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Samizdat

"Dans les bras de Dieu - vérité d'en-haut
au sujet de la mort d'un enfant".

Doctrine merveilleuse, ou pente glissante?
Analyse critique du livre de John MacArthur

Dans les bras de Dieu JM

par Marc Hébert, M.Sc.

"Dans les bras de Dieu", Publications chrétiennes inc., 2008, 196 p.
Version française de "Safe in the arms of God", 2003.


Résumé
Perdre un enfant est certainement un des drames les plus douloureux qu'il nous soit donné de vivre et un des deuils les plus difficiles à passer. Le but du livre de John MacArthur est justement de venir en aide à ces parents en deuil, et d'aider également d'autres chrétiens à leur apporter consolation, selon les Écritures. D'après l'auteur, un des principaux éléments de consolation consiste dans la doctrine d'un salut universel des bébés et des enfants morts en bas âge. L'intention est louable, mais cette doctrine est-elle vraiment biblique? Dans les pages qui suivent, nous examinerons les principaux arguments du pasteur MacArthur.


1- Introduction
John MacArthur est un auteur américain connu et respecté dans le milieu évangélique. Plusieurs de ses écrits ont heureusement été traduits en français et m'ont personnellement permis de grandir et de m'affermir dans la foi. Je lui en suis profondément reconnaissant. Je ne citerai que le livre "Parents chrétiens: comment réussir", traduit et édité par Publications chrétiennes. C'est certainement le livre le plus clair, le plus biblique et le plus courageux qu'il m'ait été donné de lire sur le sujet.

Il y a quelque temps, un chrétien que je respecte beaucoup m'a fortement encouragé à lire "Dans les bras de Dieu" du pasteur MacArthur. J'ai donc pris le temps de lire ce livre dans une attitude d'ouverture et de recueillement. Après la lecture des premières pages, j'étais ouvert à la possibilité de changer mon opinion sur le salut des bébés. En effet, MacArthur affirme d'emblée, et sans réserve, que la doctrine de ce salut universel[1] des bébés est très claire dans les Écritures. Je me disais: "tant mieux si c'est le cas", d'autant plus que j'ai moi-même un frère qui a subi une mort violente, à l'âge d'un an et demie, par les mains d'un homme déséquilibré. Cet homicide avait alors profondément bouleversé mes parents et a eu un impact considérable sur notre famille et même sur notre famille élargie.

Cependant, au fur et à mesure que je lisais ce livre et que je vérifiais les références bibliques, mon expectative s'est transformée en consternation. En effet, les arguments présentés comme étant irréfutables présentaient à mon sens plusieurs lacunes.

Dans ce qui suit, je présenterai succinctement la structure du livre, puis je ferai un examen des principaux arguments, chapitre par chapitre. Je soulignerai au passage les implications théologiques et éthiques que pourrait avoir à terme cette doctrine, notamment sur l'Évangile et sur la question de l'avortement.

Nous traiterons de sujets très délicats et difficiles au plan émotionnel et aussi passablement complexes du point de vue théologique. C'est pourquoi mon analyse se veut à la fois sensible et détaillée. Elle comporte donc plus d'une vingtaine de pages, ainsi que de nombreuses notes de bas de page. Ceux qui seront plus pressés pourront simplement lire la conclusion, en sachant toutefois qu'il leur manquera des éléments pour en apprécier la pertinence.


2- Structure et style du livre
Bien que comportant près de 200 pages, "Dans les bras de Dieu" se lit aisément et en peu de temps, car il est de petit format, écrit avec un langage simple, bien traduit, et du fait qu'il contient un grand nombre de témoignages. Il s'agit de témoignages poignants de mères et de pères, chrétiens pour la plupart, ayant perdu un bébé et qui expriment leurs peines, leurs questionnements et leurs angoisses quant au sort éternel de ces petits. En effet, où vont les âmes des bébés à leur mort? Certains chapitres portent sur des questions corollaires: Reverrai-je mon enfant un jour? Pourquoi mon enfant devait-il mourir? On y traite notamment du cas de bébés avortés qui, pour les parents, présente un besoin accrû de consolation - et de pardon.

MacArthur montre comment, en tant que pasteur, il a accompagné et consolé plusieurs de ces personnes dans le deuil en leur présentant la doctrine du salut universel des bébés, à savoir que tous les enfants qui meurent en bas âge, sans exception, se retrouveraient immédiatement "dans les bras de Dieu"[2], au Paradis.

Ces nombreux témoignages et anecdotes donnent un caractère particulier au livre, lequel contraste avec les autres ouvrages de l'auteur. MacArthur y introduit cependant des éléments de doctrine, s'appuyant sur les Écritures, sur la logique et sur des écrits de théologiens de renom. Le but du livre pourrait se résumer par le titre du chapitre 8 "Comment viendrons-nous au secours de ceux qui sont dans le deuil?"


3- Analyse des principaux arguments du livre
Le frère MacArthur présente différentes vérités, qu'il amène de façon touchante, à savoir:

Ceci étant, nous nous concentrerons maintenant sur les principaux arguments relatifs à la thèse d'un salut universel et instantané des enfants morts en bas âge, ce qui est le fil conducteur et la doctrine principale du livre.


4- Chapitre 1
Dans ce chapitre, MacArthur estime que " la moitié de toutes les personnes conçues (dans le passé) sont mortes avant d'avoir atteint l'âge de la maturité" (p.10). Le sujet touche donc la moitié de l'humanité, ce qui est majeur et justifie pleinement un livre à ce propos.

Il présente ensuite sa thèse "[...] tous les enfants qui meurent vont au ciel parce que Dieu choisit dans sa souveraineté de leur accorder sa grâce spéciale." (p.12). Plus loin il précise que la maturité sur le plan mental est l'élément essentiel qui distingue l'enfant "innocent" de celui qui ne l'est pas. Cette maturité consiste à "parvenir à différencier le bien et le mal" (p.13). Il conclut par l'affirmation suivante: "Le ciel instantané est vraiment la destinée des bébés et des enfants."


5- Chapitre 2
Le début de ce chapitre réaffirme que le foetus, le bébé, ou une personne handicapée mentalement, sont des personnes à part entière. Dans le cas de Jean-Baptiste, le Saint-Esprit habitait même en lui dès le ventre de sa mère. Cela explique la peine légitime des parents suite à une fausse couche, ainsi que leur besoin de consolation. Nous devons être sensibles à cela.

Les 11 dernières pages racontent en détails la mort d'une fillette trisomique de 3 ans et la croyance ferme de ses parents qu'elle est maintenant au Ciel. Cependant, comme pour le premier chapitre, aucun verset biblique n'est encore apporté en appui. Il s'agit de témoignages.


6- Chapitre 3
L'auteur présente maintenant plusieurs arguments théologiques. Nous examinerons les principaux.

En p. 43, on lit: "Dieu aime tous ceux qui comptent au nombre de ses petits enfants innocents".[3] Pour prouver son affirmation sur l'innocence des petits enfants devant Dieu, MacArthur se réfère à Jonas 4.11 (tel que cité):

Il interprète ce passage de la façon suivante:

Il est possible que l'expression "hommes qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche" fasse allusion à de jeunes enfants, qui n'ont pas la maturité intellectuelle pour distinguer leur main droite de leur main gauche. Il est également possible qu'il s'agisse d'un sens figuré faisant allusion à une immaturité au plan du discernement du bien et du mal. Cependant, dans les deux cas, cela demeure hypothétique et incertain. En effet, Jonas 4.11 utilise le terme "homme", ou encore "humains" ou "personnes" dans d'autres traductions françaises, et non pas "enfants" ou "bébés". En outre, la signification des mots "hommes" et "bêtes " dans Jon 4.11, s'explique par un verset précédent (traduction NBS):

Dans Jon 3.8, il est clair que les humains (ou hommes) en question étaient des pécheurs ayant la capacité de se repentir, jeunes ou vieux. De ce fait, l'expression "qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche" dans Jon 4.11 désignerait probablement le fait que ces humains, dont des adultes, étaient insensés au plan du discernement du bien et du mal[4]. De là l'importance cruciale qu'un prophète soit envoyé par l'Éternel pour les instruire de la loi morale de Dieu, qu'ils ignoraient, et les avertir du jugement à venir, en vue de les épargner, par pure grâce.

MacArthur ne fait cependant aucune allusion au v. 3.8. Il ne cite que le v. 4.11 et sur cette base il affirme que les bébés ninivites étaient "innocents" et que cette innocence serait justement ce qui a poussé Dieu à vouloir épargner la ville de Ninive. Cependant, le mot innocent ne figure pas dans Jon 4.11. La seule mention du terme "innocent" dans le livre de Jonas (v 1.14) est utilisée pour désigner Jonas lui-même, qui est un adulte. Encore là, l'innocence en question était toute relative. En effet, Jonas manquait manifestement d'amour envers son prochain (ici des ennemis d'Isarël), et l'Éternel voulait l'amener à la repentance sur ce point.

En résumé, Jonas 4.11 implique certainement des enfants, mais aussi très probablement des adultes. L'argument de MacArtur sur ce passage doit donc être considéré avec réserve[5].

À partir de la p.45, MacArthur pousse plus loin sa théologie pour répondre à deux questions: "Qui se qualifie pour recevoir la compassion de Dieu en tant que bébé ou petit enfant innocent?"[6] et "Quel est l'âge pour rendre des comptes à Dieu?". Il y répond de la manière suivante: "L'enfant qui n'a pas atteint l'état de culpabilité morale est celui dont la compréhension n'est pas assez mûre pour lui permettre de saisir avec conviction les questions relatives à la Loi et à la grâce, au péché et au salut" (p.47). Il n'y a toutefois pas de verset amené à l'appui de cette définition, qui est somme toute assez complexe.

On commence cependant à saisir plus précisément la pensée de l'auteur. L'enfant serait innocent dès sa conception jusqu'à un âge de maturité au plan de la conscience du bien et du mal[7]. S'il meurt durant cette période, il est innocent, car sans péché personnel, et est donc comme en état de grâce. C'est pourquoi il ne serait pas sujet au jugement de Dieu et irait directement au Ciel, instantanément - notamment l'enfant avorté.

Malheureusement, cet enseignement entre implicitement en contradiction avec une affirmation claire des Écritures:

David, dans ce texte inspiré, mentionne que les foetus et les nouveaux-nés sont pervertis et égarés. L'expression "sont pervertis" évoque probablement le péché originel et est de nature passive. Par contre, l'expression "s'égarent" est active et liée à un comportement individuel. La Bible du semeur utilise l'expression "ils profèrent des mensonges"[8]. Comment un enfant peut-il être à la fois innocent, tout en étant perverti ou égaré ou menteur? Cela apparaît incohérent[9].

Les paroles explicites de David, sur la culpabilité innée et acquise des très jeunes enfants, sont cependant cohérentes avec la doctrine apostolique de l'imputabilité du péché d'Adam sur toute la race humaine. Dans Rom 5.18-19, Paul déclare en effet:

L'auteur poursuit son argumentaire en citant Jérémie 19.4-7, en relation avec l'horrible pratique du sacrifice d'enfants: "ils ont rempli ce lieu de sang innocent". Cela prouverait, semble-t-il, que les enfants sont innocents. Mais ici encore, l'interprétation est forcée. En effet, un peu plus loin au verset 26.15, Jérémie dit de lui-même: "Seulement sachez que, si vous me faites mourir, vous vous chargez du sang innocent, vous, cette ville et ses habitants.". Or, Jérémie avait atteint l'âge de raison. Il était pécheur comme tout homme, mais était innocent en particulier quant à une accusation de faux prophète portée contre lui. Bref, le "sang innocent", dans Jérémie et ailleurs, se rapporte à un contexte précis dont on doit tenir compte[11].

Depuis la chute d'Adam, Jésus a été le seul humain impeccable (sans péché), car il a été conçu du Saint-Esprit, non d'un homme, et il n'a pas hérité de la nature pécheresse. Il est le seul humain qui ait été innocent de façon absolue.

À la p. 51, MacArthur amène cette fois un argument tiré du Nouveau-Testament. Il mentionne qu'au Ciel se trouveront des gens issus "de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation" (Ap 5.9). Il explique que cette prophétie ne sera rendue possible que par un salut universel des bébés morts dans le passé. En effet, certaines ethnies disparues n'auront jamais entendu l'Évangile.

Toutefois, dans un passage analogue, Ap 7.9-14 mentionne:

Autrement dit, il y aura encore des gens de toutes tribus et de toutes langues lors de la grande tribulation - laquelle est encore à venir[12]. Ce seront des chrétiens persécutés et mis à mort en raison de leur foi, de toutes tribus, jeunes et vieux. Pourquoi le frère MacArthur ne présente-t-il pas cette autre interprétation qui vient directement du texte biblique?

Toujours dans le chapitre 3, MacArthur reprend maintenant un contre-argument, qu'il a entendu, en lien avec le deuxième des "dix commandements". Ce commandement dit que Dieu "[...] punis l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent" (Ex 20.5). MacArthur précise que pour certains chrétiens, la mort d'un bébé pourrait être une punition pour la faute d'un père ou d'une mère, et cette punition pourrait impliquer également la perdition.

Cette dernière conception est effectivement discutable. Il est présomptueux et disgracieux de prétendre savoir pourquoi, au plan spirituel, telle ou telle personne est morte, à moins d'une révélation spéciale de Dieu[13]. En outre, le deuxième commandement ne fait pas explicitement référence à la perdition éternelle.

MacArthur pour sa part réfute ces conceptions de manière différente. Il affirme que le deuxième commandement ne voudrait pas dire littéralement que Dieu "punit" la descendance, mais plutôt qu'elle subit les "conséquences" naturelles et logiques des erreurs de ses parents. Il cite à l'appui Deutéronome 24.16:

Cependant, lorsque l'on regarde le contexte de Dt 24.16, on s'aperçoit qu'il s'applique uniquement à des jugements réalisés dans le cadre d'un tribunal humain, selon la loi mosaïque. Ainsi, un tribunal humain ne doit pas punir un enfant pour la faute d'un parent, et vice-versa. Ce passage ne s'applique donc pas aux jugements divins et souverains dont il est question dans le deuxième commandement.

Pour ce qui est de l'argument de la "conséquence", en relation avec le deuxième commandement, l'Éternel dit clairement à propos de lui-même: "je [...] punis la faute des pères sur les fils jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent". L'Éternel met en garde qu'il infligera une punition, non pas une conséquence naturelle. Il ne faut pas confondre les termes "punition" et "conséquence" comme s'ils étaient synonymes et interchangeables. Les traducteurs de la Bible ne l'ont pas fait[14].

L'Éternel se réserve donc le droit de punir la descendance proche pour la faute d'un parent qui pratiquerait l'idolâtrie. C'est le contexte du deuxième commandement[15]. Dieu a la bienveillance de nous mettre en garde de sa sévérité, pour notre protection et celle de nos enfants. Cependant, le texte biblique ne précise pas le type de punition. Il ne s'agit pas forcément de la mort. L'Éternel peut aussi choisir de faire grâce, s'Il le veut.

Pour démontrer que les enfants ne seraient jamais punis en raison de la faute de leurs parents, le frère MacArthur va plus loin et relate, en p. 58, la destruction de la famille du roi idolâtre Jéroboam, annoncée par le prophète Achija (le soulignement est ajouté):

Contre toute attente, MacArthur ne met pas l'emphase sur l'enseignement principal du passage, à savoir que Dieu décrète souverainement l'extermination de la descendance de Jéroboam, en raison de l'idolâtrie du père, et le lien implicite avec le deuxième commandement. MacArthur souligne plutôt une question annexe à savoir que le plus jeune bébé de Jéroboam sera le seul à avoir une sépulture décente après sa mort " parce qu'il est le seul de la maison de Jéroboam en qui se soit trouvé quelque chose de bon devant l'Éternel, le Dieu d'Israël." v.13.

Selon le frère MacArthur, cela indiquerait que le bébé en question était juste aux yeux de Dieu. En réalité, ce passage indique seulement que la punition sur cet enfant a été moins sévère. Le principe de la punition par imputation demeure néanmoins présent, bien que le niveau de la punition varie selon l'individu. C'est donc bel et bien le deuxième commandement qui s'est appliqué sur la maison de Jéroboam[16]. Quant à penser que ce passage enseigne clairement que le bébé de Jéroboam était sans péché devant Dieu, l'Écriture pour sa part se limite à dire qu'il y avait "quelque chose de bon" en lui. C'est très différent. Le Ps 58.4 précise pour sa part "Les méchants sont pervertis dès le sein maternel. Les menteurs s'égarent au sortir du ventre de leur mère."

Rappelons ici que Dieu, dans sa souveraineté, peut faire grâce à des pécheurs et nonobstant la malédiction du deuxième commandement. Ce fut le cas avec les Ninivites du temps de Jonas. Ce commandement parle d'ailleurs de l'imputabilité de la justice d'un parent sur mille générations! Le fameux chapitre 53 d'Ésaïe traite aussi de l'imputabilité de la justice du seul homme parfaitement juste sur sa descendance spirituelle:

Jésus dans sa vie a certes subi les "conséquences" du péché de sa race, notamment le rejet et la crucifixion. Si elle n'était qu'une conséquence du péché des autres, sa mort à la croix sera sans utilité pour nous. Mais il a été "puni" par Dieu pour nos péchés. Il est donc théologiquement inapproprié et même dangereux de confondre les termes "punition" et "conséquence".

La doctrine de l'imputabilité, qui agit au plan de la malédiction, est en effet fondamentale pour le salut. C'est pourquoi elle est exposée en détails par l'apôtre Paul dans Rom 5. Ce que nous devions recevoir, c'est le jugement, car Dieu nous impute le péché d'Adam, en plus de nos fautes personnelles. Heureusement, en contre-partie, Dieu nous impute aussi la justice de Christ lorsque nous devenons unis à lui, par la foi (Rom 5.1).

Tout le système des sacrifices d'animaux dans l'Ancien Testament était basé sur le transfert (imputabilité) de la faute d'un homme sur un animal innocent - qui préfigurait le Christ à la croix - et sur l'imputabilité de l'innocence de l'animal sacrifié sur le pécheur. Les deux types d'imputabilité (du péché et de la justice) sont deux aspects indissociables de la même loi spirituelle[17].

Le frère MacArthur a parlé de l'évitement de la destruction de Ninive. Cependant, il omet de parler des nombreux cas de villes réellement "vouées à l'interdit". La destruction de Sodome et Gomorrhe est particulièrement utile pour valider ou invalider l'hypothèse de l'innocence des jeunes enfants.

Dans cet acte de jugement souverain, exécuté par des anges, l'Éternel a détruit par le feu du ciel toute la population de ces villes. Or, Abraham avait auparavant plaidé devant l'Éternel pour épargner la ville de Sodome, afin d'éviter la mort à son neveu Lot qui y résidait:

Comme l'Éternel détruisit finalement Sodome, il faut en déduire qu'il ne s'y trouvait pas même 10 justes. Or, on peut facilement penser qu'il y avait des centaines, voire des milliers d'enfants. Si les bébés de ces villes avaient été vus comme justes ou innocents, aux yeux de Dieu, la ville n'aurait pas été détruite, en raison de la promesse que Dieu avait faite à Abraham.

Encore une fois, peut-on être "innocent" devant Dieu sans être juste? La théorie de l'innocence universelle des enfants n'est pas convaincante au plan biblique, bien qu'elle corresponde au point de vue que l'homme naturel se fait de la justice. Le texte de la Genèse est cependant cohérent avec cette affirmation de l'apôtre Paul: "selon qu'il est écrit: Il n'y a point de juste, pas même un seul" (Rom 3.10).

Toujours sur la destruction de Sodome, Jude montre que ce jugement va plus loin que la mort physique:

Il semble donc établi par l'Écriture qu'aucun habitant de Sodome n'était juste aux yeux de Dieu et qu'ils sont désormais en état de perdition.

Toujours dans le chapitre 3, MacArthur cite maintenant le livre de Job à l'appui, entre autres le passage suivant:

MacArthur en déduit que Job savait qu'un bébé mort allait au Paradis (Ciel), dans un état de béatitude et non pas dans un lieu de tourment. À première vue, ça pourrait sembler être le cas. Cependant, le texte précise que l'avorton va dans les mêmes lieux que les rois (adultes) et les grands de la terre, soit au cimetière où l'on dresse des mausolées (monuments funéraires) en leur mémoire. Dans ce passage, Job fait donc, d'abord et avant tout, allusion à la réalité terrestre de la mort physique et de l'inhumation. Plus loin dans le livre, Job fera aussi allusion à son existence après sa mort physique (Job 19.25-27), mais il s'agit d'un adulte.

La révélation est progressive dans les Écritures et l'on doit en tenir compte dans l'interprétation de textes de l'Ancien Testament. C'est un principe de base en herméneutique. La réalité de la vie éternelle, du Paradis et de la Géhenne n'a été pleinement révélée que par le Christ lui-même, ainsi que par l'enseignement de ses apôtres.

Comme dernier argument de ce chapitre que nous aborderons, MacArthur mentionne cette fois un passage des Évangiles:

Il en déduit que Jésus sous-entendait que les petits enfants appartiennent de facto au Royaume de Dieu, et donc qu'ils seraient tous sous la grâce salutaire.

Malheureusement, l'auteur omet de présenter les versets qui suivent immédiatement:

Ainsi, quand on étudie le contexte, il devient clair que les petits enfants en question étaient des croyants. De très jeunes croyants, certes, mais des croyants tout-de-même[18]. Jésus n'enseigne nulle part dans ce texte que tous les bébés morts iront au Ciel. Cette interprétation est plus émotive et subjective qu'objective et biblique. Les passages parallèles et synoptiques doivent aussi être interprétés dans ce contexte de jeunes "croyants".[19]

Le chapitre 3 présentait les principaux arguments théologiques du livre. Nous avons malheureusement pu constater qu'il s'agit plutôt d'hypothèses basées sur une exégèse très discutable.


7- Chapitre 4
Le chapitre 4 reprend les arguments du chapitre 3, mais ils sont présentés davantage en relation avec la doctrine de l'élection. Le style de l'auteur est aussi plus fougueux, voire même cinglant envers les lecteurs qui ne partageraient pas sa doctrine. Pour ce faire, il n'hésite pas à citer plusieurs auteurs calvinistes de renom, dont Spurgeon: "Il se peut qu'il ait existé dans un coin de la terre un mécréant[20] qui ait osé dire qu'il y avait de petits enfants en enfer, mais je ne l'ai jamais rencontré..." p.88.

MacArthur n'est certes pas le premier à enseigner une doctrine du salut de tous les enfants morts en bas âge, mais avec son livre, il en devient l'un de ses principaux défenseurs au 21è siècle[21].

Selon MacArthur, l'Apocalypse confirmerait que l'on est jugé uniquement que par ses mauvaises œuvres personnelles:

En réalité, le v.15 montre clairement que ceux jetés dans l'étang de feu le sont essentiellement en raison du fait que leur nom n'est pas inscrit dans le "livre de vie", bref de ceux qui ne sont pas sauvés[22]. Les autres livres, qui consignent les œuvres, servent probablement à confirmer la juste condamnation des réprouvés, mais surtout à établir le niveau du jugement (condamnation), selon les oeuvres. Jésus a mis clairement en évidence ce fait en parlant des gens incrédules des villes de la Galilée qui seront jugés plus sévèrement que ceux de Sodome et de Gomorrhe (Mt 10.15). Ils iront dans le même lieu de perdition, mais ils subiront un niveau de tourment variable, selon leurs oeuvres.

Jésus a enseigné clairement que c'est le cœur de l'homme qui le souille, c'est-à-dire sa nature pécheresse; ses œuvres mauvaises n'en sont que la manifestation (Mt 15.18-19), tout comme les bonnes œuvres sont l'évidence d'une foi salvatrice (Jc 2.18).

Sur le thème du salut et de l'élection, MacArthur fait en quelque sorte le raisonnement suivant:

La doctrine du salut universel des bébés devient en quelque sorte un "autre évangile", ou un évangile supplémentaire, sans la foi. Or, la prédication apostolique de l'évangile implique toujours la foi, jamais un salut sans la foi, de là le crédo des réformateurs: Sola fidei.

On ne peut invoquer la doctrine de l'élection de la grâce pour échafauder une doctrine d'un salut sans la foi. D'ailleurs, il ne s'agirait pas vraiment d'une grâce. On peut certes gracier des coupables, mais pas des innocents. Dans quel dédale théologique cet enseignement incohérent nous mène-t-il?

Il y a une hypothèse plus simple et plus respectueuse des Écritures qui pourrait admettre la possibilité que des bébés ou des personnes handicapées mentalement puissent être sauvés. Elle n'a malheureusement pas été évoquée par MacArthur. Ce serait l'idée d'un salut par la foi, suite à une révélation spéciale du Saint-Esprit.

Par analogie, rappelons que Jean-Baptiste a été rempli du Saint-Esprit dès le sein de sa mère (Luc 1.15). Bien qu'étant alors foetus, Jean-Baptiste a néanmoins tressailli d'allégresse, par le Saint-Esprit, devant son sauveur Jésus, qui à ce moment était lui aussi à l'état d'embryon, en ce qui concerne son corps physique (Luc 1.44). D'autres bébés pourraient aussi recevoir l'Esprit.[23]

Cette hypothèse du salut de certains bébés élus n'est pas mentionnée dans l'Écriture. Il faut le dire. Cependant, elle est davantage compatible avec les grandes doctrines chrétiennes du péché originel, de l'imputabilité du péché et de la justice, de l'élection de la grâce et du salut par la foi seule. Un tel salut pourrait même être révélé de façon spéciale aux parents concernés, par le Saint-Esprit. Cela pourrait expliquer certains cas où des chrétiens ont la certitude intérieure du salut de leur enfant mort, de celui d'un enfant autiste, ou du salut in extremis d'un adulte dans le coma[24].

Il est d'ailleurs triste que le frère MacArthur refuse aux bébés la capacité de croire et qu'il n'envisage pas même la possibilité d'une intervention divine spéciale à cet effet: "Ils ne pouvaient pas croire. Ils sont dans l'incapacité de croire de manière consciente, volontaire, rationnelle et intentionnelle... Ils sont totalement incapables de recevoir Jésus comme leur Sauveur - de se repentir et de croire - ou de le refuser" p. 96 et 99. Pourtant, croire en Christ, est toujours le résultat d'une intervention divine, spirituelle, surnaturelle et souveraine. Rappelons-nous le cas de Paul - et notre propre conversion!

Dans son livre, MacArthur est le premier à dénoncer de fausses doctrines sur le salut des bébés. Il reproche, et avec raison, à plusieurs dénominations d'enseigner que le baptême est essentiel au salut, et qu'il faut donc baptiser les bébés. Il reproche plus encore à l'Église catholique romaine de prétendre que le baptême des enfants les fait entrer dans le royaume de Dieu.

Historiquement, la doctrine du salut des bébés par le baptême aurait commencé à se cristalliser dans les années 400-500 ap. J-C, comme prolongement logique des enseignements d'Augustin sur la nécessité du baptême pour être sauvé. Or, Augustin a fortement influencé l'Église catholique romaine, de même que les réformistes Calvin et Luther. Le développement théologique de la doctrine du baptême des bébés a pris des proportions monstrueuses avec le temps, notamment avec la doctrine des limbes pour les bébés non baptisés (qui vient d'être abandonnée par Rome), l'onction des bébés par les prêtres avec le St-Crème et le développement rendu obligé des sacrements de confirmation et de profession de foi lorsque l'enfant a atteint un certain degré de maturité morale. Les Adventistes du septième jour ont abordé le problème autrement. Selon eux, la perdition n'est pas éternelle, pour les adultes comme pour les enfants. Les Témoins de Jéhovah sont allés plus loin et nient l'existence même d'un état de perdition.

Le développement de ces croyances est probablement en bonne partie motivé par la compassion. Je pense toutefois qu'il découle surtout de notre difficulté de croire et d'accepter le paradoxe grave et mystérieux de la bonté et de la sévérité de Dieu (Rom 11.22). Malheureusement, ces croyances traditionnelles sur le salut des bébés sont contraires à l'enseignement des apôtres. Par ailleurs, nulle part la Bible ne mentionne explicitement un salut universel des enfants morts en bas âge.


8- Chapitre 5
Ce chapitre, et le reste du livre sont de nature plus pastorale, à savoir comment consoler ceux qui ont perdu un enfant, ou même amener au pardon ceux qui, père et mère, ont avorté un de leurs petits[25]. L'argument principal de la consolation consisterait, selon MacArthur, à présenter la doctrine du salut universel des bébés morts. Un dernier argument théologique est cependant apporté.

Absalom, un des nombreux fils de David, est mort à l'âge adulte, dans un contexte sanglant de révolte envers son père. David n'était pas consolable. Selon MacArthur, la raison est évidente: il savait que son fils était damné et irait en enfer. À l'inverse, lorsqu'un autre de ses fils meurt étant bébé, David serait consolé, car il aurait l'espoir de le revoir au Ciel. Voici les paroles de David:

Selon MacArthur, "j'irai vers lui " désigne de façon évidente, et non équivoque, le fait de rejoindre son bébé au Paradis.

Cependant, le texte biblique indique surtout une attitude de résignation. Il était désormais inutile pour David de continuer de se mortifier dans le jeûne, car l'enfant malade était maintenant mort. David considérait apparemment qu'il était impossible que son fils ressuscite (revienne); il était donc inutile de prier pour cela. La seule façon de le revoir serait désormais de le suivre dans la mort, dans le lieu où il se trouve. Selon le contexte de l'Ancien Testament, il s'agirait probablement de la destination du corps de David et de son fils, soit le cimetière, plutôt que la destination de leurs âmes. En effet, lorsque David mourut, la Bible mentionne que: "David se coucha avec ses pères, et il fut enterré dans la ville de David" 1Rois 2.10. Si on appliquait ici la même logique que le frère MacArthur, cela voudrait dire que tous les ancêtres de David sont au Paradis avec lui, puisque David est "avec ses pères". Paul fait pour sa part clairement allusion à la sépulture physique lorsqu'il dit: "Or David, après avoir, dans sa génération, servi le dessein de Dieu, a été réuni à ses pères et a vu la corruption" (Ac 13.36).

Même en supposant que David ait eu une révélation spéciale de Dieu à l'effet que son bébé en particulier irait au Paradis - ce qui n'est pas impossible, mais la Bible ne le mentionne pas - on ne saurait extrapoler de ce texte narratif de l'Ancien Testament une doctrine du salut universel applicable à tous les bébés. Par analogie, dans un texte narratif du Nouveau Testament, lors de l'emprisonnement de Paul dans la ville de Philippe, Paul a dit à son geôlier repentant: "[...] Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta famille." (Ac 16.31). Devons-nous alors en déduire que si quelqu'un croit au Christ, tous ses enfants, y compris les bébés, ainsi que le conjoint, seront forcément sauvés? Ne sont-ce pas en effet les paroles du plus grand évangéliste de tous les temps? Non, bien sûr, car cela contredirait alors les épîtres didactiques de ce même apôtre sur le salut par grâce, par le moyen d'une foi individuelle au Christ[26].

Maintenant, pourquoi David était-il davantage triste à propos de la mort d'Absalom que pour son bébé mort en bas âge? Il peut y avoir plusieurs raisons à cela. À tout le moins, David avait eu davantage le temps de s'attacher à Absalom et de le connaître personnellement. David était aussi à une époque différente de sa vie. Nulle part il n'est mentionné que David croyait qu'Absalom irait en enfer et le petit bébé au Ciel. L'Écriture dit cependant:

David aurait préféré mourir à la place de son fils Absalom, peut-être en raison d'un sentiment de culpabilité en tant que père inadéquat et négligeant. Mais mourir à sa place, s'il était possible, aurait seulement prolongé la vie terrestre de son fils et, en définitive, ne lui aurait pas forcément épargné la perdition (si tel est le cas). Seule la conviction de péché et la foi au Seigneur pouvaient le sauver.

La doctrine d'un salut universel des bébés est séduisante, mais les arguments sont loin d'être convaincants. Une consolation pour les parents, certes, mais à quel prix au plan théologique? Si le salut universel des enfants morts en bas âge est une "vérité d'en-haut", comme l'affirme le sous-titre du livre, pourquoi alors les apôtres et les prophètes du Nouveau-Testament ne l'ont-ils pas enseigné?

En outre, si on adhère à cette doctrine, quel incitatif nous restera-t-il pour prier ou militer contre l'avortement et faire changer les lois? La compassion? Mais l'avortement ne devient-il pas, indirectement, un des principaux moyens de sauver des âmes et de peupler le Ciel[27]? En effet, on sait pertinemment que seulement une minorité des enfants devenus adultes accepteront le Christ. Est-ce alors une grâce de leur sauver la vie ou plutôt une malédiction? Devrions-nous pour la même raison laisser les bébés mourir dans les orphelinats malfamés du tiers-monde? Ainsi ils iront au Ciel?[28] Pourquoi s'acharner pour sauver la vie d'un nouveau-né atteint d'une maladie grave? Pourquoi s'opposer à l'euthanasie de personnes souffrant d'une paralysie cérébrale sévère et irréversible au plan médical?

Je suis persuadé que le frère MacArthur n'a pas lui-même cette pensée, c'est un homme bon et compatissant. C'est pourtant le prolongement logique et dramatique de la doctrine de son livre, tout comme le baptême des bébés a été le prolongement des enseignements d'Augustin. MacArtur n'aborde malheureusement aucune des importantes questions et implications éthiques et sociales liées à sa doctrine.


9- Chapitre 6
Ce chapitre traite principalement de la félicité des élus au Ciel, dont celle des bébés sauvés. Encore une fois le but est d'apporter consolation.

Ce chapitre est rempli de vérités glorieuses au sujet du sort de nos proches dont nous savons qu'ils sont dans la présence de Dieu. Il répond justement aux questions: À quoi ressemblera le Ciel? Reconnaîtrons-nous nos enfants sauvés et vice-versa? Que sera le corps glorifié? Je le réitère, ce chapitre est rempli de vérités glorieuses en ce qui concerne les élus.


10- Chapitres 7 et 8
Au travers de divers cas vécus, présentés en détails, le chapitre 7 tente maintenant de répondre à la difficile question des parents en deuil: "pourquoi mon enfant devait-il mourir"? Le pasteur MacArthur répond ici avec une saine réserve:

Quelques raisons spécifiques sont néanmoins proposées par MacArthur, avec lesquelles nous ne pouvons qu'être d'accord. Elles concernent la sanctification des parents d'un enfant mort en bas âge. Ces drames deviennent une occasion d'éprouver notre foi, de nous rapprocher de Dieu dans la prière, de penser davantage au Ciel, d'expérimenter la grâce de Dieu au travers du deuil, de nous préparer à d'autres épreuves, de consoler les autres et de nous affermir dans la foi.

Le cœur du pasteur invite ensuite ceux qui ont perdu un bébé à s'examiner et à saisir la grâce de Dieu qui ne manque pas d'accompagner les parents chrétiens ou qui se convertissent. En définitive, en Dieu, la mort d'un proche peut devenir l'occasion d'un grand progrès spirituel, si on adopte la bonne attitude.

Le chapitre 8 présente d'autres cas vécus pour lesquels les parents ont été consolés, par l'aide de frères et de sœurs dans la foi, et sur la base des éléments du livre précédemment mentionnés. L'auteur propose finalement une prière type, qui résume le livre, en vue d'amener les parents à la guérison de leur âme meurtrie par la mort de leur bébé.


Conclusion
MacArthur m'a fortement déçu dans son exégèse. Il m'a également attristé. J'espérais sincèrement trouver dans son livre une preuve solide du salut universel des enfants morts en bas âge, selon les Écritures, mais je ne l'ai pas trouvée. Les versets amenés à l'appui sont malheureusement souvent interprétés hors de leur contexte. En outre, les doctrines qu'il en dégage entrent en contradiction avec des affirmations claires des Écritures et même des doctrines fondamentales de la foi chrétienne.

Lorsqu'on formule une doctrine, on doit s'appuyer sur des versets explicites et indiscutables. Par exemple, la divinité de Jésus est mentionnée explicitement par les apôtres (Jn 1, Ph 2). La prédestination aussi (Éph 1, Rom 8), tout comme la résurrection des morts, la damnation éternelle de Satan et des réprouvés, l'imputabilité du péché d'Adam et de la justice de Christ, le salut par la grâce, par le moyen de la foi seule, etc. Bref, les vérités de nos confessions de foi auxquelles on tient coûte que coûte et qui reposent sur des affirmations claires des Écritures plutôt que sur des raisonnements complexes et hypothétiques. Pour la doctrine du salut, on fait d'autant plus attention de ne pas enseigner ou croire un "autre évangile", car l'apôtre Paul nous en a solennellement avertis (Ga 1, 1Cor 15).

La pierre angulaire de la doctrine de MacArthur est que les bébés seraient paradoxalement des pécheurs, tout en étant innocents aux yeux de Dieu. Selon lui, le péché d'Adam ne condamne aucunement les descendants, il ne fait que les prédisposer au mal et leur infliger les conséquences naturelles du péché. Pour MacArthur, seulement les fautes individuelles et volontaires nous condamnent. Rien d'autre. Or, puisqu'il est aussi convaincu que les jeunes enfants n'ont pas la capacité de pécher volontairement, il en déduit qu'ils sont donc innocents aux yeux de Dieu. Il en découle qu'ils iraient directement au Ciel s'ils meurent dans cet état dit d'innocence.

L'apôtre Paul affirme cependant qu': "Il n'y a pas de juste, pas même un seul" (Rom 3.10). Il affirme également à propos d'Adam et de sa descendance: "Ainsi donc, comme par une seule faute la condamnation s'étend à tous les hommes [...] comme par la désobéissance d'un seul homme, beaucoup ont été rendus pécheurs [...]".

C'est malheureusement aussi le cas des jeunes enfants, car David, animé de l'Esprit, affirme que: "Les méchants sont pervertis dès le sein maternel. Les menteurs s'égarent au sortir du ventre de leur mère." (Ps 58.4). Par ailleurs, au plan historique, le récit de la destruction de la population complète de Sodome vient invalider la thèse voulant que les jeunes enfants seraient vus comme justes aux yeux de Dieu. Si c'eut été le cas, la ville n'aurait pas été détruite par l'Éternel.

La triste réalité est qu'il n'y aucun juste ou innocent, peu importe son âge. On ne devient juste que par la foi au Seigneur. C'est la doctrine de la justification. La Bible ne nous enseigne nulle part une autre façon d'être sauvés et d'aller au Ciel.

Il est toutefois plausible que certains enfants morts en bas âge soient sauvés par le moyen de la foi, suite à une intervention spéciale de l'Esprit en eux, en vertu de l'élection de la grâce. La foi salvatrice est toujours un don de Dieu (Éph 2.8), peu importe l'âge des brebis du Seigneur. Cela pourrait d'ailleurs expliquer que certain parents chrétiens ont une conviction du Saint-Esprit à l'effet que leur enfant mort en bas-âge est maintenant dans les bras de Dieu. Il pourrait en être de même de certaines personnes mortes avec un handicap mental sévère ou suite à un coma prolongé. Il s'agit toutefois d'une hypothèse et non pas d'un enseignement apostolique explicite. "Les choses cachées appartiennent à l'Éternel, notre Dieu" (Deut 29.29).

Le livre de notre frère MacArthur m'inquiète. À court terme, sa lecture consolera certes de nombreux parents dans le deuil. Mais, à long terme, quel sera l'impact sur la proclamation de l'Évangile du salut par la foi seule, et sur son fondement qui est la doctrine de l'imputabilité du péché et de la justice? Par ailleurs, quel incitatif aurons-nous pour lutter contre l'avortement, puisque l'avortement serait dans les faits un des moyens pour en sauver plusieurs?[30] Devrions-nous également nous acharner pour sauver la vie d'un nouveau-né atteint d'une maladie grave? Devrions-nous venir au secours d'un bébé laissé pour compte dans un orphelinat malfamé d'Afrique ou d'Asie?

Je recommande de façon générale la lecture des livres de John MacArthur, car c'est un serviteur de Dieu, que j'apprécie. Cependant, je crois humblement, et je crains, que son livre "Dans les bras de Dieu" pose les bases d'un "autre évangile" au sein même du mouvement évangélique conservateur. Je crains aussi que cette doctrine ne vienne à terme, et de façon insidieuse, banaliser notre conception et notre attitude envers l'avortement de ces milliers de petits enfants, sans défense, qui sont mis à mort chaque jour avec du matériel médical (Pr 24.11-12).


M.H.
Québec, février 2013.

(Note à mes lecteurs: le manuscrit de ce texte a été revu et commenté par 5 personnes, dont un pasteur et un professeur de théologie. Il comporte probablement des erreurs, comme tout ce que nous faisons. Vous pouvez me le signaler en vue d'une édition révisée de cet article. J'anticipe par ailleurs que la lecture de ce texte pourra attrister et même choquer plusieurs chrétiens et amis. J'en suis profondément désolé, ce n'était pas mon intention. J'ai prié plusieurs années avant de finaliser et de publier cet article. Je le fais maintenant avec crainte et tremblement).


Notes

[1] L'expression "salut universel des bébés" n'est pas utilisée par MacArthur. Cependant, elle décrit très précisément la doctrine présentée dans le livre.

[2] Ici et ailleurs, les guillemets sont utilisés pour mettre en évidence des termes importants dans la terminologie du livre ou pour des citations. Le soulignement est aussi utilisé pour mettre en évidence certains termes d'une citation.

[3] MacArthur met ces derniers mots entre guillemets (ici en souligné), comme si c'était une allusion à un verset biblique ou à une expression biblique bien connue. Cependant, après vérification, ce n'est pas le cas.

[4] On pourrait faire un rapprochement avec ces fameuses paroles de Jésus envers les soldats romains: "Père, pardonne leur, car ils ne savent ce qu'ils font", Lc 23.34. Ces soldats n'étaient pas sans péché, mais ils étaient inconscients de l'ampleur du péché qu'ils commettaient envers le Fils de Dieu.

[5] La Nouvelle Bible Second (NBS) - à ne pas confondre avec la version Louis Second révisée (NEG) et la Second 21 - est une traduction très littérale qui a impliqué plus d'une soixantaine de traducteurs. Le texte de Jonas 4.11 a été annoté de façon nuancée: "qui ne savent distinguer...: l'expression signifie peut-être "qui ne reconnaissent pas le bon chemin du mauvais"; elle peut s'appliquer à tous les Ninivites dans leur ignorance du vrai Dieu; selon certains, elle viserait plus particulièrement les enfants n'ayant pas atteint l'âge de raison".

[6] Il est étrange que l'auteur envisage que la compassion de Dieu est fonction de l'innocence d'un individu. La grâce s'exerce envers des pécheurs et non envers des personnes innocentes.

[7] L'auteur fait référence à certains textes bibliques qui montrent que le discernement du bien et du mal est lié à l'âge d'une personne. Cela est biblique et vrai. Cependant, cela n'implique pas forcément que, du jour au lendemain, un enfant discerne le bien et le mal complètement. Ce n'est d'ailleurs pas ce que l'on observe. C'est pourquoi, par exemple, la société civile impose une peine différente pour un crime, selon que le coupable est un enfant de moins de 12 ans, un adolescent de moins de 18 ans, ou un adulte de plus de 18 ans (ou 21 ans). Même chez un chrétien, la maturité et le discernement du bien et du mal se raffine avec le temps, selon la lecture, la compréhension et la mise en pratique des Écritures. En p. 54, MacArthur cite Deut 1.39 qui fait allusion à des petits enfants "qui ne connaissent ni le bien et le mal" et qui pourront entrer dans la Terre promise, contrairement au reste d'Israël alors dans le désert. Selon MacArthur, ils ont pu entrer en Terre promise car ils étaient innocents. Cependant, le passage parallèle de Nb 14.29-31 précise que toutes les personnes jusqu'à l'âge de 20 ans n'ont pas non plus subi la punition de mourir dans le désert. La raison pour laquelle Dieu met l'emphase sur les petits enfants, dans Deut 1.39, tient au fait que les adultes, dans leur rébellion, avaient laissés entendre que Dieu ne protégeait pas leurs petits.

[8] Je me rappelle très bien d'une situation où une de mes filles, qui avait à peine 2 ans, m'a menti de façon évidente pour cacher une désobéissance. Ce n'était probablement pas la première fois! C'était cependant la première fois que ce fut aussi évident.

[9] L'auteur citera plus loin ce verset, pour dire que les enfants héritent de la nature pécheresse, ce qui est vrai. Il omet cependant de mentionner que ce passage parle également de péché actif et personnel du nouveau-né. Ces actions de péché, visibles ou cachées, se développeront davantage chez ceux qui deviendront plus tard ce que le psalmiste appelle les méchants.

[10] Ce passage sera également cité plus loin par MacArthur, mais en minimisant la portée en ce qui concerne les bébés, alors que Paul n'a pas établi une telle distinction.

[11] Dans Jérémie 26.15, la Bible précise en outre que la faute des sacrificateurs dont il était question serait imputée (chargée) à toute "la ville et ses habitants" - donc également aux enfants et aux bébés. Dieu n'est pas injuste, mais il agit conformément au principe de l'imputabilité du péché qui fait partie des lois divines révélées. Dieu voit les personnes non seulement comme des individus, mais aussi comme appartenant à une famille ou à une race. Les jugements sur les familles de Qoré, d'Achan, de Jéroboam et d'Achab en sont des exemples tragiques et éloquents. Il en va de même pour la destruction complète des nombreuses villes des cananéens et de leur population, comme Jéricho où seule la famille de Rahab, composée principalement d'adultes, a été sauvée de la ville vouée à l'interdit.

[12] Il semble que le concept de tribu et de langue réfère à de larges groupes ethniques ou sinon réfère au groupes ethniques vivant à cette époque future.

[13] David a eu une telle révélation prophétique en ce qui concerne la mort de son premier fils avec Bath-Shéba (2S 12.14).

[14] La Nouvelle Bible Second, qui est très littérale, utilise l'expression "qui fait rendre des comptes", ce qui renforce l'idée qu'il s'agit d'une punition, imputée directement par Dieu aux générations suivantes, et non pas une conséquence naturelle. La version Darby, également très littérale, traduit par "visite", ce qui implique également l'idée d'une intervention divine souveraine.

[15] Selon Exode 34.5-7, l'imputabilité envers les générations suivantes est en lien avec la nature même de l'Éternel et sa façon dont il voit les hommes: "L'Éternel descendit dans une nuée, se tint là auprès de lui (Moïse), et proclama le nom de l'Éternel. Et l'Éternel passa devant lui, et s'écria: L'Éternel, l'Éternel, Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu'à mille générations, qui pardonne l'iniquité, la rébellion et le péché, mais qui ne tient point le coupable pour innocent, et qui punit l'iniquité des pères sur les enfants et sur les enfants des enfants jusqu'à la troisième et à la quatrième génération!".

[16] On pourrait aussi penser au jugement de toute la descendance du roi Achab et de Jézabel par Jéhu (2R 9.8-9; 2R 10.11), suite à l'idolâtrie extrême du roi et de sa femme. Cette punition (de mort) est décrétée par Dieu, puis transmise par révélation spéciale à Jéhu qui doit l'exécuter. C'est encore clairement un décret et non une conséquence logique ou naturelle, ni un jugement suite à un procès devant un tribunal. La punition atteint toute la descendance en raison du lien de sang et de la loi de l'imputabilité, cela sans rapport avec l'âge, le sexe ou la responsabilité personnelle des descendants. Cette doctrine de l'imputabilité est, avec la prédestination, une des moins populaires de la Bible, car selon la pensée occidentale elle violerait notre précieux "libre arbitre".

[17] MacArhur sous-estime les implications pratiques de la doctrine de l'imputabilité du péché d'Adam sur toute la race humaine (Rom 5.18) qui va encore plus loin que l'imputabilité mentionnée au deuxième commandement. Ce faisant, il sape indirectement les fondements de l'imputabilité de la justice par l'union en Christ. On ne peut arbitrairement rejeter l'une et embrasser l'autre, car l'apôtre Paul explique l'une par l'autre (Rom 5.18). Du temps d'Augustin, Pélage avait rejeté l'idée d'un péché originel qui condamnait la race humaine entière. Contrairement à Pélage, MacArthur affirme l'existence d'un péché originel, mais il en limite les implications logiques. Le théologien Henry C. Thiessen associe cette conception à l'arminianisme: " La théorie de la soi-disant Nouvelle École, une dérogation par rapport à l'ancienne conception puritaine, ressemble beaucoup à la théorie arminienne. Elle soutient elle aussi que les hommes ne sont responsables que de leurs actes personnels; que bien que tous les hommes héritent d'une constitution qui les prédispose au péché, et que tous les hommes pèchent en fait aussitôt qu'ils arrivent à l'âge de la conscience, cette incapacité n'est pas en elle-même un péché. Étant donné qu'elle ressemble beaucoup à la théorie arminienne, les arguments qu'on peut y opposer sont les mêmes". Sur ce dernier point il précise: "À cela nous répliquons que, selon la Bible, l'homme a péché en Adam et qu'il est donc coupable avant même de commettre un péché personnel.". Guide de doctrine biblique, éditions Farel, 2ème édition, 1995, p. 212.

[18] Dans ce chapitre de Matthieu, l'utilisation par Jésus du terme enfant est au sens propre, sauf au verset 2 (sens figuré).

[19]19 Dans Mt 19. 14-15, MacArthur mentionne que Jésus bénit de petits enfants en leur imposant les mains, signe d'un salut selon l'auteur. Jésus aime les enfants et ce fut certainement avantageux pour ces petits d'être ainsi bénis. Cependant, c'est justement le fait d'avoir été bénis par le Christ qui leur confère un avantage, pas leur âge. De plus, ce n'est pas parce que Jésus leur a imposé les mains qu'ils étaient, sont ou seront sauvés. On a plusieurs raisons de croire que Judas a reçu l'imposition des mains de Jésus, lors de son institution comme apôtre. Ce n'est pas non plus tous ceux qui ont été guéris/bénis par Jésus qui sont forcément sauvés (cf.: les 9 lépreux qui n'ont pas donné gloire à Dieu après leur guérison).

[20] Un mécréant est, étymologiquement, un personnage que l'on oppose à un croyant, par ses idées ou ses attitudes. Autrement dit, un mécréant est un anti-chrétien. Je laisse au lecteur le soin de juger par lui-même de la pertinence de recourir à une telle citation.

[21] Cette doctrine a également été popularisée par le film "Left behind", d'après les romans de Tim Lahaye.

[22] Il s'agit ici du contexte de la deuxième résurrection (Ap 20.5-6). Cette deuxième résurrection ne concerne pas les élus dont les noms, en accord avec la doctrine de l'élection, sont inscrits dans le livre de vie dès avant la fondation du monde.

[23] Pour appuyer cette hypothèse, mais sans la confirmer, mentionnons que l'Évangile a été annoncé à Paul directement et unilatéralement par le Seigneur Jésus, du haut des cieux, et non pas par des évangélistes humains: "Je vous déclare, frères, que l'Évangile qui a été annoncé par moi n'est pas de l'homme; car je ne l'ai ni reçu ni appris d'un homme, mais par une révélation de Jésus-Christ." Gal 1.11-12. Le Seigneur Jésus, qui a pu convaincre et sauver Paul - un homme mort spirituellement, mais élu - peut également par son Esprit, et si c'est sa volonté, parler directement à l'esprit d'un bébé ou d'un foetus élu et l'amener à la foi. Tout cela en vertu de l'élection de la grâce, et malgré que les oreilles et le cerveau d'un foetus ou d'un jeune bébé ne soient pas développés.

[24] Il s'agirait encore ici d'une communication spéciale de l'Esprit à l'esprit humain et non de l'adhésion à une doctrine de salut universel des enfants morts en bas âge.

[25] Comme dans le cas du meurtre d'un adulte, la consolation de l'avortement d'un enfant doit provenir d'abord et avant tout de la repentance des parents biologiques et de la foi dans le sang expiatoire du Christ, lesquels procureront le pardon et la paix qui en résulte. Ps 32.3-5.

[26] En outre, il n'y aurait plus aucune raison de prier pour le salut de nos enfants, car tôt ou tard leur salut serait assuré, du fait du nôtre.

[27] Plusieurs centres pro-vie d'aide à la grossesse en Amérique du Nord, qui font par ailleurs un bon travail, utilisent déjà la doctrine du salut universel des bébés sur une base routinière pour consoler les parents lors des suivis post-avortement.

[28] Un frère que je connais a déjà entendu ce genre de commentaire de la part d'un autre chrétien, relativement aux orphelinats du Viêt Nam. J'ai aussi vu sur Internet une caricature à l'effet de favoriser l'avortement pour sauver les bébés. Tout cela est triste et macabre.

[29] En fait, que ce soit un bébé, un jeune enfant, un adolescent, un conjoint, etc., les mêmes questions angoissantes surgissent. Nous nous en remettons ultimement à Dieu.

[30] Il y a plus de 25 000 avortements par année au Québec seulement.