est porté contre Dieu lui-même et contre ses oeuvres! Le troisième commandement est donc transgressé lui aussi: “Tu ne prendras pas le nom de l'Éternel, ton Dieu, en vain; car l'Éternel ne tiendra pas pour innocent celui qui prendra son nom en vain.” (Ex. 20:7). Imaginez! Moïse, Jésus et les apôtres auraient porté un faux témoignage contre Dieu et ils auraient ainsi pris le nom de l'Éternel leur Dieu en vain, intentionnellement ou non. Et le Saint-Esprit, qui a guidé les écrivains bibliques à mettre par écrit la Parole inspirée de Dieu, n'aurait pas été attristé? Dieu lui-même en personne au Sinaï aurait porté un faux témoignage contre lui-même, taillé dans la pierre dure, témoignage qui, au moins dans ce cas, était forcément conscient! C'est inconcevable! “Dieu ne ment pas” (Tite 1:2). “Dieu n'est pas un homme pour mentir.” (Nomb. 23:19). “Il est impossible que Dieu mente.” (Héb. 6:18). “Le témoignage de l'Éternel est véridique, il rend sage le simple.” (Ps. 19:8). Smith porte atteinte à l'infaillibilité de la Parole de Dieu et ternit grossièrement la gloire de Dieu et de son Fils Jésus-Christ. De plus, si Jésus n'avait commis qu'un seul péché contre un seul des commandements de Dieu, il serait alors tout à fait impossible qu'il soit notre Sauveur parfait. Notre salut est également en jeu!


19. La Bible nous parle-t-elle vraiment d'un dôme céleste rigide?
En guise d'illustration du problème que je viens de présenter, je retiendrai un exemple particulier parmi ceux que Smith mentionne: celui du supposé “dôme” céleste. Écoutons encore ce qu'il nous dit: “For all of the biblical writers, the ‘earth' is a flat circle of dry land surrounded by water that has been pushed back to clear this space: Gen. 1:10; Prov. 8:27,29. The ‘heavens' or ‘sky' is a dome stretched out like a canopy to keep out the “waters above' and create a habitable space beneath: Gen. 1:7-8; Isa. 40:22; Job 37:18; Eccl. 1:5.” (p. 135). “When we take these statements literally — as it has often proven difficult for literally-minded interpreters to do — they have profound cosmological implications. According to the Genesis account, God's creative activity on the second day consisted of inserting a hollow but solid dome-shaped object in the midst of the waters, with the result that some of the waters were then ‘below' this dome while the rest were ‘above' it. The Hebrew word for this object is raqiya, derived from a verb meaning ‘to spread out' or ‘to beat metal thin'. The King James Version renders this word as ‘firmament,' and the NIV as ‘expanse,' but a solid object is definitely in view. The picture is of a tent being stretched out on poles, or of metal being poured or pounded into the shape of a dome. This was the Hebrew understanding of how God had made the sky.” (p. 182-183). Nous serions donc de toute évidence induits en erreur si nous acceptions littéralement cette vieille compréhension hébraïque de la manière dont Dieu a fait le ciel.

En guise de réponse, je laisserai s'exprimer un “literally-minded interpreter”, le Dr Danny Faulkner, qui a écrit un livre très solide sur la cosmologie et la création. Son analyse me semble beaucoup plus prudente que celle de Smith et beaucoup plus respectueuse de la Parole de Dieu. Il vaut la peine de citer de larges extraits de son livre au sujet de ce fameux “raqia” céleste.

Smith donne d'autres exemples de supposées “inexactitudes scientifiques” dans ce qu'il appelle “la cosmologie de la Genèse”, par exemple la terre plate ou l'impossibilité d'avoir de la lumière sans soleil, etc. Il dit par exemple: “If you feel that you must believe in a young earth on the basis of a commitment to a literal reading of Genesis, you must also believe in a flat earth on that same basis.” (p. 192-193). C'est mal parti pour ceux qui croient en une “terre jeune”. Honnêtement, je n'ai jamais vu l'idée d'une terre plate dans Gen. 1 et 2. J'ai beau relire et relire, je ne comprends pas comment on peut en arriver à voir cela dans la Genèse. Nous pourrions donc faire le même exercice pour ces autres exemples que pour le “raqia” et arriver à des conclusions semblables. La conception que Smith se fait de la “cosmologie de la Genèse” est une fiction de son imagination.


20. L'homme et les animaux tirent-ils leur origine d'une même source?
Smith cherche à rassurer ceux qui ont des objections théologiques à l'évolution du fait que l'homme occupe une position unique dans la création. Il montre que, dans la Bible, le processus de création de l'homme et des animaux est le même: ils ont tous été formés de la terre (Gen. 2:7,19), ce qui n'a pas empêché Dieu de choisir les humains pour jouer un rôle tout à fait spécial (p. 160). Puis il ajoute: “We see in these chapters that what is unique about humans is not the process by which they come about, but rather the purpose for which God makes them. It is certainly not our place to insist that if God is going to use something for a distinct purpose, He needs to bring it into being through a distinct process... It was apparently not necessary for humans to have been created by a distinct process in order for them to function as God's vice-regents on earth. Genesis 1 and 2 describe them as having been made by the same process as other creatures.” (p. 161). Je dois avouer que j'ai trouvé les arguments de Smith très déroutants et très incohérents. Tout d'abord “who cares” comment Genèse 1 et 2 décrivent le processus par lequel Dieu aurait créé l'homme et les animaux? Smith a fait des pieds et des mains pour nous dire dans les chapitres précédents que le message de ces deux chapitres ne porte pas sur le “comment”, mais sur le “pourquoi”. Alors, pourquoi revenir maintenant sur le “comment”? Smith admettrait-il, tout à coup, qu'au fond Gen. 1 et 2 nous parle bel et bien du processus par lequel Dieu a créé l'homme et les animaux? Oui, il nous en parle, mais il ne faut pas le prendre au pied de la lettre, car au fond les grands exégètes, eux, savent que c'est seulement de la poésie. Pourquoi alors s'attarder à faire l'exégèse du texte pour discerner comment Dieu a bien pu s'y prendre pour créer l'homme et les animaux et comparer ensuite ce processus avec la théorie de l'évolution? C'est une pure perte de temps qui ne fait que causer encore plus de confusion dans l'esprit du lecteur. Oublions simplement le processus par lequel Dieu aurait créé l'homme d'après la Genèse (Comme Smith le fait pour le ciel et la terre) et mettons-nous simplement à l'écoute de ce que nous révèle la science!

Quand à moi, je continue à croire qu'effectivement Gen. 1 et 2 nous dit des choses sur le processus par lequel Dieu a réellement créé l'homme et les animaux. Cela nous permet donc de comparer véritablement ce que la Bible dit sur le “comment” avec ce que les évolutionnistes disent sur le “comment”. Smith essaie de nous dire qu'au fond les deux ne sont pas incompatibles, parce que, selon la Bible, l'homme et les animaux ont été créés par un même processus. La théorie de l'évolution n'enlève donc rien à la dignité humaine. Tout cet échafaudage m'apparaît tout à fait incohérent. Smith opère d'ailleurs un glissement sémantique subtil entre “same” et “similar” (ou bien il ne comprend pas la théorie de l'évolution?). Si l'on prend vraiment au sérieux ce que la Bible dit, Dieu a créé les animaux à partir de la terre et Dieu a aussi créé l'homme à partir de la terre. Dieu a effectivement employé un processus semblable pour les deux (du moins partiellement). Cela ne signifie pas que la formation des animaux et de l'homme font partie du seul et même processus, comme la théorie de l'évolution nous le dit. Ce sont deux choses différentes. Si je dis que j'ai formé un premier pot à partir de la glaise et que j'ai ensuite formé un deuxième pot également à partir de la glaise, il est évident que je n'ai pas formé le deuxième pot à partir du premier pot. J'ai accompli deux actes de création distincts, et non pas un seul et même acte progressif. Dieu forma les animaux du sol et Dieu forma également l'homme à partir du sol, deux actes distincts qui constituent deux processus semblables mais qui ne constituent pas un unique processus progressif. De plus, après nous avoir dit que Dieu forma l'homme de la poussière du sol (Gen. 2:7), la Bible nous dit qu'à cause du péché l'homme qui est poussière retournera à la poussière (Gen. 3:19). Il est évident que l'homme ne se met pas à “rétrograder” en animal et à “dévoluer” en amibe avant de mourir pour de bon! Il passe directement de l'état d'homme vivant à l'état de poussière (admettons qu'il y a un certain processus dans le temps que les vers de terre se font un plaisir d'accomplir...). De la même manière, si l'on s'en tient à la Genèse, la création de l'homme est simplement un passage de la poussière de la terre à l'état d'homme fait. Faudrait-il qualifier un tel acte de “magie”?

À cela, j'ajouterai toutefois que les deux processus décrits pour les animaux et pour l'homme ne sont pas parfaitement identiques. Smith fait valoir les ressemblances, mais il ne parle pas des différences. Pour les animaux, leur formation est assez “exécutive”: “L'Éternel Dieu avait formé du sol tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel” (Gen. 2:19). Le chapitre 1 ajoute quelques éléments. Prenons par exemple les animaux terrestres: “Dieu dit: Que la terre produise des êtres vivants selon leur espèce, bétail, reptiles, animaux terrestres, chacun selon son espèce. Il en fut ainsi. Dieu fit les animaux de la terre selon leur espèce, le bétail selon son espèce, et tous les reptiles du sol selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon.” (Gen. 1:25). Le “processus”, s'il faut parler ainsi (je dirais plutôt le “comment”) est décrit de la manière suivante: Dieu a créé les animaux terrestres par la puissance de sa parole, ces animaux ont été créés chacun selon son espèce; ils ont été créés par une parole distincte de celle qui a servi à créer les animaux marins et les oiseaux ailés, et une autre parole distinct a ensuite servi à créer l'homme. Tout cela, Smith se garde bien d'en parler. Lorsqu'on arrive à la création de l'homme et de la femme, on s'aperçoit que Dieu n'est pas aussi “exécutif”. Il commence par prendre la peine de délibérer en lui-même, à l'intérieur de la Trinité. “Dieu dit: Faisons l'homme à notre image et selon notre ressemblance, pour qu'il domine...” Puis il passe à l'acte: “Dieu créa l'homme à son image: il le créa à l'image de Dieu, homme et femme il les créa.” (Gen. 1:26-27). Le chapitre suivant nous apprend également que Dieu était intimement impliqué dans la création de l'homme. Il a fait du “bouche à nez”: “L'Éternel Dieu forma l'homme de la poussière du sol; il insuffla dans ses narines un souffle vital, et l'homme devint un être vivant.” (Gen. 2:7). Il y a donc de toute évidence des éléments semblables, mais aussi des éléments fort différents dans les deux “processus” de création de l'homme et des animaux. Les éléments semblables ne peuvent pas se comparer à la théorie de l'évolution (comme j'ai montré plus haut) et les éléments différents, encore moins!

Je comprends qu'on puisse dire “après coup” (150 ans après Darwin) que la théorie de l'évolution n'implique pas nécessairement (du point de vue évolutionniste théiste) que la dignité de l'homme soit réduite. Mais c'est un argument purement théorique et spéculatif. Dans la pratique et dans “la vraie vie”, il est naïf de penser que la théorie de l'évolution n'ait pas radicalement diminué la dignité humaine au cours des deux derniers siècles. L'homme et les animaux sont perçus et classés comme appartenant à une même catégorie, dans un “continuum” où l'homme n'est considéré distinct que par le fait qu'il soit plus complexe ou plus évolué sous certains aspects. La théorie de l'évolution ne parle aucunement d'une différence ontologique essentielle entre l'homme et les animaux, en tout cas, si c'était le cas, ce serait une nouveauté pour moi... On peut penser aux conséquences qui en ont découlé, par exemple le “nettoyage” ethnique nazi influencé par le darwinisme, la stérilisation de personnes handicapées ou de personnes ayant des caractéristiques génétiques “indésirables”, l'avortement, l'euthanasie, la manipulation et la mise à mort des embryons humains, les droits des animaux qui commencent à émerger, etc. Tout cela est dû en bonne partie à l'influence de l'évolutionnisme sur les esprits et les mentalités. Mais même sans parler des conséquences morales de la théorie de l'évolution, je ne vois pas comment on pourrait réconcilier cette théorie avec ce que la Bible nous dit au sujet du “comment” de la création.


21. La mort est définitivement la conséquence du péché

Comment la mort aurait-elle pu exister au long du processus évolutif sur des millions d'années avant qu'il y ait des hommes sur la terre, si la Bible enseigne que la mort est entrée dans le monde par la désobéissance des humains? Smith reconnaît l'importance de cette question théologique, car il y consacre plusieurs pages (p. 163-168). Il s'occupe à faire beaucoup de gymnastique mentale et exégétique, à mon avis, pour arriver à donner une réponse qui puisse paraître satisfaisante. Je constate que, durant cet exercice, il avance beaucoup d'éléments hypothétiques. Il commence par dire que la Bible n'enseigne pas qu'aucune créature n'aurait pu mourir ou qu'aucune créature n'est effectivement morte avant la chute; en fait, il estime que la Bible nous suggère plutôt l'inverse. Son premier argument est à propos de Gen. 3:22-23: “If God's concern was that the man might eat of the tree of life after the fall and live forever, and took steps to prevent this, the clear implication is that if he did not eat of the tree of life, he would not live forever.” (p. 164). Le problème avec ce raisonnement est qu'il est purement “naturaliste”. Il applique les conditions après la chute à celles qui prévalaient avant la chute et suppose que l'homme aurait très bien pu ne pas manger de l'arbre de la vie avant la chute. Il utilise un raisonnement semblable pour la nourriture ordinaire que l'homme avait reçue en cadeau avant la chute. Puisque l'homme devait se nourrir pour vivre, on doit donc concevoir qu'il n'était pas immortel et que, s'il cessait d'en manger, il allait mourir. Mais le fait est qu'avant la chute l'homme était saint et vivait en parfaite harmonie avec son Créateur. Dieu avait donné à l'homme l'arbre de vie ainsi que de la nourriture en abondance. Dieu lui avait donné une promesse de vie éternelle symbolisée et attestée par l'arbre de vie, ainsi que des moyens providentiels de subsistance abondants. Si l'homme était demeuré obéissant et reconnaissant envers son Créateur, pourquoi aurait-il eu l'idée saugrenue de faire la grève de la faim, de ne pas croire en la promesse de Dieu et de ne pas profiter de l'arbre de vie? Cela aurait été une vilaine ingratitude de sa part ainsi qu'une façon tordue de désobéir à l'ordre reçu de prendre soin du jardin et de dominer sur la création à la gloire de Dieu. Il nous est sans doute difficile d'imaginer ce que pouvait représenter une vie pure, sainte et sans aucun péché avant la chute, mais Adam et Ève jouissaient bel et bien d'une telle condition vécue dans la joie et l'harmonie devant leur Créateur et Seigneur. Toute hypothèse suggérant que l'homme aurait pu prendre des moyens délibérés pour pratiquer l'anorexie et s'enlever la vie par inanition vient entacher de péché une condition de vie devant Dieu qui était entièrement libre de tout péché. Puisqu'il n'y avait pas de péché, il n'y avait pas de mort. Il s'agit donc là d'une hypothèse non admissible.

En passant, j'ai trouvé curieux que, lorsque Smith se demande en quoi consiste l'image de Dieu en nous, il énumère les trois principales positions qui, à son avis, ont été proposées pour nous l'expliquer, mais omet d'en mentionner une quatrième qui est fondamentale (p. 161). Il oublie malheureusement de dire que l'image de Dieu a été comprise par beaucoup dans l'histoire de l'Église comme étant rattachée au caractère moral de l'homme. Ce dernier a été créé pur, saint, juste, à l'image de Dieu (voir Éph. 4:24; Col. 3:10 et Rom. 8:29 pour la restauration de l'image de Dieu qui implique que nous retrouverons à la perfection ces caractéristiques morales au jour du renouvellement de toutes choses). J'ai trouvé étrange que cette notion de l'image de Dieu ne soit pas venue à l'idée de Smith. Serait-ce parce qu'il aurait de la difficulté à imaginer une telle perfection humaine dans un monde en processus évolutif continuel où la mort coexiste avec la vie de l'homme? Je ne pourrais pas répondre à cela, mais il serait utile de lui poser la question...

Smith affirme donc que l'homme pouvait mourir avant la chute. Il pouvait mourir à cause de sa propre négligence (ne pas se nourrir malgré l'abondance du jardin ou négliger de manger de l'arbre de la vie). Il pouvait également mourir à cause de dangers inévitables qui pouvaient lui causer la mort, comme par exemple une chute d'un arbre occasionnant la rupture du cou. Imaginez! Adam et Ève auraient pu avoir besoin d'un chiro!!! Le problème avec ce “si” et ce “peut-être” est qu'une telle spéculation néglige de considérer qu'Adam et Ève vivaient devant Dieu et que Dieu exerçait sur eux sa bonne providence à chaque instant. Il est bien certain que si Dieu avait cessé pendant une seule seconde de soutenir leur vie et de protéger leur vie, ils seraient tombés raides morts à l'instant même. Les molécules de leurs corps auraient éclaté. L'oxygène dans l'air aurait disparu parce que les électrons auraient été catapultés en dehors de l'orbite du noyau des atomes. Les liaisons chimiques de toutes les molécules de leur corps et du sol sous leurs pieds auraient été totalement détruites et l'univers entier se serait effondré. L'existence même de la matière ordonnée est impossible sans la main providentielle de Dieu qui soutient à chaque instant toutes choses dans le monde par la puissance infinie de sa Parole (Héb. 1:3). Lorsqu'on devient imbu de pensée “naturaliste”, on commence à oublier cette vérité fondamentale... Et on se met à poser des “si” et des “peut-être” invérifiables. Quant à moi, je ne doute pas qu'avant la chute, Dieu a protégé toutes ses créatures, homme, animaux, végétaux, minéraux et anges célestes invisibles, de toute blessure, brisure, écorchure, morsure, souffrance ou danger de mort. Encore là, c'est difficile pour nous d'imaginer de telles conditions à partir de l'observation de notre monde corrompu actuel. Mais n'oublions pas que Smith s'acharne à nous dire que l'auteur de la Genèse a écrit du point de vue de l'observateur, du point de vue donc de ce qu'il voyait à son époque... Que pouvait-il voir sinon un monde déchu? Il n'est pas étonnant que Smith voit par la suite dans le monde parfait avant la chute toutes sortes d'imperfections, de souffrances, de dangers et de morts... Il ne semble pas avoir la capacité de sortir du point de vue de l'observateur naturaliste actuel. Je trouve que cela entache malheureusement la perfection des oeuvres originelles de Dieu ainsi que la gloire de Dieu même!

Il lance ensuite une autre hypothèse: Même si les humains n'avaient pas la permission de manger des animaux, cela ne veut pas dire que les animaux n'auraient pas pu mourir ou être tués pour d'autres raisons. Encore une fois, la création de Dieu n'a-t-elle pas été créée “très bonne” au jugement même de Dieu? Pourquoi les animaux auraient-ils dû mourir? À cause d'accidents fâcheux? Non, car la providence de Dieu s'occupait d'eux. Parce que l'homme avait besoin de vêtements chauds ou pour le sport? Nullement dans le paradis originel. Parce que d'autres animaux auraient voulu les tuer? Non, car c'était l'harmonie relationnelle entre toutes les créatures...

Quant à la supposée mort des plantes et des arbres qu'on arrache ou qu'on coupe, comme le dit notre auteur (p. 164), la Bible ne parle pas de cette façon. Pourquoi le système sacrificiel de l'Ancien Testament n'a-t-il pas prévu le sacrifice de plantes ou d'arbres comme victime expiatoire et figure du sacrifice à venir de l'Agneau sans défaut? Parce que la vie est dans le sang, nous dit le Lévitique. La vie est associée au sang, c'est la perspective biblique sur la vie et sur la mort. La Genèse parle également des animaux qui ont “souffle de vie” comme l'homme qui a “souffle de vie” (Gen. 1:30; 2:7). Ce sont précisément ces hommes et ces animaux qui ont été mis à mort au déluge, “tout ce qui était animé d'un souffle de vie dans les narines” (voir Gen. 6:17; 7:15; 7:22). Dieu a donné à l'homme toute herbe porteuse de semence et tout arbre fruitier porteur de semence pour nourriture. Et Dieu a porté le jugement “très bon” sur cet état de choses. Et nous ne devons pas douter de sa parole et de son jugement! Le fait d'employer des plantes et des arbres est considéré par Dieu comme très bon, mais la mort des animaux et des humains n'est plus considéré par Dieu comme très bon! L'homme pouvait manger des poires et des raisins, et son estomac pouvait les digérer et décomposer les longues chaînes de molécules hydrocarbonées, et c'était très bon. De même l'homme pouvait couper des arbres pour se construire une grange, et cela ne cause pas plus de souffrance ni de corruption dans la création très bonne de Dieu que le processus de digestion dans l'estomac. Mais lorsque les animaux ayant souffle de vie perdent ce souffle ou lorsque le sang coule, cela n'est plus très bon, car cela mène à la mort.

Un autre argument de Smith est de dire que l'avertissement de Dieu donné “à la première paire d'humains” à propos de l'arbre de la connaissance du bien et du mal “would have been incomprehensible and therefore useless if death were an entirely unknown thing in the pre-fall world” (p. 165). Nous ne sommes pas ici au niveau de l'exégèse du texte, mais toujours au niveau de l'hypothèse et des spéculations, basées, encore une fois, sur des présupposés naturalistes. Pour comprendre quelque chose, il faudrait être en mesure de l'observer et de l'expérimenter “scientifiquement”. Il ne vient pas à l'idée de Smith qu'Adam et Ève étaient doués d'une intelligence supérieure à la nôtre, non enténébrée par le péché et par ses conséquences désastreuses sur le plan noétique. Il ne lui vient pas non plus à l'idée que Dieu ait pu en dire un peu plus à Adam pour qu'il comprenne exactement de quoi il s'agit sans pourtant l'avoir déjà observé. Encore une fois, la perfection des oeuvres créées par Dieu (l'intelligence d'Adam) se trouve entachée par “le point de vue de l'observateur actuel”. La Bible enseigne pourtant clairement que l'état actuel de notre intelligence est profondément corrompu, elle est dans l'obscurité, livrée à ses faux raisonnements, remplie de pensées vaines, abandonnée au jugement de Dieu (Ps. 94:11; Rom. 1:21; 3:11; Éph. 2:3; 4:17-18). Cela veut dire qu'avant le péché, cette intelligence avait une force de pénétration et une puissance de logique et de connaissance qui nous est inimaginable aujourd'hui. Nous ne sommes pas en mesure aujourd'hui de dire ce qu'Adam n'a pas pu comprendre des paroles de Dieu (Smith s'aventure trop loin à prétendre le savoir, lui qui, comme nous, n'a que sa raison déchue pour raisonner sur des sujets qui ne nous sont pas révélés), mais je ne doute pas que Dieu se soit fait clairement comprendre, autant par la clarté et la limpidité de ses propos que par les moyens cognitifs et intellectuels qu'il a donnés à l'homme créé à son image.

Smith s'attaque ensuite à l'épître aux Romains, en particulier à Rom. 5 et 6. Je trouve son exégèse nettement incomplète et insatisfaisante. Avec le temps qui avance et les pages de ma critique qui s'accumulent, je ne suis pas en mesure de faire maintenant l'exégèse en détail de ce texte. Je me limiterai à sa conclusion: “Both books (Genèse et Romains) describe a spiritual death from which physical death necessarily resulted, but neither thereby excludes there having been physical death beforehand, from other causes.” (p. 167). Je n'ai pas de problème à voir que la menace de mort (Gen. 2:17) et la mort réelle (Rom. 5 et 6) comportent l'aspect de la mort spirituelle, sans exclure toutefois la mort physique (Rom. 5-6 parle d'ailleurs explicitement de la mort physique, en particulier celle de Jésus, 6:4-5,9-10, mais aussi de notre corps mortel, 6:11; il me semble aussi que la mention “la mort a régné depuis Adam jusqu'à Moïse” de Rom. 5:14 fasse écho au refrain “puis il mourut” martelé dans les généalogies de Gen. 5 et Gen. 11 et répété ensuite de Gen. 12 à 50 lorsque tous les patriarches sont morts tour à tour). Je n'ai pas non plus de problème à voir que cette mort spirituelle conduit nécessairement à la mort physique, et cela dans ces deux textes mêmes de Gen. 2 et Rom. 5. En fait, cela me semble le point de ces deux textes. J'ai toutefois un problème à comprendre pourquoi, pour Smith, la mort physique doit “nécessairement” découler de la mort spirituelle. Comment en arrive-t-il à conclure cela de son exégèse si “la mort” mentionnée dans Gen. 2 et Rom. 5 et 6 devait plutôt se limiter à la mort spirituelle? Comment en arriver à établir bibliquement, exégétiquement et théologiquement cette nécessité, si la mort physique pouvait de toute manière exister avant l'entrée du péché? Pourquoi Dieu ne se serait-il pas contenté d'infliger une mort spirituelle? Cela n'aurait-il pas été une punition suffisante? Non, ç'aurait été insuffisant! Afin de satisfaire à la justice de Dieu, il fallait que l'homme meure également physiquement. “Le salaire du péché, c'est la mort” (Rom. 6:23), et cela inclut nécessairement la mort physique, tout comme le don gratuit de Dieu est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur, qui inclut le début de la vie spirituelle avec Dieu dès aujourd'hui, mais aussi la résurrection de nos corps et l'accomplissement de cette vie éternelle dans nos corps incorruptibles et glorieux! C'est précisément la raison pour laquelle Dieu ne pouvait pas se satisfaire d'une séparation spirituelle d'avec son Fils (“Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?”), mais qu'il fallait que notre substitut aille jusqu'à mourir physiquement. C'était afin de satisfaire à la justice de Dieu et pour accomplir toute justice. Telle est la bonne nouvelle de l'Évangile! J'ai donc un immense problème lorsque Smith ajoute une nouvelle affirmation hypothétique: “...but neither thereby excludes there having been physical death beforehand, from other causes.” Est-il vrai que Gen. 2 et Rom. 5 n'excluraient pas l'existence de la mort avant la chute et que la mort aurait pu être causée d'autres façons?? Mais de quelles autres façons? Celles auparavant suggérées par Smith ont déjà été répondues. Il n'en suggère pas d'autres ici à la lumière des deux textes qu'il vient d'essayer d'exposer. J'ai beau chercher dans ces textes, je ne trouve rien. Smith ne semble rien trouver non plus puisqu'il ne dit pas quelles autres possibilités Gen. 2 et Rom. 5 et 6 pourraient nous suggérer. Nous restons dans le brouillard hypothétique spéculatif le plus complet... Et comment se fait-il que Dieu aurait pu permettre que la mort existe dans sa création “très bonne”? Si la mort est l'instrument par lequel il exerce sa justice contre le péché, qu'est-ce que la mort aurait à faire dans cette création bonne? La mort implique une séparation, un désordre, une “vanité” pour reprendre l'Ecclésiaste... Avant la chute, ce serait un intrus, un étranger, une punition venant de Dieu contre... aucun péché! Smith a beau faire des pieds et des mains pour “sauver” l'évolution de l'idée que la mort n'était pas inhérente au processus évolutif, il n'en demeure pas moins que, d'après lui, la mort était bien réelle tout au long des milliards d'années précédant le péché originel. Et il n'en demeure pas moins que, pour Paul, la mort est un “ennemi”. À la croix, Jésus a vaincu et “réduit à l'impuissance la mort” (2 Tim. 1:10). Lors de son retour au dernier jour, “le dernier ennemi qui sera détruit, c'est la mort” (1 Cor. 15:26). Nous avons dans cette vie actuelle l'immense réconfort d'être délivrés par Jésus-Christ de la crainte de la mort, sachant que, par sa mort, il a écrasé “celui qui détenait le pouvoir de la mort” (Héb. 2:14-15). Pourquoi Jésus aurait-il eu besoin de vaincre cet ennemi à la croix, d'écraser le diable qui détenait le pouvoir de la mort et de finalement détruire cet ennemi formidable au dernier jour, si la mort, de toute façon, faisait partie de la création bonne et sans péché de Dieu? C'est la justice même de Dieu ici qui est remise en cause. C'est aussi la nature même de l'oeuvre de Jésus-Christ à la croix qui est remise en cause. Je crois donc que la position de Smith entache gravement non seulement la gloire de Dieu le Créateur, mais également la gloire de Dieu le Rédempteur et de l'Évangile de Jésus-Christ.

L'apôtre Paul, quant à lui, nous dit ceci: “Mais maintenant, Christ est ressuscité d'entre les morts, il est les prémices de ceux qui sont décédés. Car puisque la mort est venue par un homme, c'est aussi par un homme qu'est venue la résurrection des morts. Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ, mais chacun son rang: Christ comme prémices, puis ceux qui appartiennent au Christ, lors de son avènement...” (1 Cor. 15:20-23). Il n'est pas possible ici de dire que la “mort” qui est venue par un homme est simplement ou principalement la mort spirituelle. Tout le contexte de 1 Cor. 15 est à la gloire de la résurrection corporelle de Jésus-Christ et de la résurrection de ceux qui sont unis à lui. On ne peut pas nier que la résurrection soit la victoire sur la mort physique et que l'oeuvre de Jésus-Christ renverse les conséquences mortelles du péché d'Adam. “Puisque la mort est venue par un homme, c'est aussi par un homme qu'est venue la résurrection des morts.” C'est la Bible qui le dit! Qui sommes-nous pour la contredire ou la contourner?

L'apôtre Paul nous révèle également que “la création a été soumise à la vanité — non de son gré, mais à cause de celui qui l'y a soumise — avec une espérance: cette même création sera libérée de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu.” (Rom. 8:20-21). Les commentateurs ne s'entendent pas pour déterminer avec certitude qui est “celui” qui a soumis la création à la vanité. Certains pensent que c'est Satan, parce qu'il a tenté Ève; d'autres pensent que c'est Adam qui a désobéi; d'autres encore disent que c'est Dieu, lorsqu'il a puni le péché d'Adam. Peu importe ici pour notre propos, le point c'est que l'on s'entend pour dire qu'il s'agit d'un événement précis qui s'est produit dans le temps et qui concerne les conséquences directes de l'entrée du péché dans le monde. Avant cet événement dramatique pour l'ensemble de la création, celle-ci n'était pas soumise à la vanité, et après cet événement, la création est devenue soumise à la vanité et à la corruption. Une différence qualitative s'est fait dramatiquement sentir dans la création à un point précis de l'histoire. Tandis que Smith prétend qu'il s'agirait seulement d'une différence quantitative: “This change, in other words, may be quantitative rather than qualitative.” (p. 172). Il donne l'exemple d'une roche qui serait tombée sur le pied d'Adam et qui lui aurait fait mal ou encore des douleurs de l'enfantement qui auraient “augmenté” après la chute, mais qui auraient déjà existé avant la chute. Je reconnais parfaitement que la malédiction a frappé des réalités déjà existantes (“disordered relationships among already-existing entities”, p. 171), mais cela ne signifie nullement que ces “entités déjà existantes” (l'enfantement, les relations conjugales, le travail, les activités dans l'environnement créé, etc.) étaient déjà frappées par un début de souffrances, de maladies et de mort avant l'entrée du péché. Une telle idée me semble irréconciliable avec ce que Paul nous révèle au sujet de la création qui a été soumise à la vanité et à la corruption. Comment pourrions-nous quantifier les souffrances, la maladie et la mort pour que, jusqu'à un certain point, elles ne puissent pas encore être qualifiées de “vanité” et de “corruption”, mais qu'à partir d'une certaine quantité, elles deviendraient “vanité” et “corruption”?

Encore une fois, l'approche naturaliste de Smith le conduit à “projeter” la réalité de notre monde corrompu actuel sur l'image qu'il se fait de la création bonne avant la chute. Il semble incapable de s'imaginer qu'un tel monde sans douleur, sans maladie et sans mort puisse avoir déjà existé. Il semblerait bien qu'il faut voir pour pouvoir croire! Comment alors espérer qu'un jour la création sera libérée de la servitude de la corruption et que nous-mêmes nous serons dans la liberté glorieuse des enfants de Dieu? Pourquoi même devrions-nous espérer une telle chose, puisqu'avant la chute il était supposément normal d'avoir une certaine “quantité de vanité et de corruption”? De plus, nous n'avons jamais vu nous-mêmes une telle gloire. Si Adam, dans la glorieuse perfection de son intelligence, ne pouvait pas comprendre ce que signifiait la mort, comment nous, qui sommes dramatiquement atteints par le péché et par la mort qui a déjà commencé à faire son effet en nous, pourrions-nous concevoir une telle espérance glorieuse que nous propose l'Évangile de Jésus-Christ et y croire? Nous ne l'avons jamais vue, cette gloire! La parole du Seigneur à Thomas est toujours à propos, aussi bien pour la réalité de sa résurrection, que pour la réalité de la beauté de la création originelle, et que pour la gloire encore plus grande de la nouvelle création à venir: “Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru!” (Jean 20:29).


22. La religion de Smith est finalement très humaniste
L'aboutissement ultime de l'approche naturaliste de Smith est finalement d'adopter une religion profondément humaniste. Dans les dernières pages de son livre, nous sommes amenés à nous demander, en suivant son propre raisonnement, de quoi la Bible parle véritablement et en vérité. Quelle déception de lire ces lignes! “What the Bible is most concerned with are those things that are not accessible to scientific investigation.” (p. 198). Cela, nous l'avions déjà compris. Mais de quoi s'agit-il exactement? Des actes rédempteurs de Dieu dans l'histoire en faveur de son peuple? Des actes rédempteurs de Dieu culminant en Jésus-Christ? De la conception, de la naissance, de la vie, de la mort, de la résurrection et de l'ascension de Jésus-Christ, notre Sauveur et Seigneur? Pas du tout! “At its core the Bible is a story of relationships. It is a story of relationships of faith and trust that people enter into with God and with one another (‘covenants'). And the world of relationships is one that we have access to freely, even if our knowledge of the natural world is limited to what we can discover through naïve observation. The capacity for faith, through which we enter into relationship with God, is not one that human civilization has slowly cultivated and perfected over time. Faith is something every human has always been capable of, just as every human, in every age, has had the potential to love. (p. 198). Quand j'ai lu cela, je n'en croyais pas mes yeux! Moi qui pensais que la Bible enseignait que nous sommes méchants par nature, profondément corrompus, enclins à détester Dieu et notre prochain. Mais non! Il paraît que nous avons tous le potentiel d'aimer, et que ce serait cela l'essentiel du message de la Bible. Et moi qui pensait que la foi était un don de Dieu opéré de manière surnaturelle par le Saint-Esprit qui nous fait naître d'en haut. Mais non! La foi est quelque chose que tout être humain a toujours été capable de faire. Ce sont les gens qui entrent librement en relation avec Dieu et avec les autres, et non pas Dieu qui entre librement et souverainement en alliance avec son peuple. Smith en rajoute: “It would be nice if the Bible provided a guide to the inner workings of the physical universe,... This would enable us to ‘know' that Christianity was true, without having to take it on faith. But that's not what the Bible does. Rather, it tells the story of how people throughout human history have come into relationship with God, and it invites us to experience that same relationship. We may never realize that this is what it is all about, however, unless we first become disillusioned with the idea that it is all about magical power, or about superhuman knowledge.” (p. 201). Ouf! Ce sont les hommes qui, tout au long de l'histoire de l'humanité, sont entrés en relation avec Dieu, et non pas Dieu qui est entré en relation avec les hommes. Voilà le message de la Bible. Pas surprenant que Smith, dans sa conclusion, ne dise pas un mot sur Jésus-Christ. Quel besoin aurions-nous d'un Sauveur si nous sommes capables par nous-mêmes d'entrer en relation avec Dieu et si nous avons le potentiel d'exercer la foi et d'aimer Dieu et notre prochain? Non, le message principal de la Bible, c'est de nous dire que nous sommes capables d'entrer en relation avec Dieu... et nous sommes évidemment invités à le faire par nos propres forces. Mais pour bien comprendre ce message de la Bible, un pré-requis est exigé: devenir désillusionné quant à toute idée de “pouvoir magique” ou de “connaissance surhumaine”... Qu'est-ce que cela veut dire, au juste? Rappelons-nous que, vers le début de l'histoire de son “pèlerinage”, Smith nous avait dit à propos du don qu'il avait fait de ses livres créationnistes: “I had become much more disillusionned with their teaching than I realized at the time.” (p. 103). Il semble qu'il faille passer par là, nous aussi, pour vraiment comprendre le coeur du message de la Bible.

En ce qui me concerne, je ne suis pas rendu là dans mon pèlerinage. Je crois encore que Dieu se révèle de manière surnaturelle et qu'il nous dit en vérité, bien que pas en totalité, comment il a créé le monde. Je crois encore que le message principal de la Bible concerne la personne et l'oeuvre de Jésus-Christ, mort et ressuscité pour nos péchés, afin de nous accorder gratuitement la vie éternelle, dès aujourd'hui par la foi en lui, et pour toujours dans la nouvelle création à venir. Et je crois encore qu'il faut que nous recevions le Saint-Esprit qui fait naître et grandir en nous la foi et nous donne de manière surnaturelle une connaissance véritable, mais non exhaustive, de “ce que Dieu nous a donné par grâce” (1 Cor. 2:12). “Car Dieu qui a dit: La lumière brillera du sein des ténèbres! a brillé dans nos coeurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ.” (2 Cor. 4:6).


Conclusion
En conclusion, la deuxième partie du livre de S.J. Godfrey et C.R. Smith ne m'a pas convaincu, le moins qu'on puisse dire. J'ai apprécié faire l'exercice de cette analyse. Je suis conscient que je n'ai pas pu traiter de tout ce qu'il dit, mais je pense avoir fait suffisamment le tour pour en avoir discerné les principaux problèmes, qui me semblent très sérieux. Étant donné le degré de difficulté du livre et des concepts présentés, je ne recommanderais pas sa lecture à des frères dans la foi sans faire au préalable des mises en garde sérieuses contre ses idées erronées et contraires aux Écritures Saintes qui risquent d'en séduire plusieurs. J'espère que mon analyse est édifiante et qu'elle sera utile à nous fortifier dans la foi au Dieu Créateur et Rédempteur tel qu'il se révèle dans sa Parole limpide.

 


Pasteur Paulin Bédard est l'auteur du livre In Six Days God Created – Refuting the Framework and Figurative Views of the Days of Creation. Xulon Press, Maitlan, FL, 2013, 254 pages.


Notes

[1] Paulin Bédard, Critique de l'interprétation cadre ou littéraire de Genèse 1. Paulin Bédard, est pasteur à Église chrétienne réformée de Beauce. Voir aussi un autre article pertinent de Bédard Critique de l'interprétation «cadre» ou «littéraire» de Genèse 1.

[2] C.R. Smith & S.J. Godfrey, Paradigms on Pilgrimage. Creationism, Paleontology, and Biblical Interpretation. Clements Pub., Toronto, 2005, 207 pages. L'analyse critique que nous présentons dans cette étude ne concerne que la deuxième partie de ce livre; la première partie signée par S.J. Godfrey et portant sur la paléontologie ne fait pas l'objet de nos considérations.

[3] Meredith G. Kline, “Because It Had Not Rained”, Westminster Theological Journal, Vol. 20, No. 2, mai 1958, p. 146-157.

[4] Meredith G. Kline, “Space and Time in the Genesis Cosmogony”, Perspectives on Science and Christian Faith. Vol. 48, No. 1, avril 1996, p. 2-15.

[5] David G. Hagopian, Ed., The Genesis Debate: Three Views on the Days of Creation. Crux Press, Mission Viejo, Califormia, 2001, 319 p.

[6] Michael J. Behe, Darwin's Black Box: The Biochemical Challenge to Evolution. The Free Press, New York 1996, 2e édition 2006, 352 p.

[7] http://creation.com/was-dawkins-stumped-frog-to-a-prince-critics-refuted-again.

[8] Margaret Helder, “Anniversaries worth celebrating. Try as they might, evolutionists can't improve on the Linnaeus taxonomy”, Reformed Perspective. Vol. 26, No. 8, juin 2007, p. 27-29.

[9] Dr. Danny Faulkner, Universe by Design, Master Book, 2004, p. 96.

[10] Dr. Danny Faulkner, Universe by Design, Master Book, 2004, p. 109-110.

[11] Dr. Danny Faulkner, Universe by Design, Master Book, 2004, p. 101. Le livre de Humphreys dont il est question ici s'intitule Starlight and Time, Master Books, 1994, 136 p., un petit livre de “vulgarisation” fort complexe sur le plan astro-physique et mathématique.