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Samizdat

L'illusion de Mel Gibson[1]:
une autre perspective.




La Passion de Mel GibsonPaul Gosselin[2]

Le texte du professeur Painchaud, "L'illusion de Mel Gibson", tire son intérêt non pas de son commentaire sur le film de Gibson, mais du fait qu'il sert de tremplin au professeur, lui permettant d'étaler sa vision de la personne de Jésus de Nazareth et du Nouveau Testament. À ce titre, si les gens discutent plutôt de la personne de Jésus que du film de Gibson, il y a lieu de penser que Gibson n'en serait pas fâché. Le film passera bien à l'histoire, il y a d'autres choses plus importantes finalement.


Le contexte historique
Le professeur Painchaud affirme que le film de Gibson représente mal les faits historiques dont, entre autres, les dernières paroles de Jésus, avant sa mort:

Il faut mettre en contexte. M. Painchaud a raison de noter que la crucifixion, comme moyen d'exécution, tue non par la perte de sang (facteur accessoire), mais d'abord par la position de l'exécuté (les bras écartés et le poids du corps, contribuant à écraser la cage thoracique), qui rend difficile la respiration. Or la phrase du prof. est intéressante et l'on pourrait dire vraisemblable, mais on peut se demander, puisque les crucifixions ne sont plus monnaie courante au XXIe siècle, comment le prof. Painchaud fait-il pour arriver à une affirmation aussi catégorique, "impossible qu'un crucifié mourant par asphyxie prononce quelque parole que ce soit, juste avant de mourir[3]"?


Le cas Pilate
Touchant le personnage de Pilate le professeur Painchaud note

Il s'agit d'une objection plutôt malhonnête puisque le film de Gibson n'examine que les derniers 12 heures de la vie de Jésus. Par contre, si on examine les Écritures, on s'aperçoit qu'elles aussi décrivent Pilate comme un être cruel, car dans l'Évangile de Luc 13:1 on nous indique:

Il est manifeste que ce Jésus n'a rien fait qui intéresse la loi romaine et les questions religieuses des Juifs ennuient le païen Pilate. À la première occasion il tente de se débarrasser de "l'affaire Jésus", car en Luc 23: 6-7 on note:

Mais Jésus ne plaît pas à Hérode. Hérode s'attendait à un bon show, quelques tours de magie, des miracles... Mais Jésus ne fait pas le clown pour Hérode et celui-ci le tourne en dérision pour ne pas avoir répondu à ses questions. Visiblement, Pilate partage ce sens de l'humour, car en Luc 23: 11-12 on nous indique:

La crise existentielle de Pilate semble inhabituelle, mais pas invraisemblable étant donné les hauts et les bas de la nature humaine. À ce sujet un ami a fait les remarques suivantes:

Mais revenons à Pilate. Assurément, il n'en voulait pas de cette "affaire Jésus", mais les dirigeants Juifs, déterminés à l'éliminer, mais n'ayant pas le pouvoir d'exécuter des criminels, tordent le bras de Pilate pour obtenir ce qu'ils désirent. On voit bien le chantage politique exercé par les dirigeants Juifs en Jean 19: 12

En somme, ce type d'accusation est, somme tout, assez semblable à l'accusation d'antisémitisme[5] fait à l'égard du film de Gibson par certains journalistes (mais pas par Painchaud). Puisque ce film est "trop chrétien", il faut bien trouver un prétexte pour le marginaliser, le discréditer. Mais si. dans l'ensemble, le film est fidèle aux Évangiles, ce qu'admet indirectement Painchaud[6], il faut bien trouver des trucs pour le mettre de côté. Et pour nos élites "politically correct" l'accusation d'antisémitisme fera assez bien l'affaire. Sachant que bon nombre de juifs sont impliqués dans les milieux de la distribution de films d'Hollywood, cette accusation n'est pas arrière pensée. Ce serait intéressant d'ailleurs de faire une analyse et examiner si ceux qui crient le plus fort antisémitisme dans le cas du film de Gibson n'ont pas trouvé "intéressant", "audacieux" ou "captivant" le film la Dernière Tentation de Christ de Scorsese. L'accusation d'antisémitisme est allé, dans la bouche de certains dans les médias, jusqu'au point d'accuser les Évangiles eux-mêmes d'antisémitisme[7]. Ce qui est manifestement ridicule, car ce Jésus de Nazareth était Juif et les Évangiles ont tous été rédigés par des Juifs. Mais lorsqu'il faut faire flèche de tout bois, la logique n'a pas à répondre à l'appel. Par ailleurs il serait assez intéressant d'examiner les commentateurs qui ont crié si fort antisémitisme à l'égard du film de Gibson pour voir si, avant ou après sa sortie, on peut détecter des comportements de leur part démontrant un soucie en faveur du peuple juif ou des préjugés dont ce peuple peut être l'objet... Je pense que le cynicisme est tout à fait justifié à ce sujet.


Emprunts ou faits historiques?
À la fin du 7e paragraphe, le prof. Painchaud énumère les parallèles entre les détails de la crucifixion de Jésus et les prophéties de l'Ancien Testament, il note:

À ce titre le professeur renie manifestement les credos et croyances de catholiques et de protestants des siècles passés et du présent. Tous ceux-là sont d'avis que les détails qu'il vient de décrire sont en fait des faits historiques relatés par des témoins, voir des accomplissements de prophéties à l'égard du Messie et non des emprunts littéraires opportunistes. Le professeur Painchaud a le titre de "théologien", mais il y a lieu de se demander si les chrétiens de tous les époques sauraient reconnaître et accepter sa perspective sur Jésus et les Évangiles?. Visiblement, les médias, les propagateurs de "l'Évangile politically correct", du moins peuvent en tirer quelque chose... Marginaliser et discréditer[8] le christianisme historique reste un objectif toujours louable à leurs yeux.

Le professeur Painchaud ne cache pas vraiment le fait que la lecture classique des Évangiles ne lui plaît pas. Il note, touchant le film de Gibson, que "Son film utilise une lecture littérale grossière des textes évangéliques (...)", mais sans doute le prof. referait il une lecture plus subtile, plus postmoderne, voir une déconstruction en règle du personnage de Jésus et de sa mission ?

Discourant sur la violence du film de Gibson, le prof. Painchaud déplore, À son avis ce qu'il faut retenir c'est son message "d'Amour total ". il ajoute:

Restera peut-être à savoir si le message "d'Amour total " mentionné par le prof. est bien celui de Jésus ou plutôt celui du prof. Painchaud? Il aurait été intéressant de voir quel serait la version "Painchaud" des Évangiles et ce qui resterait des récits de Matthieu, Marc, Luc et Jean... Une version "purifiée" et sans doute plus "policitally correct". Lorsque Albert Schweitzer a rédigé son étude intitulée La recherche pour le Jésus historique, il semble qu'il soit venu à la conclusion que les théologiens, dont il a examiné les ouvrages, voyaient Jésus chacun à la lumière de leur propre vision du monde. N'est-ce pas là le reflet de la réalité que chaque génération s'érige des divinités à leur image. Il est un peu vain de croire que nous, les postmodernes, y échapperions...

Il faut comprendre que notre génération déteste la Loi, il ne peut sentir le jugement. Elle se crée alors des divinités tolérantes, à son image. Mais le Jésus de "l'Amour total" est une invention de notre génération, une divinité un peu con, car le vrai Christ est "venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir" (Mt 5:17). Scandale ! Nous, nous acceptons aucune limite à notre comportement, aucune responsabilité de nos actes. La condamnation de nos comportements et nos attitudes est pourtant maintenue. On peut donc nous tenir responsables de nos transgressions ? Impensable ! Ce qui est essentiel à comprendre au sujet de Jésus est qu'il maintient la Loi, mais il prend sur Lui la pénalité de nos transgressions. Il a subi la peine que méritais nos péchés.

D'ailleurs si l'on s'attarde un peu plus au cas du "Jésus de l'Amour Total" que nous servent nos théologiens postmodernes la mort horrible de Jésus sur une croix est un non-sens, une réponse à une question que personne n'a posée. Le "Jésus de l'Amour Total" aurait pu tout aussi bien prendre son micro et proclamer "Aimez-vous les uns les autres, Don't worry, be happy…" et partir vers son paternel, la journée de travail terminée. Mais le Jésus véritable annonce, dès le début, sa mort et son sacrifice. Il se proclame l'Agneau de Dieu. Ceci réfère, dans l'Ancien Testament, à la fois au bouc fourni par Dieu pour remplacer Isaac dans le cas d'Abraham et aussi l'agneau de la Pâque juive. L'agneau de la Pâque juive n'avait pas comme seule fonction de fournir le plat principal à une fête religieuse sympa, mais de prendre la place des aînés de chaque famille pour éviter le jugement de Dieu lors de l'Exode. Il est évident que nos théologiens postmodernes n'ont aucun besoin d'un Christ mort en croix. Certainement, le Christ des Évangiles est le Dieu d'Amour, mais il s'agit d'un amour efficace. La venue de Christ est une intervention concrète pour solutionner un problème tout à fait concret, c'est-à-dire la déchéance de la race humaine.

Le professeur Painchaud termine son texte en misant sur la crainte[9] qu'il faut avoir d'une trop grande diffusion du film de Gibson. L'objectif du prof semble de faire peur, mais dans quel but ? Peut-être serait-ce si dérangant si notre génération "politically correct" se posait des questions sérieuses sur la personne de Jésus ? Le professeur affirme:

Le professeur s'inquiète ? Chose certaine, il veut que ces lecteurs s'inquiètent... Il est possible effectivement qu'un questionnement sérieux sur la personne de Christ amènerais une remise en question bouleversante pour nos élites "politically correct" auxquelles le prof. semble s'identifier. Ce sont justement eux qui ont le plus à craindre d'une telle situation. Dans ce cas-ci, il y a lieu de se demander si les affirmations alarmistes du prof. seraient plutôt attribuables à un phénomène que les psy appellent la projection. Les professeurs Painchauds sont utiles à nos médias pour maintenir l'image d'un christianisme artéfact, bibelot, comme une église convertie en théâtre ou la croix au cou de Madonna… insignifiant. Des symboles sans contenu. Le film de Gibson choc (et inquiète) nos élites "politically correct", car il fait allusion à un christianisme avec un contenu réel.

Lorsqu'on a une arme qui suscite la crainte chez les gens, on peut les contrôler. Mais si on l'utilise sans succès, l'effet de dissuasion diminue ou disparaît[10]. Je note cette tendance dans le discours des médias en Occident. On a monté une rhétorique contre le film de Gibson et l'on s'aperçoit que le public a embarqué malgré tout. En Amérique du Nord, dans les douze premiers jours en salle il a recolté 200 millions, des recettes identiques au film de Jackson, Return of the King (Seigneur des Anneaux), qui a recolté 11 Oscars. Le film de science fiction, La Matrice avait connu un sort semblable, les media l'ayant dénigré dès le départ et ayant par la suite accepté de le reconnaître comme un classique après que le public aie passé outre et adopté le film. Il semble que les médias québécois se sont fortement réajustés par rapport à leur réaction intiale au film "La Passion". Évidemment, ceux qui ne veulent rien savoir crient encore plus fort, mais au risque de devenir de plus en plus marginal.

Pour certains, il semble que de réflexions sur la personne de Jésus Christ sont à éviter à tout prix... CS Lewis, professeur de littérature anglaise de la Renaissance et du Moyen Age à l'Université de Cambridge[11], résume bien le cœur du dliemme que pose la personne de Jésus.


Notes

[1] - Le texte du prof. Louis Painchaud intitulé "L'illusion de Mel Gibson" est paru le journal Le Soleil, le 28 février 2004, p. D9

[2] - With a little help from my friends...

[3] - Point d'intérêt. Sur la croix, il est évident que Jésus allait mourir, mais les Écritures affirment que Jésus n'est pas mort de manière passive. Elles affirment: "Quand Jésus eut pris le vinaigre, il dit: Tout est accompli. Et, baissant la tête, il rendit l'esprit" (Jean 19:30). Sans doute Jésus allait mourir, mais il était en contrôle de ses moyens au moment de sa mort. Plus tard d'ailleurs lors que Joseph d'Arimathée reclâme le corps de Jésus, les romains, qui avaient pourtant l'habitude des crucifixions, s'étonnent.." Pilate s'étonna qu'il fût mort si tôt; fit venir le centenier et lui demanda s'il était mort depuis longtemps. S'en étant assuré par le centenier, il donna le corps à Joseph." (Marc 15: 44-45)

[4] - La maitresse de Mussulini.

[5] - On pourrait se demander si ceux, dans les médias, qui crient le plus fort le mot "anti-sémitisme" dans ce contexte ne sont pas les premiers à critiquer la nation d'Israël et d'en faire la source de tous les maux du moyen orient, sinon le monde ?? Est-ce possible que le mot hypocrisie ne serait approprié ?

[6] Painchaud note: "(...) est-ce que les faits se sont réellement, déroulés comme le film les raconte sur la base des récits évangéliques ? Certes, Gibson amalgame des éléments empruntés aux récits contenus dans les Évangiles de Marc, de Matthieu, de Luc et de Jean. Ce faisant toutefois, il tient pour acquis que ceux-ci contiennent Une relation exacte des faits. "

[7] - Notons, évidemment, que Painchaud n'a pas affirmé une telle chose.

[8] - À ce titre, il suffit d'examiner le traitement médiatique de débats sur l'avortement, l'adoption par des couples homosexuels, l'euthanasie, le mariage gaie, où l'on voit régulièrement marginalisés et discrédités des personnes offrant des prise de positions inspirées par la vision du monde judéo-chrétienne.

[9] - Tout en misant aussi sur les préjugés anti-américains de ses lecteurs.

[10] - Et peut tourner au ridicule.

[11] - Et ami intime de JRR Tolkien dont le Seigneur des Anneaux a été porté récemment à l'écran