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Samizdat

Les nouvelles spiritualités.





Florent Varak & Patrick Luthert.


Introduction
Rue piétonne, centre de Lyon. Une femme écoute attentivement la présentation de l'Evangile. Elle vient vers moi, rouge de colère, et me lance “ Pourquoi parler d'un Dieu extérieur aux gens ? Vous êtes Dieu ! je suis Dieu ! ” avant de disparaître dans la foule. Cette scène aurait fait sourire il n'y a pas si longtemps. Aujourd'hui, des hommes très en vue de notre société vantent les mérites d'une “ nouvelle spiritualité, ” (NS) fortement imprégnée de pensées orientales :

Françoise Champion, chargée de recherche au CNRS, les qualifie au vitriol de “ nébuleuse mystique-ésotérique ”[2] :

Mesurer l'avancée des NS en occident est difficilement possible – c'est une nébuleuse ! Certains adeptes sont aussi membres de religions classiques. La France compte 80% de Catholiques. Pourtant, 24% des français déclarent croire en la réincarnation (influence orientale manifeste)[5]. Est-ce à dire que le _ des français adhère aux NS ?

Deux raisons expliquent la percée des NS.


Les facteurs du succès: La fin (l'échec) des grands systèmes

Les débats politiques du passé n'ont plus d'intérêt. La génération de l'après-guerre ne s'est pas rassasiée des ‘30 glorieuses,' et constate la ruine des pays marxistes. Jacques Castermane, responsable d'un centre de méditation & d'accueil :

On observe une diminution de l'influence des systèmes chrétiens (catholiques), ce qui favorise la percée des NS, comme le constate Henri Boulad, père jésuite, assez proche des NS :

Il faut que le courant mystique irrigue l'Eglise de l'intérieur, parce que si les jeunes se tournent vers l'Asie et vers les sectes, c'est parce qu'ils ne trouvent pas dans l'Eglise de réponse à leurs aspirations.[7]

Cette déchristianisation est une deuxième brèche. Champion constate :


La “ nouvelle ” science
Un nouveau type de science se profile pour justifier une nouvelle spiritualité. Champion observe :

La science s'éprend de repères qu'elle avait un temps jugés infantiles :

La science constate ses limites. Elle ne donnera pas le sens de la vie, parce que trop “ matérielle ”. Lévy-Leblond (professeur de physique quantique) envisage dès lors un changement radical :

Nouvelles clés  s'approprie cette idée :

Selon Basarab Nicolescu, physicien théoricien quantique des particules élémentaires à l'Institut de Physique Nucléaire d'Orsay et à l'Université Pierre & Marie Curie de Paris, “ [...] il n'y a plus, selon les données actuelles sur lesquelles on peut s'appuyer, une objectivité totale ; et cela est lié à la faillite du scientisme. ”[13] Cette faillite lui permet d'affirmer :

La science importe ou exporte du spirituel ! Elle croit constater dans les NS un sage compagnon qui l'aurait même précédé :


L'expérience prime
Les croyances essentielles sont difficiles à cerner. Puisqu'il n'y a pas de référentiel, presque tout est permis. C'est ce qui est d'ailleurs reproché au croyants des NS:

C'est l'une des nombreuses contradictions des NS qui cherchent à légitimer leurs croyances dans la science, tout en croyant... à l'incroyable ! C'est que le vrai n'est pas conçu d'une manière objective. Il est subjectif et passe par le vécu, par l'expérience :

Willaime complète cette idée en évoquant les caractéristiques communes à ces NS :

L'expérience prime ! Le scientifique évoqué tout à l'heure approuve :

Pire ! L'expérience est révélatrice du vrai :

Point Bible
  • Le Christ, Parole vivante, nous laisse une Parole écrite parfaite (2 Tim. 3.16) dont la véracité ne dépend pas de la manière dont on vit son enseignement.
  • Une expérience ou une émotion spirituelle, même bouleversante, ne recevra pas toujours une approbation divine (Apoc. 3.1). Pierre, présent lors de la transfiguration, minimise l'impact de cette expérience lorsqu'il la compare à l'enseignement prophétique qu'il prend pour “ d'autant plus certaine ” (2 Pie. 1.18-20).
  • Une expérience que Dieu approuve fait suite à l'appropriation d'une vérité révélée dans l'Ecriture. La “ naissance d'en haut ” (Jean 3.3) fait suite à la confiance que l'on place en Christ pour le pardon de nos fautes. La joie du pardon suit la compréhension de la miséricorde de Dieu (Ps. 51), etc.


Les croyances essentielles: Monisme / Panthéisme / Universalisme

Tout ce qui existe provient d'une seule source d'énergie divine. Tout ce qui existe est Dieu ; Dieu est tout ce qui existe. De là l'idée que l'homme est divin. La divinité n'est pas à rechercher dans des textes, ou dans les cieux. Elle est à trouver en nous-mêmes.

Puisque tout est Dieu, il n'existe qu'une réalité, difficile à cerner, mais abordable de tout côté. Aucun chemin n'est exclusif.

Point Bible
  • Paul présente aux Athéniens un Dieu autonome, distinct de sa création (Actes 17.24-25).
  • Le monde naturel révèle suffisamment l'existence d'un Dieu invisible et parfait (Rom 1.20), qui appelle les hommes à la repentance. Ceux qui refusent d'admettre son existence pour en tirer les conséquences, sont livrés à une spiritualité “ folle ” puisqu'en adorant la création, ils offensent le créateur (Rom. 1.21-23).


Le karma / la réincarnation

Les actes bons ou mauvais forment un passif ou un actif que l'on appelle le karma(n). A la fin d'une vie, le karma détermine les punitions ou les récompenses attribuées à chaque individu, pour ses prochaines vies. Il se réincarnera immédiatement (pour les Tibétains), après 49 jours (Druzes), selon un cycle de 144 ans (Rosicruciens) ou de 1000 à 1400 ans (Théosophes). Mais l'homme meurt et renaît plusieurs fois afin de se purifier et mûrir.

Cette pensée est de plus en plus à la mode. Les témoignages en sa faveur se font nombreux :

Point Bible
  • La loi du karma s'oppose à la grâce en ce que la première propose le paiement de nos fautes par des oeuvres compensatoires. Alors que le Père offre un pardon complet puisque la dette de tout péché a été “ payée ” par son Fils mourant sur la croix (Héb. 9.12, 10.10). L'homme ne peut parvenir à Dieu par ses propres efforts, mais uniquement par Christ (Tite 3.5 ; 1 Tim. 2.5).
  • La Bible enseigne que nous ne passons qu'une seule fois sur terre – pas de réincarnation (Héb. 9.27). L'homme demeure dans son état à son décès : pécheur pardonné, il rejoint Dieu ; s'il ne s'est repenti dans la confiance, il demeure séparé de Dieu, pour toujours (Dan. 12.2 ; Mat. 25.46).


Les objectifs: L'éveil intérieur
La réalité est diffuse, difficilement saisissable. La vie a pour objectif de réaliser un éveil intérieur qui conduira à l'illumination. De nombreuses techniques sont proposées, de la drogue à la méditation transcendantale, en passant par le yoga ou les cercles de discussions ésotériques. Basarab Nicolescu de nouveau :

A mon sens, ce n'est pas un éveil, mais un endormissement de la volonté consciente pour un échange de valeurs, une influence des pensées et de l'esprit. Ces transformations ne sont pas neutres. Elles peuvent être dangereuses, comme le témoigne cet adepte des NS :

L'éveil initiatique est dangereux. C'est une porte ouverte sur un monde ténébreux, dont le chef se présente en vêtements de lumière (voir 2 Cor. 11.14)

Point Bible
  • L'homme n'a aucune ressource personnelle pour découvrir la divinité. Profondément enraciné dans le péché (Rom. 3.23), sa nature même est corrompue (Eph. 2.1-3) et incapable même d'aspirer réellement à connaître Dieu (Rom. 3.10-18). Il ne faut pas un éveil intérieur, mais un appel extérieur puissant – celui de Dieu ! – pour que l'homme découvre sa faute et la grâce que Dieu lui propose (Rom. 8.29-30 ; Eph 1.4-6).
  • Le Chrétien reçoit de Dieu un “ équipement ” suffisant pour vivre pleinement jusqu'à son arrivée dans la citée céleste. Béni de “ toute bénédiction spirituelle ” (Eph 1.3), ayant reçu “ tout ce qui contribue à la vie et à la piété ” (2 Pie. 1.3), étant “ scellé du Saint-Esprit ” (Eph 4.30), il est qualifié pour “ toute oeuvre bonne ” par l'application de la Parole (2 Tim. 3.17). Il ne lui manque aucun ‘zapage' ou expérience spirituelle en dehors de ce que l'Ecriture lui propose.


Le soin du corps
Le corps reçoit une attention dévouée, notamment par le biais des médecines douces. Celles-ci sont une vitrine alléchante pour la pensée des NS. Je ne veux pas dire que ces médecines soient nécessairement mauvaises. J'observe seulement que bon nombre d'entre elles font l'apologie des NS, et y conduisent parfois.

Comme le remarque Willaime :


L'oecuménisme total
Ils oeuvrent avec intensité pour rapprocher les religions humaines. Ils organisent des congrès oecuméniques pour tenter de définir les points communs et de construire une plate-forme commune à toute religion. Ils croient à l'évolution de toutes les spiritualités vers cette plate-forme commune.

Un site internet faisant la promotion du Nouvel Age :

Notre scientifique ésotérique évoque la convergence de toute spiritualité par l'expérience intérieure :

Cette convergence vise ainsi la création d'une seule foi...


L'entraide planétaire
Les intellectuels poussent les dirigeants politiques à créer un gouvernement mondial. Cette période, cet Age Nouveau, est parfois appelé Nouvel Ordre Mondial, ou encore l'Ere du Verseau. Un sociologue américain, mort en 1990, déclarait :

Cette mondialisation est dans l'ère du temps. Plusieurs essais d'unification planétaire (économique ou politique) ont eu lieu depuis la deuxième guerre mondiale. Le désir d'en finir avec la guerre et l'injustice, de répondre aux problèmes écologiques, à la faim dans le monde, engendre une passion pour la construction d'une unité planétaire. Cet envie (louable mais si dangereuse car éloignée des peuples) est partagée par les responsables des NS, qui apportent ici et là une contribution significative à l'ensemble.


Comment aborder les adeptes des NS ?
On peut schématiser en répartissant les adeptes en trois catégories, et adapter l'approche en conséquence.


L'initié
C'est un homme dont la foi aux NS se fonde non sur un dogme ou une doctrine lue dans les livres, mais sur un vécu profond qui a bouleversé sa vie. Cette initiation pourra être une ‘Expérience de Mort Imminente' (l'individu est laissé pour mort, se voit visiter l'au-delà, et reçoit divers enseignements[28]), une sortie du corps lors d'une méditation transcendantale, ou sous l'effet de drogue, un rencontre avec des esprits ou des anges. La liste n'est pas exhaustive.


L'intéressé
Il a tout lu sur la question — ou presque ! Il campe au pied des rayons ésotériques des librairies, et est prêt à traverser la France pour entendre une célébrité du milieu s'exprimer sur la spiritualité orientale. Il n'a rien vécu de fort, mais pressent qu'il y a là réponse au sentiment de désordre qu'il connaît dans son coeur.


L'innocent
C'est un homme qui croit ce que la mode enseigne ! Il n'a ni vécu un événement fort, ni réfléchi à la question. La réincarnation ? Ca l'arrange ! Mais il ne faut pas aller plus loin. On retombe sur des pistes classiques de l'annonce de l'Evangile.


Pour tous
L'amour. Ce que les chrétiens vivent (parfois), peu de gens le connaissent. S'aimer entre chrétiens, aimer ceux qui affirment des choses si aberrantes, est un devoir. Une nécessité. Lorsque j'étais attaché aux NS, je trouvais les conceptions de mon ami protestant tellement obsolètes. Mais son écoute, l'amour de ses amis, ont eu raison de mes préjugés.

Le péché. Il faut oser à nouveau parler clairement que le bien et le mal sont réels et distincts. La lecture des 10 commandements, ou de Matthieu 5 sont des tuteurs utiles pour prendre conscience du sérieux et de l'étendue du mal.

L'Evangile. La grâce du Christ est un “ scandale ”, une occasion de chute, pour les adeptes des NS. Leur système favorise l'orgueil (puisqu'on parvient par soi-même aux hautes sphères spirituelles). L'Evangile exige l'humilité. Des versets tels que Héb. 9.27 ou Jean 14.6 peuvent “ dynamiter ” les coeurs endurcis pour les conduire à l'amour de Dieu. Proclamer l'Evangile, même si on ne peut le démontrer, c'est largement suffisant pour que la semence croisse sous l'influence du Saint Esprit.



Notes

[1] Jean-Paul Willaime, Sociologie des religions, “ Coll. Que Sais-je? ” Paris : PUF, 1995, p. 58.

[2] in Willaime, Op. Cit., p. 58 ; voir également F. Champion, “ Croire en l'incroyable : les nouvelles religiosités mystiques-ésotériques ”, Les nouvelles manières de croire, Paris : Editions de l'atelier, 1996, p. 73.

[3] Malédiction pour les Hindous, la réincarnation est au contraire une bénédiction chez les Occidentaux !

[4] Emmanuel-Yves Monin, “ du paganisme au néo-paganisme européen ”, L'originel, avril 96, p. 19

[5] L'Express, N° 2378 (du 30 janvier au 5 février 1997), p. 30ss.

[6] Jacques Castermane “ Perspectives spirituelles ”, Terre du Ciel, n°23, avril-mai 94, p. 6.

[7] Henri Boulad, S.J., “ Espoir et soucis de l'Eglise de demain ” Terre du Ciel n°27, déc 94-janv 95, p.43.

[8] Françoise Champion, “ Croire en l'incroyable : les nouvelles religiosités mystiques-ésotériques ”, Les nouvelles manières de croire, Paris : Editions de l'atelier, 1996, p. 81-82.

[9] Ibid. p. 78.

[10] Georges Balandier, Le désordre : éloge du mouvement, Paris : Fayard, 1988, in Champion, Op. Cit. p. 79.

[11] J.M. Lévy-Leblond, “ La science et ses doubles ”, Autrement, 1986, in Champion, Op. Cit. p. 79.

[12] Patrice Van Eersel, “ Nouvelle science, nouvelle spiritualité ”, Nouvelles Clés, Fév-Mar. 94, p. 24.

[13] Basarab Nicolescu, “ Un scientifique nous parle de spiritualité ”, Terre du Ciel, oct.-nov. 95, p. 40.

[14] Ibid., p. 42.

[15] Patrice Van Eersel, Op. Cit., p. 25.

[16] Champion, Op. Cit., p. 73-74.

[17] Ibid., p. 84.

[18] Willaime, Op. Cit., p. 62.

[19] Nicolescu, Op. Cit., p. 40.

[20] Gérard Riba, “ Jouer avec l'esprit ”, Terre du Ciel, avr.-mai, 96, p. 37.

[21] L'Express, Op. Cit. p. 30.

[22] Nicolescu, Op. Cit., p. 41-42.

[23] Alain Chevillat, “ Carnet de Route ”, Terre du Ciel, oct-nov. 95, p. 11.

[24] Willaime, Op. Cit., p. 63.

[25] Boulad, Op. Cit., p. 46.

[26] Nicolescu, Op. Cit., p.41.

[27] Lewis Mumford, Transformations, 1956, p. 142.

[28] Voir F. Varak, La réincarnation, Villeurbanne : Editions CLE, 1994, pour une évaluation de ces phénomènes.